Bryan Ferry
Anvers - Belgique [Lotto Arena] - jeudi 07 juin 2018 |
Dans ma to-do list – ou plutôt ma ‘to-see-live list' – Bryan Ferry occupait une place de choix, parmi les deux-trois premiers noms. Artiste mythique, leader de feu Roxy Music, dont j'aime autant la musique avec son groupe qu'en solo et dont la qualité des albums ne baissent pas avec les années : les derniers disques en date, Olympia (2010) et Avonmore (2014) sont tout aussi solides que ceux sortis lors de son âge d'or en solo, Boys and Girls (1985) et Bête Noire (1987). Toujours ce son reconnaissable entre mille, sophistiqué et arty, nocturne et souvent mélancolique, parfois un peu dansant mais toujours en retenue. Le terme ‘sophisti-pop' utilisé pour qualifier le style des groupes comme Scritti Politti, Prefab Sproub ou The Blue Nile ne trouve-t-il pas d'ailleurs son origine chez Bryan Ferry ? Bref. Sophistiqué, ce sera probablement un qualificatif que l'on pourra apposer au concert : ce soir, à Anvers, et deux jours plus tôt, à Amsterdam, Bryan Ferry est accompagné du Metropole Orkest, un orchestre jazz et pop basé aux Pays-Bas. Je ne connaissais pas, personnellement, mais il semblerait qu'il a déjà accompagné des artistes pop comme Ella Fitzgerald, Elvis Costello ou encore Basement Jaxx. Intéressant, mais orchestre ou pas, ce qui m'intéresse, c'est Ferry, dont je vais bientôt pouvoir enfin rayer le nom de ma liste, lui qui est souvent passé du côté de chez moi, mais que j'ai toujours loupé.
Ce 7 juin, quelques obligations professionnelles pour débuter la journée : écouter mes lycéens présenter leur rapport de stage en matinée et participer poliment au repas offert pour les membres du jury les yeux rivés sur l'horloge de la salle – vite que je parte, je dois me coller Anvers juste après et ce sera comme toujours la galère sur les routes. Un peu avant 16h, on démarre direction le nord – oui, on, avec mon père comme souvent quand je vais voir quelques grands noms seventies/eighties (Roger Waters, The Cure, Depeche Mode, etc.) – et forcément, c'est bouchons sur bouchons autour de Bruxelles, entre Bruxelles et Anvers, autour d'Anvers. À la sortie du ring, c'est plus embouteillé que d'habitude : concert de Shakira au Palais des Sports juste à côté de la Lotto Arena. On est arrivé, malgré deux heures de bouchons, on pourra assister aussi à la première partie – non pas que celle-ci m'intéresse vraiment, cela dit. Sur la chaussée aux abords des deux salles, deux clans : les 'jeunes' (étudiants, jeunes trentenaires), les 'vieux' (la cinquantaine bien entamée) ; je suis les vieux qui se pressent devant la Lotto Arena.
Places assises partout, même en fosse, des sièges ont été disposés : nous sommes bien placés. Playlist jazz pour patienter et puis Charlie Austen pour l'exercice ingrat de la première partie. Je ne connaissais pas : du folk/rock avec, parfois, quand c'est bien, des accents d'Ani DiFranco, mais le plus souvent, plutôt lorgnant sur du Michelle Branch, un peu facile, un peu fm. Bref, pas déplaisant une demi-heure pour patienter, je n'en redemanderais pas plus. Les gens n'étaient pas là pour l'écouter, mais elle est saluée honorablement quand elle quitte la scène.
