Neu!
Neu! '86 |
Label :
Grönland |
||||
Neu!, de son joli petit nom (a prononcer "nauille" en français, pas "nœud") est un groupe typé krautrock fondé en 1971 par Michael Rother et Klaus Dinger.
Pour comprendre la création de ce groupe/duo, il faut d'abord s'intéresser à un autre groupe de Düsseldorf...
Les deux messieurs étaient alors les hommes de mains du groupe électro-expérimental Kraftwerk, déjà mené d'une main de fer par le combo Ralf Hütter et Florian Schneider. Après une année passée au sein du groupe et la contribution au premier album éponyme produit par Conny Plank, Rother et Dinger décident de quitter Kraftwerk pour fonder leur propre duo. Ce duo reposera sur la batterie très énergique de Dinger et les lignes de guitare mélodieuses de Rother. Vous l'aurez compris, une confrontation de point de vue va rapidement se créer au sein du duo, ce qui créera une poignée de morceaux musicalement très intéressants. Le duo ne néglige pas non plus l'expérimentation et fait usage de nombreux effets novateurs pour l'époque. Il fait d'ailleurs de nouveau appel à Conny Plank pour enregistrer (non sans difficultés) trois albums entre 1971 et 1975, nommés simplement Neu!, Neu! 2 et Neu! '75.
Le duo, déjà assez instable, finit par éclater définitivement à la suite de l'enregistrement du troisième album.
Michael Rother prendra la voie synthétique et ira explorer les confins de la musique ambient avec nombre d'albums solo et en collaboration avec le groupe Cluster et Brian Eno.
Klaus Dinger, plus "énergique" que jamais, prendra la voie du proto-punk (déjà imaginé dans "Hero", sorti sur l'album Neu! '75) en créant le groupe LA Düsseldorf.
Au milieu des années 80, les deux hommes se recontactent et tentent de laisser leurs différents musicaux de côté pour imaginer un éventuel nouvel album de Neu!. Les sessions se déroulent en 1985 et s'annoncent plus électronique que jamais : Dinger est fan de synthé et de boites à rythmes, Rother produit une partie de l'album sur l'ordinateur musical/sampleur Fairlight CMI. Autant pour le kraut à base de guitare/batterie. Au final, les deux hommes s'embrouillent de nouveau, les sessions sont avortées et l'album reste lettre morte.
Fast forward en 1995. Un label un peu louche et spécialisé dans les bootlegs nommé Germanofon Records ressort sur CD les trois premiers albums du groupe. Dans un excès de désespoir en vue de ces ressorties en bootlegs, Klaus Dinger décide de sortir officiellement Neu! 4 sur le label japonais Captain Trip. Ce, sans prévenir d'aucune façon Michael Rother qui est évidemment très déçu. Le conflit entre Dinger et Rother ne fait donc que s'amplifier puisque Neu! 4 n'est pas considéré par Rother comme un véritable album de Neu!.
Cinq ans plus tard, en 2000, Astralwerk et Grönland Records ressortent officiellement les trois premiers albums en cd. Le sujet de Neu! 4 est également évoqué par les deux hommes, mais évidemment Rother refuse. Le projet de sortie officielle s'enlise et Klaus Dinger meurt prématurément en 2008. Finalement, en 2010, les labels cités plus haut demandent à Rother une remastérisation des albums "classiques" en vue d'une sortie en coffret collector. Là, Rother se décide enfin d'aborder le délicat problème de Neu! 4. Il contacte la veuve Dinger, Miki Yui, et obtient son accord pour remastériser de la même manière le fameux album. Mais Rother ne s'arrête pas uniquement à la remastérisation. Il réédite tout l'album, remixe certains morceaux, change le tracklisting (il retire deux morceaux et en rajoute un). Au final, deux versions existent de ce quatrième album de Neu! : la version Dinger, sortie en 1995 sous le nom Neu! 4 et la version "officielle" de Rother, sortie en 2010 sous le nom Neu! '86.
C'est cette version qui m'intéresse ici.
