Le Prince Harry
Paris [Le Petit Bain] - mercredi 17 mai 2017 |
Soirée Teenage Ménopause, avec trois groupes qui n'ont musicalement en commun que le label : Delacave, Prince Harry, Xiu Xiu.
"At Le Petit Bain ???! That sounds amazing !!" C'est en ces termes que Andy avait réagi, lorsque je lui avais dit, la veille, que j'allais à un concert sur la péniche qui fait aussi salle de concert. Andy a 23 ans, elle habite Princeton dans le New Jersey et était de passage à Paris pour la première fois. Il n'y avait donc objectivement aucune raison qu'elle connaisse de réputation le Petit Bain. Il n'y avait pas non plus de raison pour qu'elle élise mon appartement comme point de chute pour son couchsurfing : un studio - certes doté d'un clic-clac - occupé par un homme quasi quadragénaire. Le couchsurfing est indéniablement un excellent moyen de rencontrer des personnes qui ont des choses à dire. Je m'en étais pas mal servi quand j'étais au Chili, j'en avais tiré des expériences sociologiques intéressantes, et parfois des amitiés solides. Je m'étais alors senti obligé de proposer la réciproque, c'est-à-dire de mettre mon propre canapé parisien à disposition d'une population voyageuse, bourgeoise culturellement, modeste économiquement. En ce moment, je ne sais pas ce qui se passe, ça n'arrête pas. J'ai plein de demandes. Faut que je dise non. Merde, j'ai autre chose à foutre que de border de gentil-le-s inconnu-e-s. En plus je leur fais à bouffer, équilibré et raffiné. Je suis décidément incapable de gérer mes priorités.
J'avais parié sur un apéro au soleil en bordure de Seine. Pas de bol, la dépression arrivait. J'avais prévu une anisette, que j'avais malicieusement transvasé dans une petite bouteille de Cristalline vide. Pas de bol, son contenu s'était renversé pendant le trajet à vélo, et pour cause : un connard de contrôleur de gestion travaillant à Cristalline avait eu l'idée de remplacer le bouchon vissable des bouteilles par un bouchon clipsable pour économiser 0,05 cts. Bordel, si je me le chope, cet abruti... Heureusement, j'avais aussi un blanc frais. Enfin, frais les dix premières minutes. Avec Nono on a dû le finir à la va-vite pour ne pas rater Delacave. On ne devrait jamais finir du blanc à la va-vite.
Delacave, c'est quand même davantage un nom à vendre du pinard qu'à vendre des disques. Ça peut expliquer pourquoi ils jouaient en toute première partie. Ils auraient mérité d'être en tête d'affiche s'ils faisaient moins la gueule sur Seine. Vous avez vu une faute d'orthographe ? Et bien non, c'est juste un jeu de mots. Sur Seine, ahah. Et bien même un jeu de mots comme celui-là, je crois que Delacave n'aurait pas rigolé. Grand mal leur en fasse. Trop concentrés sur leur musique peut-être. A leur crédit, le résultat est bon, très bon même. Les compositions mélodiques sont souvent simplistes, essentiellement portées par le champ, la basse et le clavier, mais elles sont enveloppées, mises en exergue et en rythme par le flot des autres instruments : l'autre moitié du clavier utilisée en sampler, batterie enlevée, guitare noise, bruitiste et aérienne, détachée et présente. Alors forcément je suis dedans. Nono a l'air de kiffer, ma couchsurfeuse du New Jersey aussi. Le mixage force un peu trop sur la voix de la chanteuse bassiste à mon goût. Sinon, le son est plutôt bon, si on est assez près. Car c'est là un des grands défauts du Petit Bain : à plus de cinq mètre de la scène (ici ma blague ne marche pas), on entend la musique comme dans le sous-marin de Cousteau. Et moi, les bonnets rouges, ce que j'en pense... "Euh... merci... salut", ben ouais salut les loulous, et ajoutez peut-être une vapeur de poppers la prochaine fois. Le concert était bien, Nono propose de fumer une clope, il pleut, on trouve à s'abriter, et on parle en anglais. Pas pour se la péter, hein ? Juste parce que Andy parle mieux anglais que le français.