Le Metropole Orkest se met en place : pour patienter, mon père essaie de compter le nombre de musiciens, atteignant une somme différente à chaque recomptage. Les lumières s'éteignent. Un son puissant. "The Main Thing", qu'on a du mal à reconnaître, beaucoup plus martial, débute le concert, Bryan Ferry arrive pendant l'intro. La batterie est très présente, la voix du chanteur beaucoup moins, noyée dans l'océan d'instruments : j'espère profondément que les réglages vont être faits, ils le seront un peu plus tard. "Don't Stop the Dance" fait suite, puis "Ladytron", puis "Out of the Blue" – mon père me glisse à l'oreille que c'est l'un de ses morceaux préférés de Roxy Music – et "Oh Yeah" – que je trouve normalement un peu trop mièvre, mais qui passe bien en live et qui reçoit un accueil très positif du public. Bryan Ferry enchaîne avec quelques morceaux issus de son catalogue solo, dont "Bête Noire", sur laquelle les cordes de l'orchestre sont du plus bel effet et confère une dimension 'chevaleresque' au titre, et "Zamba", morceau très sombre que j'adore, mais qui ne me passionne pas en live. À ce moment-là du concert, j'avoue ressentir un peu de déception. Je passe un bon moment car je vois enfin un artiste que j'adore, qui joue des morceaux que, pour la plupart, j'adore aussi, mais il me manque quelque chose : les morceaux défilent, j'ai du mal à être pleinement dedans,... À part à quelques moments, je ne vois pas la plus-value qu'apporte l'orchestre, et je trouve la plupart des morceaux que j'entends plus prenants dans leur version studio.
Heureusement, la deuxième partie du concert va m'emporter bien plus : tout d'abord avec "Slave to Love", son tube en solo, que je trouve réussie en live – je m'attendais à un accueil super chaleureux du public, bizarrement il ne le sera pas spécialement plus par rapport aux autres titres joués : les gens présents ont sans doute plus en tête Roxy Music, ce qui tombe bien car 75% des morceaux joués sont extraits du catalogue du groupe glam rock. Quelques instants plus tard, j'ai été séduit par "In Every Dream Home a Heartache", l'un des meilleurs moments du concert, pour moi et aussi pour le public présent si l'on se fie à l'applaudimètre. C'est ce que j'aime le plus quand j'assiste à un concert : être totalement conquis par un morceau que je n'écoute habituellement pas beaucoup, voire quasiment jamais. Une première partie lancinante, répétitive, oppressante, sinistre, Bryan Ferry assis au clavier déclamant son texte halluciné avant le "But you blew my mind" a cappella qui déclenche une explosion musicale sur scène. J'ai appris après que deux jours auparavant, à Amsterdam, la setlist était identique à un morceau près : "Mamouna" fût jouée à la place de "In Every Dream Home" ; j'ai beau aimé beaucoup le premier cité, je ne pense pas que nous ayons perdu au change. "Re-Make/Re-Model" et "Do the Strand", d'autres classiques du premier Roxy avec Brian Eno, sont eux aussi des très bons moments du concert. À partir de "Do the Strand", des fans, las d'être collés à leur siège, se pressent devant la scène, les uns après les autres pour atteindre facilement une bonne centaine à la fin du concert. Bryan chante ensuite "More Than This", l'un de mes morceaux favoris de son catalogue. Le résultat, cependant, est très décevant : il semble essoufflé après l'énergique "Do the Strand" et on reconnaît à peine la mélodie vocale. "Avalon" me plaît un peu plus, mais juste un peu, dommage pour un titre si emblématique. Après ce petit coup de mou sur deux titres pourtant excellents, les quatre chansons qui referment la setlist sont très bonnes : "Love Is the Drug", "Virginia Plain", "Let's Stick Together" et "Jealous Guy". Sur le papier, parmi les quatre, il s'agit sans aucun doute du morceau que j'aime le moins à la base, mais j'ai vraiment beaucoup apprécié "Let's Stick Together", la reprise de Wilbert Harrison. Très bien foutu, punchy, Bryan Ferry à l'harmonica, tout le monde debout, dansant ou frappant dans les mains. Et le mec en face de moi, la cinquantaine ou peut-être plus, dégarni et bedonnant, ne se sentait plus sur ce morceau, me faisant sourire pendant toute la chanson. "Jealous Guy" termine le concert, classique, mais efficace : le morceau que la plupart des gens présents attendaient le plus ; il est d'ailleurs dommage que cette (très bonne) reprise de Lennon semble être aujourd'hui le titre signature de Roxy Music et Bryan Ferry pour la majorité des gens ; il y a tellement plus grand dans la disco du groupe et de l'artiste... mais c'est une autre histoire.