L'album démarre sur une piste d'Haydn en slow motion, typique de Neu! (cf Neu! 2) avant d'embrayer sur le très new wave "Dänzing" (qui rime évidemment avec "tanzen"). Le ton général est déjà donné avec ce premier morceau : exit les rythmiques motörik chères à Dinger. Ici, les boites à rythmes et les synthés priment et ce, dans une tonalité très enlevée, euphorique et optimiste (qui n'est évidemment pas pour me déplaire). Suivent "Crazy" et "Drive (Grundfunken)", deux des meilleurs morceaux de l'album. Le premier creuse le même sillon que "Dänzing" tandis que le second retrouve l'espace d'un instant une saveur made in 1971. Ces deux morceaux reposent sur une pseudo rythmique motörik, mais ça sonne trop beau pour être vrai. "Drive" est le fameux morceau rajouté par Rother sur sa version, et on comprends pourquoi puisque c'est véritablement le seul qui fait le lien direct avec les premiers albums. Le prochain morceau, c'est "La Bomba", sous titrée "Stop Apartheid World-Wide!". Sorte de très vague reprise synthpop de l'air mexicain "La Bamba", le morceau est insipide à souhait mais également rempli de petits éléments d'expérimentation (samples vocaux, effets outranciers...). "Elanoizan" reprends le concept du morceau introductif, reprendre un classique de la musique classique et le passer en slow motion. Une manière, on va dire, assez élégante de faire du remplissage... "Wave Mother" retrouve une fois de plus une pseudo rythmique motörik et un arrangement synthétique assez indigeste par dessus. La guitare de Rother se fait tout de même un peu entendre, ce qui sauve le morceau. Vient ensuite un tour de force, le bien nommé "Paradise Walk". Le morceau dure cinq bonnes minutes, pendant lesquelles un pattern rythmique est répété tandis que des nappes synthétiques et des samples y sont apposés. Le morceau rappelle furieusement les expérimentations de Brian Eno et David Byrne pour leur album My Life In The Bush Of Ghosts. D'ailleurs, le morceau, dans la version de Klaus Dinger, se nomme "Bush Drum". Alors, hommage ou pas hommage ? Dans tout les cas, une véritable réussite.
Vient ensuite "Euphoria", qui reprends la mélodie de "Wave Mother" mais en beaucoup plus synthétique et bizarrement, beaucoup plus insipide et indigeste encore. "Vier 1_2" reprends des passages aléatoires de "Dänzing" (expérimentation, quand tu nous tiens). Puis, "Good Life", un dernier morceau foutraque qui m'évoque cette fois du Jean-Michel Jarre avec une rythmique motörik et la voix de Klaus Dinger par dessus. Bof.
L'album se termine par deux pièces de remplissa... euh, d'expérimentation : "November" (des nappes de synthés en reverse) et "KD", une version "à cappela" des cris de Klaus Dinger pour "La Bomba".
Et voila, Neu! version 1986 !
Dans le fond, mis à part l'excès d'effets, c'est par fois l'excès de synthé qui me gêne. Même pour moi, grand fada de tous ces trucs qui font "bip bip".
Neu! '86 est bel et bien à ranger avec les autres albums de Neu!, mais serait plutôt bon à considérer comme un EP ou un mini-album que le véritable quatrième album du duo. Il faudrait en fait garder "Danzing", "Crazy", "Drive", "Wave Mother" et "Paradise Walk". Et puis "La Bomba", mais vraiment pour le fun. Suffit de peaufiner par ci par là, d'allonger deux trois morceaux, d'ajouter quelques lignes de guitares planantes par ci et par là... Et voila, un mini album six titres sans tout les trucs inutiles ou indigeste. Même si je sais que Neu! est un groupe féru d'expérimentation, nous ne sommes pas dans le même cas que pour Neu! 2. Contrairement à cet album ou le groupe manquait de temps et de budget pour enregistrer des titres supplémentaires et ont été obligés de faire du remplissage, ils n'avaient ici que le temps et à priori le home-studio (celui de Rother, dans sa ferme familiale à Forst) nécessaire pour boucler un véritable quatrième album ensemble. Mais quand les conflits d'égos et de direction musicale persistent, il est bien évident que tout devient bien plus compliqué.
Pour moi, Neu! '86 n'est pas selon moi un album raté, en tout cas pas complètement parce qui si on garde uniquement les forces motrices du disque, ça tient encore à peu prés la route. Bon évidemment, c'est clairement le plus mauvais opus du duo, mais que peut-on faire de plus parfait que leur trilogie "originale" ?
