Childish Gambino
"Awaken, My Love!" |
Label :
Glassnote |
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Parmi les arguments qu'on peut élever pour critiquer un disque, il y en a un – après l'hypocrite "c'est... particulier" – qui m'irrite tout particulièrement : "C'est sans âme". Quand quelqu'un me dit ça, surtout à propos d'un album que j'aime, j'ai juste envie de lui mettre une beigne à lui faire faire 3 fois le tour de son slip direction Pyongyang ; bonjour le constat lapidaire face auquel tu ne peux qu'élever un non moins stérile : "Bah euh si, y a une âme...". Elle se cache où l'âme ? Entre deux notes ? Dans des intonations vocales ? Dans la production ? Ou pire, dans la "sincérité" de l'artiste ? Un coup à aller vendre la sienne au Diable pour obtenir des réponses qui n'existent pas. Bon. Maintenant que cela est dit j'ai une confession à faire : moi-même je ne suis pas tout blanc dans cette affaire (comme Childish Gambino mouarf). Non seulement j'ai déjà moi-même employé cette expression à tort et à travers pour me la péter sans avoir à me justifier, mais en l'occurrence les premiers mots qui me viennent quand je pense à l'album de Donald Glover sont ceux-là : sans âme. Donc pour m'éviter ce scénario de cauchemar dans lequel, par un twist shyamalanesque, je deviendrais ma propre Némésis, je vais tenter d'élaborer les raisons pour lesquelles je pense que Awaken, My Love est un album raté.
Un peu de contexte d'abord, pour aider à saisir les réaction polarisantes de chacun face à ce disque que personne n'attendait. Donald Glover aka Childish Gambino est, en suivant l'ordre chronologique, d'abord un acteur comique – les meilleurs d'entre vous l'auront déjà vu cabotiner dans le rôle de Troy dans la sitcom Community. Série qu'il quittera d'ailleurs en cours de route pour partir vivre son rêve : percer dans la musique. Versant dans le pop rap et l'abstract hip-hop, Donald perce de fait avec son album Because the Internet, album concept de nerd qui lui attire la sympathie comme le désamour d'un grand nombre d'internautes (là où certains chient dessus, d'autres en revanche le consacrent comme un album phare de leur génération). Aussi divisé que soit son public, Gambino est un artiste qui intrigue et ce nouveau disque était attendu au tournant. Mais comme dit plus haut, personne n'attendait ça. Abandonnant purement et simplement le hip-hop, Glover nous a sorti un disque de funk. On ne pourra pas ne pas penser aux diverses incarnations de Georges Clinton (Parliament/Funkadelic) ou à Sly & the Family Stone. Et ma foi ce n'est pas comme si le mec s'en cachait ; Awaken, My Love est rempli à ras-bord des gimmicks que ces icônes ont popularisé en leur temps. Force m'est d'ailleurs d'admettre que Glover est doué pour se donner les moyens de reproduire fidèlement ces sonorités ; la production est rutilante, les basses bien rondes, la réverb des guitares juste comme il faut, les chœurs au poil... Mais il semble que Donald a surestimé sa capacité à insuffler une vie à cette collection de gimmicks soignés et à porter cet héritage tout en y apposant sa marque.