Il n'y aura pas de rappel, suscitant l'agacement d'un certain nombre de spectateurs. Je n'ai pas été séduit comme je l'aurais imaginé : c'était un concert montagne-russe : des hauts, des bas. Globalement, j'ai trouvé Bryan Ferry plutôt très en forme : 72 ans, et toujours cette image de Monsieur Parfait et une voix qui n'a pas pris une ride. Peu loquace (mais on s'en fout) à part pour présenter régulièrement ses musiciens ou remercier Charlie Austen d'avoir assuré la première partie. Un bon concert, oui, pas grandiose non plus.
Ce 7 juin, quelques obligations professionnelles pour débuter la journée : écouter mes lycéens présenter leur rapport de stage en matinée et participer poliment au repas offert pour les membres du jury les yeux rivés sur l'horloge de la salle – vite que je parte, je dois me coller Anvers juste après et ce sera comme toujours la galère sur les routes. Un peu avant 16h, on démarre direction le nord – oui, on, avec mon père comme souvent quand je vais voir quelques grands noms seventies/eighties (Roger Waters, The Cure, Depeche Mode, etc.) – et forcément, c'est bouchons sur bouchons autour de Bruxelles, entre Bruxelles et Anvers, autour d'Anvers. À la sortie du ring, c'est plus embouteillé que d'habitude : concert de Shakira au Palais des Sports juste à côté de la Lotto Arena. On est arrivé, malgré deux heures de bouchons, on pourra assister aussi à la première partie – non pas que celle-ci m'intéresse vraiment, cela dit. Sur la chaussée aux abords des deux salles, deux clans : les 'jeunes' (étudiants, jeunes trentenaires), les 'vieux' (la cinquantaine bien entamée) ; je suis les vieux qui se pressent devant la Lotto Arena.
Places assises partout, même en fosse, des sièges ont été disposés : nous sommes bien placés. Playlist jazz pour patienter et puis Charlie Austen pour l'exercice ingrat de la première partie. Je ne connaissais pas : du folk/rock avec, parfois, quand c'est bien, des accents d'Ani DiFranco, mais le plus souvent, plutôt lorgnant sur du Michelle Branch, un peu facile, un peu fm. Bref, pas déplaisant une demi-heure pour patienter, je n'en redemanderais pas plus. Les gens n'étaient pas là pour l'écouter, mais elle est saluée honorablement quand elle quitte la scène.
Le Metropole Orkest se met en place : pour patienter, mon père essaie de compter le nombre de musiciens, atteignant une somme différente à chaque recomptage. Les lumières s'éteignent. Un son puissant. "The Main Thing", qu'on a du mal à reconnaître, beaucoup plus martial, débute le concert, Bryan Ferry arrive pendant l'intro. La batterie est très présente, la voix du chanteur beaucoup moins, noyée dans l'océan d'instruments : j'espère profondément que les réglages vont être faits, ils le seront un peu plus tard. "Don't Stop the Dance" fait suite, puis "Ladytron", puis "Out of the Blue" – mon père me glisse à l'oreille que c'est l'un de ses morceaux préférés de Roxy Music – et "Oh Yeah" – que je trouve normalement un peu trop mièvre, mais qui passe bien en live et qui reçoit un accueil très positif du public. Bryan Ferry enchaîne avec quelques morceaux issus de son catalogue solo, dont "Bête Noire", sur laquelle les cordes de l'orchestre sont du plus bel effet et confère une dimension 'chevaleresque' au titre, et "Zamba", morceau très sombre que j'adore, mais qui ne me passionne pas en live. À ce moment-là du concert, j'avoue ressentir un peu de déception. Je passe un bon moment car je vois enfin un artiste que j'adore, qui joue des morceaux que, pour la plupart, j'adore aussi, mais il me manque quelque chose : les morceaux défilent, j'ai du mal à être pleinement dedans,... À part à quelques moments, je ne vois pas la plus-value qu'apporte l'orchestre, et je trouve la plupart des morceaux que j'entends plus prenants dans leur version studio.