Je tiens tout de même à préciser que je préfère encore volontiers ce Neu! '86 aux très nombreux albums solo de Michael Rother pondus à la même période...
Pour comprendre la création de ce groupe/duo, il faut d'abord s'intéresser à un autre groupe de Düsseldorf...
Les deux messieurs étaient alors les hommes de mains du groupe électro-expérimental Kraftwerk, déjà mené d'une main de fer par le combo Ralf Hütter et Florian Schneider. Après une année passée au sein du groupe et la contribution au premier album éponyme produit par Conny Plank, Rother et Dinger décident de quitter Kraftwerk pour fonder leur propre duo. Ce duo reposera sur la batterie très énergique de Dinger et les lignes de guitare mélodieuses de Rother. Vous l'aurez compris, une confrontation de point de vue va rapidement se créer au sein du duo, ce qui créera une poignée de morceaux musicalement très intéressants. Le duo ne néglige pas non plus l'expérimentation et fait usage de nombreux effets novateurs pour l'époque. Il fait d'ailleurs de nouveau appel à Conny Plank pour enregistrer (non sans difficultés) trois albums entre 1971 et 1975, nommés simplement Neu!, Neu! 2 et Neu! '75.
Le duo, déjà assez instable, finit par éclater définitivement à la suite de l'enregistrement du troisième album.
Michael Rother prendra la voie synthétique et ira explorer les confins de la musique ambient avec nombre d'albums solo et en collaboration avec le groupe Cluster et Brian Eno.
Klaus Dinger, plus "énergique" que jamais, prendra la voie du proto-punk (déjà imaginé dans "Hero", sorti sur l'album Neu! '75) en créant le groupe LA Düsseldorf.
Au milieu des années 80, les deux hommes se recontactent et tentent de laisser leurs différents musicaux de côté pour imaginer un éventuel nouvel album de Neu!. Les sessions se déroulent en 1985 et s'annoncent plus électronique que jamais : Dinger est fan de synthé et de boites à rythmes, Rother produit une partie de l'album sur l'ordinateur musical/sampleur Fairlight CMI. Autant pour le kraut à base de guitare/batterie. Au final, les deux hommes s'embrouillent de nouveau, les sessions sont avortées et l'album reste lettre morte.
Fast forward en 1995. Un label un peu louche et spécialisé dans les bootlegs nommé Germanofon Records ressort sur CD les trois premiers albums du groupe. Dans un excès de désespoir en vue de ces ressorties en bootlegs, Klaus Dinger décide de sortir officiellement Neu! 4 sur le label japonais Captain Trip. Ce, sans prévenir d'aucune façon Michael Rother qui est évidemment très déçu. Le conflit entre Dinger et Rother ne fait donc que s'amplifier puisque Neu! 4 n'est pas considéré par Rother comme un véritable album de Neu!.
Cinq ans plus tard, en 2000, Astralwerk et Grönland Records ressortent officiellement les trois premiers albums en cd. Le sujet de Neu! 4 est également évoqué par les deux hommes, mais évidemment Rother refuse. Le projet de sortie officielle s'enlise et Klaus Dinger meurt prématurément en 2008. Finalement, en 2010, les labels cités plus haut demandent à Rother une remastérisation des albums "classiques" en vue d'une sortie en coffret collector. Là, Rother se décide enfin d'aborder le délicat problème de Neu! 4. Il contacte la veuve Dinger, Miki Yui, et obtient son accord pour remastériser de la même manière le fameux album. Mais Rother ne s'arrête pas uniquement à la remastérisation. Il réédite tout l'album, remixe certains morceaux, change le tracklisting (il retire deux morceaux et en rajoute un). Au final, deux versions existent de ce quatrième album de Neu! : la version Dinger, sortie en 1995 sous le nom Neu! 4 et la version "officielle" de Rother, sortie en 2010 sous le nom Neu! '86.
C'est cette version qui m'intéresse ici.