Quand on retrouve Le Prince Harry, le concert a déjà commencé. J'avais oublié à quel point ils envoyaient... Et bordel, qu'ils sont cools ces deux mecs ! J'ai tout à coup très envie d'être belge et tatoué. Ils véhiculent un sentiment de liberté totale, ce malgré un calage sur boite à rythme du synthé et de la guitare. Ça ne sert à rien que je décrive davantage, passez les voir quand ils sont dans votre coin. On applaudit, on est content, on regrette qu'il n'y en ait pas une petite dernière.
C'est là que tout se complique. Il pleut averse cette fois. Impossible de choper un verre, impossible de trouver un endroit abrité... On tourne en rond. On sort de la péniche pour aller dans un de ces bars éphémères immondes qui envahissent les quais l'été venu. Dans ces endroits, je peux pas saquer les gens, l'ambiance, et surtout les prix. Enfin quand même, le serveur est sympa. On prend un blanc. Dégueu. On traine malgré nous. On peut pas rerentrer sur la péniche avec nos verres, évidemment. Alors on doit les finir. Nono se cassse. On retourne dans la salle avec Andy. Xiu Xiu a bien commencé. La batteuse est exceptionnelle. Mais je préfèrerais qu'il n'y ait que la batteuse. L'autre, le cantateur-guitariste, fait son chaud, son froid, montre qu'il est maitre du temps, de la non-mélodie. Bouffe dans ma main et tais-toi. Xiu Xiu, j'ai jamais trop compris. Ou aimé. Ou les deux. C'est dur de s'avouer qu'on n'aime pas un plat composé d'ingrédients que l'on aime bien.
On quitte la péniche, je prends mon vélo, elle son métro. Il m'arrive un truc bizarre une fois chez moi, dans la relation avec la femme que j'aime, basée au Chili. Je commence à douter. Mes jambes flageolent. Ma petite couchsurfeuse met du temps à arriver, beaucoup de temps. Elle finit par rentrer. Elle s'est endormie dans le dernier métro. Elle est rentrée à pied par l'échangeur de Bagnolet. On fait mieux comme vue sur la ville lumière. Indépendamment, elle a adoré les concerts.
"Teenage Menopause", c'est tout à fait moi avoue-t-elle. J'ai quinze ans de plus qu'elle, je crois pouvoir affirmer la même chose.
"At Le Petit Bain ???! That sounds amazing !!" C'est en ces termes que Andy avait réagi, lorsque je lui avais dit, la veille, que j'allais à un concert sur la péniche qui fait aussi salle de concert. Andy a 23 ans, elle habite Princeton dans le New Jersey et était de passage à Paris pour la première fois. Il n'y avait donc objectivement aucune raison qu'elle connaisse de réputation le Petit Bain. Il n'y avait pas non plus de raison pour qu'elle élise mon appartement comme point de chute pour son couchsurfing : un studio - certes doté d'un clic-clac - occupé par un homme quasi quadragénaire. Le couchsurfing est indéniablement un excellent moyen de rencontrer des personnes qui ont des choses à dire. Je m'en étais pas mal servi quand j'étais au Chili, j'en avais tiré des expériences sociologiques intéressantes, et parfois des amitiés solides. Je m'étais alors senti obligé de proposer la réciproque, c'est-à-dire de mettre mon propre canapé parisien à disposition d'une population voyageuse, bourgeoise culturellement, modeste économiquement. En ce moment, je ne sais pas ce qui se passe, ça n'arrête pas. J'ai plein de demandes. Faut que je dise non. Merde, j'ai autre chose à foutre que de border de gentil-le-s inconnu-e-s. En plus je leur fais à bouffer, équilibré et raffiné. Je suis décidément incapable de gérer mes priorités.
J'avais parié sur un apéro au soleil en bordure de Seine. Pas de bol, la dépression arrivait. J'avais prévu une anisette, que j'avais malicieusement transvasé dans une petite bouteille de Cristalline vide. Pas de bol, son contenu s'était renversé pendant le trajet à vélo, et pour cause : un connard de contrôleur de gestion travaillant à Cristalline avait eu l'idée de remplacer le bouchon vissable des bouteilles par un bouchon clipsable pour économiser 0,05 cts. Bordel, si je me le chope, cet abruti... Heureusement, j'avais aussi un blanc frais. Enfin, frais les dix premières minutes. Avec Nono on a dû le finir à la va-vite pour ne pas rater Delacave. On ne devrait jamais finir du blanc à la va-vite.