Heureusement, la deuxième partie du concert va m'emporter bien plus : tout d'abord avec "Slave to Love", son tube en solo, que je trouve réussie en live – je m'attendais à un accueil super chaleureux du public, bizarrement il ne le sera pas spécialement plus par rapport aux autres titres joués : les gens présents ont sans doute plus en tête Roxy Music, ce qui tombe bien car 75% des morceaux joués sont extraits du catalogue du groupe glam rock. Quelques instants plus tard, j'ai été séduit par "In Every Dream Home a Heartache", l'un des meilleurs moments du concert, pour moi et aussi pour le public présent si l'on se fie à l'applaudimètre. C'est ce que j'aime le plus quand j'assiste à un concert : être totalement conquis par un morceau que je n'écoute habituellement pas beaucoup, voire quasiment jamais. Une première partie lancinante, répétitive, oppressante, sinistre, Bryan Ferry assis au clavier déclamant son texte halluciné avant le "But you blew my mind" a cappella qui déclenche une explosion musicale sur scène. J'ai appris après que deux jours auparavant, à Amsterdam, la setlist était identique à un morceau près : "Mamouna" fût jouée à la place de "In Every Dream Home" ; j'ai beau aimé beaucoup le premier cité, je ne pense pas que nous ayons perdu au change. "Re-Make/Re-Model" et "Do the Strand", d'autres classiques du premier Roxy avec Brian Eno, sont eux aussi des très bons moments du concert. À partir de "Do the Strand", des fans, las d'être collés à leur siège, se pressent devant la scène, les uns après les autres pour atteindre facilement une bonne centaine à la fin du concert. Bryan chante ensuite "More Than This", l'un de mes morceaux favoris de son catalogue. Le résultat, cependant, est très décevant : il semble essoufflé après l'énergique "Do the Strand" et on reconnaît à peine la mélodie vocale. "Avalon" me plaît un peu plus, mais juste un peu, dommage pour un titre si emblématique. Après ce petit coup de mou sur deux titres pourtant excellents, les quatre chansons qui referment la setlist sont très bonnes : "Love Is the Drug", "Virginia Plain", "Let's Stick Together" et "Jealous Guy". Sur le papier, parmi les quatre, il s'agit sans aucun doute du morceau que j'aime le moins à la base, mais j'ai vraiment beaucoup apprécié "Let's Stick Together", la reprise de Wilbert Harrison. Très bien foutu, punchy, Bryan Ferry à l'harmonica, tout le monde debout, dansant ou frappant dans les mains. Et le mec en face de moi, la cinquantaine ou peut-être plus, dégarni et bedonnant, ne se sentait plus sur ce morceau, me faisant sourire pendant toute la chanson. "Jealous Guy" termine le concert, classique, mais efficace : le morceau que la plupart des gens présents attendaient le plus ; il est d'ailleurs dommage que cette (très bonne) reprise de Lennon semble être aujourd'hui le titre signature de Roxy Music et Bryan Ferry pour la majorité des gens ; il y a tellement plus grand dans la disco du groupe et de l'artiste... mais c'est une autre histoire.
Il n'y aura pas de rappel, suscitant l'agacement d'un certain nombre de spectateurs. Je n'ai pas été séduit comme je l'aurais imaginé : c'était un concert montagne-russe : des hauts, des bas. Globalement, j'ai trouvé Bryan Ferry plutôt très en forme : 72 ans, et toujours cette image de Monsieur Parfait et une voix qui n'a pas pris une ride. Peu loquace (mais on s'en fout) à part pour présenter régulièrement ses musiciens ou remercier Charlie Austen d'avoir assuré la première partie. Un bon concert, oui, pas grandiose non plus.
Bon 15/20 | par Rebecca Carlson |
Setlist
The Main Thing
Don't Stop the Dance
Ladytron
Out of the Blue
Oh Yeah
A Waste Land
Windswept
Bête Noire
Zamba
Stronger Through the Years
Slave to Love
Bitter-Sweet
In Every Dream Home a Heartache
If There Is Something
Re-Make/Re-Model
Do the Strand
More Than This
Avalon
Love Is the Drug
Virginia Plain
Let's Stick Together
Jealous Guy
The Main Thing
Don't Stop the Dance
Ladytron
Out of the Blue
Oh Yeah
A Waste Land
Windswept
Bête Noire
Zamba
Stronger Through the Years
Slave to Love
Bitter-Sweet
In Every Dream Home a Heartache
If There Is Something
Re-Make/Re-Model
Do the Strand
More Than This
Avalon
Love Is the Drug
Virginia Plain
Let's Stick Together
Jealous Guy
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