Asyl

Paris [Hippodrome De Longchamp] - samedi 08 juillet 2006

"Pardon Monsieur". Que ces mots, pourtant polis, peuvent parfois faire mal. Bien plus que la très légère bousculade à laquelle ils répondent.
Déjà parce que s'entendre dire "Monsieur", quand on vient tout juste de passer le cap de le trentaine, ça fait quand même quelque chose. Ensuite, il y a le contexte : entendre cette phrase dans la rue, par un enfant, ce n'est pas gênant, au contraire même, on se dit que les générations futures ont les bonnes bases niveau éducation. Mais par une jeune fille probablement lycéenne, ça pique un peu. Car, qu'on se le dise, Asyl plait à la jeunesse, la vraie, celle dont l'avenir est encore incertain. A ma grande surprise d'ailleurs, la même que j'avais pu ressentir lorsque j'étais allé voir Nord quelques années plus tôt, présenté comme une sorte de nouveau Noir Désir et de constater sur place que pas grand monde devait dépasser la vingtaine, au point de reconnaitre le seul, l'unique Jean-Luc Lahaye dans les premiers rangs.

Asyl aux Solidays donc, soit l'avenir de rock français montant dans un festival où lycéens et étudiants viennent fêter leur fin d'année. Tout pour un gros concert. Le groupe s'est rôdé dans les salles de France et notamment parisiennes lors de premières parties de quelques valeurs sûres (Supergrass, Warlocks entre autres pour votre serviteur), bénéficie d'une campagne d'affichage dont on trouvera encore des traces dans des bars de banlieue parisienne en 2017.
Ainsi, tout est en place pour que ça décolle, d'autant que certains des plus grands fans sont dans le public en ce samedi après-midi, impatients de découvrir sur scène les auteurs du fameux "Hiroshima Mis A Mort".

Hélas, après un début dynamique, le soufflé retombera vite. Peut-être est-ce la programmation en journée, le stress, mais le résultat ne sera pas là. Comme lors de leurs prestations précédentes, le maniérisme de Mathieu Lescop, chanteur du groupe, a du mal à passer.
Certes, il ne faut pas se limiter à ça, mais difficile de passer outre, car cela focalise beaucoup l'attention, et on ne voit pas trop où il veut en venir entre les poses à la Ian Curtis et le chant façon Nikola Sirkis.
Concernant le reste du groupe, les chansons sont jouées de manière simple, efficace. Avec une mention spéciale au batteur.

Sur les chansons, elles ont à mon goût tendance à vite se ressembler sans présenter de grande originalité. J'étais prévenu, mais malgré tout, il m'est difficile de ne pas m'ennuyer au bout d'une dizaine de minutes.

Ce concert pourrait donc se révéler anodin, et pour être honnête, il ne cessera de me laisser un souvenir plus que mitigé. Mais il aura un effet Velvet, car paradoxalement, je me souviens encore de "Intérieur / Extérieur" et "Zeppelin, Zeppelin" plus de 10 ans après. Et surtout, un de spectateurs, considérant que le monde devra avoir accès à la culture de qualité, décidera de devenir animateur radio. Ainsi, la Corrèze, la France, le monde doivent beaucoup à ce concert.
Et à voir le visage immobile de cet homme pendant le concert alors que la jeunesse autour de lui bougeait, on pouvait croire à première vue qu'extérieurement, un monde s'écroulait, alors qu'intérieurement, une vocation était en train de naitre. Et n'est-ce pas le propre de l'art de déranger et créer des vocations?

Le choc fut néanmoins rude sur le coup, pour moi comme la future star des ondes en devenir. Si j'ai vécu un événement ce jour là, il était à côté de moi, et non en face. Il nous faudra bien quelques bières pour nous en remettre.

"Pardon Monsieur"? Non, ne t'excuse pas, on n'avait pas à traîner là.


Moyen   10/20
par Francislalanne


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