Delacave, c'est quand même davantage un nom à vendre du pinard qu'à vendre des disques. Ça peut expliquer pourquoi ils jouaient en toute première partie. Ils auraient mérité d'être en tête d'affiche s'ils faisaient moins la gueule sur Seine. Vous avez vu une faute d'orthographe ? Et bien non, c'est juste un jeu de mots. Sur Seine, ahah. Et bien même un jeu de mots comme celui-là, je crois que Delacave n'aurait pas rigolé. Grand mal leur en fasse. Trop concentrés sur leur musique peut-être. A leur crédit, le résultat est bon, très bon même. Les compositions mélodiques sont souvent simplistes, essentiellement portées par le champ, la basse et le clavier, mais elles sont enveloppées, mises en exergue et en rythme par le flot des autres instruments : l'autre moitié du clavier utilisée en sampler, batterie enlevée, guitare noise, bruitiste et aérienne, détachée et présente. Alors forcément je suis dedans. Nono a l'air de kiffer, ma couchsurfeuse du New Jersey aussi. Le mixage force un peu trop sur la voix de la chanteuse bassiste à mon goût. Sinon, le son est plutôt bon, si on est assez près. Car c'est là un des grands défauts du Petit Bain : à plus de cinq mètre de la scène (ici ma blague ne marche pas), on entend la musique comme dans le sous-marin de Cousteau. Et moi, les bonnets rouges, ce que j'en pense... "Euh... merci... salut", ben ouais salut les loulous, et ajoutez peut-être une vapeur de poppers la prochaine fois. Le concert était bien, Nono propose de fumer une clope, il pleut, on trouve à s'abriter, et on parle en anglais. Pas pour se la péter, hein ? Juste parce que Andy parle mieux anglais que le français.
Quand on retrouve Le Prince Harry, le concert a déjà commencé. J'avais oublié à quel point ils envoyaient... Et bordel, qu'ils sont cools ces deux mecs ! J'ai tout à coup très envie d'être belge et tatoué. Ils véhiculent un sentiment de liberté totale, ce malgré un calage sur boite à rythme du synthé et de la guitare. Ça ne sert à rien que je décrive davantage, passez les voir quand ils sont dans votre coin. On applaudit, on est content, on regrette qu'il n'y en ait pas une petite dernière.
C'est là que tout se complique. Il pleut averse cette fois. Impossible de choper un verre, impossible de trouver un endroit abrité... On tourne en rond. On sort de la péniche pour aller dans un de ces bars éphémères immondes qui envahissent les quais l'été venu. Dans ces endroits, je peux pas saquer les gens, l'ambiance, et surtout les prix. Enfin quand même, le serveur est sympa. On prend un blanc. Dégueu. On traine malgré nous. On peut pas rerentrer sur la péniche avec nos verres, évidemment. Alors on doit les finir. Nono se cassse. On retourne dans la salle avec Andy. Xiu Xiu a bien commencé. La batteuse est exceptionnelle. Mais je préfèrerais qu'il n'y ait que la batteuse. L'autre, le cantateur-guitariste, fait son chaud, son froid, montre qu'il est maitre du temps, de la non-mélodie. Bouffe dans ma main et tais-toi. Xiu Xiu, j'ai jamais trop compris. Ou aimé. Ou les deux. C'est dur de s'avouer qu'on n'aime pas un plat composé d'ingrédients que l'on aime bien.
On quitte la péniche, je prends mon vélo, elle son métro. Il m'arrive un truc bizarre une fois chez moi, dans la relation avec la femme que j'aime, basée au Chili. Je commence à douter. Mes jambes flageolent. Ma petite couchsurfeuse met du temps à arriver, beaucoup de temps. Elle finit par rentrer. Elle s'est endormie dans le dernier métro. Elle est rentrée à pied par l'échangeur de Bagnolet. On fait mieux comme vue sur la ville lumière. Indépendamment, elle a adoré les concerts.
"Teenage Menopause", c'est tout à fait moi avoue-t-elle. J'ai quinze ans de plus qu'elle, je crois pouvoir affirmer la même chose.
Parfait 17/20 | par Grosprout |
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