Pourtant Dieu sait que ça partait bien, "Me and Your Mama", facilement le meilleur morceau de l'album, commence sur les chapeaux de roues avec une excellente compo funk, un groove impeccable et une perf assez impressionnante de Gambino himself qui fait râper sa voix en dévoilant un coffre inattendu, poussant des cris de fauve et chatouillant les extrémités de son spectre vocal. La fin du morceau cependant sera tristement révélatrice des déceptions à venir : le ton se calme et l'instrumentation s'étire inutilement jusqu'à un final assez soporifique. Le reste du disque se partagera entre léger ennui secoué soit par de trop brèves accalmies, soit par des horreurs épisodiques (surtout une en fait : "California", facilement sur le podium des pires morceaux de l'année). En me penchant plus en détail sur les extrêmes du disque pour comprendre ce qui me plaît ou me dérange, j'ai compris que chez moi c'est la voix de Glover qui pèse le plus dans la balance pour faire d'un morceau un succès ou un raté. Sur ses sommets, Awaken, My Love brille lorsque l'organe du feu rappeur trouve vraiment sa place dans la chanson. Sur "Me and Your Mama" et "Riot" (si courte, c'est tragique), le panache est palpable et donne chair au groove, et sur "Redbone" les effets dont la voix est bardée lui permettent de trouver sa place parmi les autres instruments. Mais une fois passés ces deux morceaux les choses se compliquent... On vous a dit qu'Awaken était un disque funk, et c'est le cas, mais ça ne l'empêche pas de virer très souvent vers la ballade soul. Et la soul demande une disposition vocale que de toute évidence Childish Gambino ne possède pas (ou en tout cas il n'en donne pas la preuve), résultat toutes ces ballades deviennent d'une mollesse absolue. "Zombies", qui était déjà bien cucul la praline à la base devient franchement poussive en plus d'être chiante, avec Glover qui pousse trop loin le maniérisme (un Clinton aurait sans doute pu au moins la rendre divertissante), "Baby Boy" s'étire sans raison avec un spoken-word tout naze à la fin, "Terrified" a un refrain d'une platitude absolue, quant à "The Night Me and Your Mama Met" il ne s'agit que d'une guitare qui répète 4 accords dans le vide pendant 3 minutes avec juste le vide pour lui répondre. Et puis... et puis y a FRIDA- [...] Et puis y a "California" bien sûr, pas un hasard si le pire morceau de l'album est aussi celui avec le chant le plus consternant, je vous laisse constater de vous-même, c'est assez indéfendable. Un morceau comme "Boogieman" aurait pu être très bien, dans le genre funk burlesque avec ses chœurs volontairement crétins, mais dès que Donald s'y met ça devient plat.
Enfin bref je n'en dirai pas plus ; ce disque aurait mérité plus de punch (= moins de ballades pas maîtrisées) et un chanteur vraiment à la hauteur pour me plaire. Quand on se rencontrera dans la rue et que je vous dirai que ce disque est "sans âme", j'espère que vous comprendrez mieux maintenant ce que j'entends par là, il y a là une intention de mimique qui ne sait non seulement pas se départir de ses influences, mais qui ne sait même pas s'élever pour faire une bonne copie de celles-ci. Enfin bon, de vous à moi j'espère surtout que si on se croise vraiment dans la rue on parlera d'autre chose que du dernier Childish Gambino !
Un peu de contexte d'abord, pour aider à saisir les réaction polarisantes de chacun face à ce disque que personne n'attendait. Donald Glover aka Childish Gambino est, en suivant l'ordre chronologique, d'abord un acteur comique – les meilleurs d'entre vous l'auront déjà vu cabotiner dans le rôle de Troy dans la sitcom Community. Série qu'il quittera d'ailleurs en cours de route pour partir vivre son rêve : percer dans la musique. Versant dans le pop rap et l'abstract hip-hop, Donald perce de fait avec son album Because the Internet, album concept de nerd qui lui attire la sympathie comme le désamour d'un grand nombre d'internautes (là où certains chient dessus, d'autres en revanche le consacrent comme un album phare de leur génération). Aussi divisé que soit son public, Gambino est un artiste qui intrigue et ce nouveau disque était attendu au tournant. Mais comme dit plus haut, personne n'attendait ça. Abandonnant purement et simplement le hip-hop, Glover nous a sorti un disque de funk. On ne pourra pas ne pas penser aux diverses incarnations de Georges Clinton (Parliament/Funkadelic) ou à Sly & the Family Stone. Et ma foi ce n'est pas comme si le mec s'en cachait ; Awaken, My Love est rempli à ras-bord des gimmicks que ces icônes ont popularisé en leur temps. Force m'est d'ailleurs d'admettre que Glover est doué pour se donner les moyens de reproduire fidèlement ces sonorités ; la production est rutilante, les basses bien rondes, la réverb des guitares juste comme il faut, les chœurs au poil... Mais il semble que Donald a surestimé sa capacité à insuffler une vie à cette collection de gimmicks soignés et à porter cet héritage tout en y apposant sa marque.