L'album démarre sur une piste d'Haydn en slow motion, typique de Neu! (cf Neu! 2) avant d'embrayer sur le très new wave "Dänzing" (qui rime évidemment avec "tanzen"). Le ton général est déjà donné avec ce premier morceau : exit les rythmiques motörik chères à Dinger. Ici, les boites à rythmes et les synthés priment et ce, dans une tonalité très enlevée, euphorique et optimiste (qui n'est évidemment pas pour me déplaire). Suivent "Crazy" et "Drive (Grundfunken)", deux des meilleurs morceaux de l'album. Le premier creuse le même sillon que "Dänzing" tandis que le second retrouve l'espace d'un instant une saveur made in 1971. Ces deux morceaux reposent sur une pseudo rythmique motörik, mais ça sonne trop beau pour être vrai. "Drive" est le fameux morceau rajouté par Rother sur sa version, et on comprends pourquoi puisque c'est véritablement le seul qui fait le lien direct avec les premiers albums. Le prochain morceau, c'est "La Bomba", sous titrée "Stop Apartheid World-Wide!". Sorte de très vague reprise synthpop de l'air mexicain "La Bamba", le morceau est insipide à souhait mais également rempli de petits éléments d'expérimentation (samples vocaux, effets outranciers...). "Elanoizan" reprends le concept du morceau introductif, reprendre un classique de la musique classique et le passer en slow motion. Une manière, on va dire, assez élégante de faire du remplissage... "Wave Mother" retrouve une fois de plus une pseudo rythmique motörik et un arrangement synthétique assez indigeste par dessus. La guitare de Rother se fait tout de même un peu entendre, ce qui sauve le morceau. Vient ensuite un tour de force, le bien nommé "Paradise Walk". Le morceau dure cinq bonnes minutes, pendant lesquelles un pattern rythmique est répété tandis que des nappes synthétiques et des samples y sont apposés. Le morceau rappelle furieusement les expérimentations de Brian Eno et David Byrne pour leur album My Life In The Bush Of Ghosts. D'ailleurs, le morceau, dans la version de Klaus Dinger, se nomme "Bush Drum". Alors, hommage ou pas hommage ? Dans tout les cas, une véritable réussite.
Vient ensuite "Euphoria", qui reprends la mélodie de "Wave Mother" mais en beaucoup plus synthétique et bizarrement, beaucoup plus insipide et indigeste encore. "Vier 1_2" reprends des passages aléatoires de "Dänzing" (expérimentation, quand tu nous tiens). Puis, "Good Life", un dernier morceau foutraque qui m'évoque cette fois du Jean-Michel Jarre avec une rythmique motörik et la voix de Klaus Dinger par dessus. Bof.
L'album se termine par deux pièces de remplissa... euh, d'expérimentation : "November" (des nappes de synthés en reverse) et "KD", une version "à cappela" des cris de Klaus Dinger pour "La Bomba".
Et voila, Neu! version 1986 !
Dans le fond, mis à part l'excès d'effets, c'est par fois l'excès de synthé qui me gêne. Même pour moi, grand fada de tous ces trucs qui font "bip bip".
Neu! '86 est bel et bien à ranger avec les autres albums de Neu!, mais serait plutôt bon à considérer comme un EP ou un mini-album que le véritable quatrième album du duo. Il faudrait en fait garder "Danzing", "Crazy", "Drive", "Wave Mother" et "Paradise Walk". Et puis "La Bomba", mais vraiment pour le fun. Suffit de peaufiner par ci par là, d'allonger deux trois morceaux, d'ajouter quelques lignes de guitares planantes par ci et par là... Et voila, un mini album six titres sans tout les trucs inutiles ou indigeste. Même si je sais que Neu! est un groupe féru d'expérimentation, nous ne sommes pas dans le même cas que pour Neu! 2. Contrairement à cet album ou le groupe manquait de temps et de budget pour enregistrer des titres supplémentaires et ont été obligés de faire du remplissage, ils n'avaient ici que le temps et à priori le home-studio (celui de Rother, dans sa ferme familiale à Forst) nécessaire pour boucler un véritable quatrième album ensemble. Mais quand les conflits d'égos et de direction musicale persistent, il est bien évident que tout devient bien plus compliqué.
Pour moi, Neu! '86 n'est pas selon moi un album raté, en tout cas pas complètement parce qui si on garde uniquement les forces motrices du disque, ça tient encore à peu prés la route. Bon évidemment, c'est clairement le plus mauvais opus du duo, mais que peut-on faire de plus parfait que leur trilogie "originale" ?
Je tiens tout de même à préciser que je préfère encore volontiers ce Neu! '86 aux très nombreux albums solo de Michael Rother pondus à la même période...
Pas mal 13/20 | par EmixaM |
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