Pourtant Dieu sait que ça partait bien, "Me and Your Mama", facilement le meilleur morceau de l'album, commence sur les chapeaux de roues avec une excellente compo funk, un groove impeccable et une perf assez impressionnante de Gambino himself qui fait râper sa voix en dévoilant un coffre inattendu, poussant des cris de fauve et chatouillant les extrémités de son spectre vocal. La fin du morceau cependant sera tristement révélatrice des déceptions à venir : le ton se calme et l'instrumentation s'étire inutilement jusqu'à un final assez soporifique. Le reste du disque se partagera entre léger ennui secoué soit par de trop brèves accalmies, soit par des horreurs épisodiques (surtout une en fait : "California", facilement sur le podium des pires morceaux de l'année). En me penchant plus en détail sur les extrêmes du disque pour comprendre ce qui me plaît ou me dérange, j'ai compris que chez moi c'est la voix de Glover qui pèse le plus dans la balance pour faire d'un morceau un succès ou un raté. Sur ses sommets, Awaken, My Love brille lorsque l'organe du feu rappeur trouve vraiment sa place dans la chanson. Sur "Me and Your Mama" et "Riot" (si courte, c'est tragique), le panache est palpable et donne chair au groove, et sur "Redbone" les effets dont la voix est bardée lui permettent de trouver sa place parmi les autres instruments. Mais une fois passés ces deux morceaux les choses se compliquent... On vous a dit qu'Awaken était un disque funk, et c'est le cas, mais ça ne l'empêche pas de virer très souvent vers la ballade soul. Et la soul demande une disposition vocale que de toute évidence Childish Gambino ne possède pas (ou en tout cas il n'en donne pas la preuve), résultat toutes ces ballades deviennent d'une mollesse absolue. "Zombies", qui était déjà bien cucul la praline à la base devient franchement poussive en plus d'être chiante, avec Glover qui pousse trop loin le maniérisme (un Clinton aurait sans doute pu au moins la rendre divertissante), "Baby Boy" s'étire sans raison avec un spoken-word tout naze à la fin, "Terrified" a un refrain d'une platitude absolue, quant à "The Night Me and Your Mama Met" il ne s'agit que d'une guitare qui répète 4 accords dans le vide pendant 3 minutes avec juste le vide pour lui répondre. Et puis... et puis y a FRIDA- [...] Et puis y a "California" bien sûr, pas un hasard si le pire morceau de l'album est aussi celui avec le chant le plus consternant, je vous laisse constater de vous-même, c'est assez indéfendable. Un morceau comme "Boogieman" aurait pu être très bien, dans le genre funk burlesque avec ses chœurs volontairement crétins, mais dès que Donald s'y met ça devient plat.
Enfin bref je n'en dirai pas plus ; ce disque aurait mérité plus de punch (= moins de ballades pas maîtrisées) et un chanteur vraiment à la hauteur pour me plaire. Quand on se rencontrera dans la rue et que je vous dirai que ce disque est "sans âme", j'espère que vous comprendrez mieux maintenant ce que j'entends par là, il y a là une intention de mimique qui ne sait non seulement pas se départir de ses influences, mais qui ne sait même pas s'élever pour faire une bonne copie de celles-ci. Enfin bon, de vous à moi j'espère surtout que si on se croise vraiment dans la rue on parlera d'autre chose que du dernier Childish Gambino !
Sans intérêt 8/20 | par X_Wazoo |
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