Little Simz

Paris [Gaité Lyrique] - jeudi 30 mars 2017

Ami lecteur, amie lectrice. Te voilà dans une toute nouvelle dimension de lecture. Tu te souviens peut être, si tu es né avant les 90's, des livres dont vous êtes le héros. L'interactivité à son paroxysme, armé seulement d'un dé & d'un crayon. On te propose ici l'interactivité 2.0, ou plutôt 1.2, soyons modestes.
Dès que tu verras une suite de caractères en rouge, clique dessus et tu verras une belle image apparaitre, de façon a égayer ta lecture de manière complètement farfelue ! Et ouais, on est comme ça.





"On n'a qu'à se retrouver à La Cordonnerie à six heures." Vrai que La Cordonnerie est à deux pas de la Gaité Lyrique. Et que l'Happy Hour défie toute concurrence. 3€ la pinte, 3€ le double pastis, 4,5€ le mojito... Et un vrai mojito, pas 3 feuilles de menthe dans 10 cl de Perrier. Je ne vois ça nulle part ailleurs en France, ce genre de tarif. Les gens des autres villes qui viennent à Paris sont en mode touriste, alors ils trouvent Paris cher. En fait c'est le mode touriste qui est cher. Ton demi de Kro à 7€ sur le boulevard ou ta pinte à 2,5€ cent mètres plus loin, faut connaitre. Un rendez-vous à 18h à la Cordonnerie pour retrouver Nono, donc. Ça ne m'aura pas laissé beaucoup de temps pour bosser aujourd'hui...
Vingt minutes de vélo. Je suis le premier, je commande deux verres. Nono se pointe. Les mojitos sont trop sucrés et insidieusement alcoolisés. Très alcoolisés. A croire que leur marque de fabrique c'est de bourrer la gueule de leurs clients... Après ils s'étonnent d'avoir des emmerdes avec les voisins et les flics. C'est un peu tôt pour un apéro aussi chargé, je calme le jeu en noyant un double pastis pendant que Nono se rabat sur le blanc. Je crois que ni elle ni moi ne sommes au top. Il est 19h30 passé, heure d'ouverture, on se dirige vers la Gaité Lyrique. Pour un concert hiphop-rnb, je crois que c'est comme ça qu'on dit. Je ne vais jamais à des concerts hiphop-rnb, bien que j'en écoute de plus en plus entre deux émissions du Mike et l'Enclume sur Arteradio.com.

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Seigneur, ce que le bâtiment de la Gaiiiiité Lyrique est pompeux... Le mélange caractéristique des lieux culturels publics de grandes villes : une bonne vieille pierre de la monarchie républicaine sur laquelle on vient greffer une déco sobre et lisse, monochrome, spacieuse et aux lignes épurés. Et le personnel qui va avec. Est-il vraiment utile d'avoir trois videurs à l'entrée ? Est-il nécessaire de les contraindre de s'habiller en costards ? Je crois avoir compté trois autres videurs dans la salle. Ces personnes pourraient faire des trucs bien plus utiles dans la vie que se bousiller les disques lombaires avec des jobs à temps partiels et horaires décalés. On pourrait utiliser l'argent public pour des fonctions plus utiles et valorisantes, tout de même. Enfin, c'est pas que de l'argent public. Quand tu vois le prix des entrées... Indécent. Près de 30€, un scandale, tant ce tarif est discriminant. Imaginons, par exemple, je sais pas moi... Pour quelqu'un qui aurait un salaire... De videur à temps partiel.
Merde. C'est dans le cadre du Festival les Femmes s'en mêlent. J'avais zappé. Je n'ai jamais trop suivi ce festival. Il se déroule dans des salles qui ne sont pas celles que je fréquente. Et puis j'ai du mal avec la discrimination. Même positive. Obama, Gattaz et Macron sont pour, pas moi. Je connais l'argument de se retrouver entre discriminés pour s'unir dans la lutte, et je reconnais pleinement sa pertinence, notamment pour l'accès à l'égalité des droits. Mais c'est un moyen et non une fin, une équipe d'intervention, une guérilla, pas un thème ou une assemblée permanente.
Et puis, ne nous mentons pas : on se permet sur les discriminations sexistes des choses que l'on ne se permet pas concernant les autres types de discrimination. Vous imaginez un festival qui s'appellerait les Noirs s'en mêlent ? Ou les Gros s'en mêlent ? Les Petits s'en mêlent, ce serait pas mal : un festival qui sensibilise au fait que petits voient rien dans les concerts. Je culpabilise à chaque fois que je vais au concert avec mes potes, surtout mes potes filles, plus petites, elles en chient pour voir alors que je m'en sors bien avec mon mètre quatre-vingt-trois. Je vais éviter de parler discrimination et tactique politique, c'est un sujet polémique. A l'accueil les personnes sont toutes sympa. Heureuses d'être là. Ça fait plaisir. Je suis pas trop d'accord avec la thématique du festoche, mais, franchement, rien à dire sur la qualité de l'orga et la bonne ambiance à l'accueil.

Le DJ set d'entame est pas mal. Même si la sortie jack du Mac sature, foutant en partie en l'air la presta. L'acoustique de la salle est hyper bonne, comme dans toutes les salles publiques modernes de spectacles vivants. Ça doit casquer sévère en matos. Le vin blanc n'est pas dégueu. Enfin, 5 balles quand même. Plus 2 euros de consigne pour un verre à pied et en plastique. Quelle drôle d'idée. Comment tu veux danser avec un verre à pied ? C'est un coup à paumer la moitié du godet au moindre déhanché.
Sônge entre sur scène sans transition. Elle est seule, balance le son et enchaine le premier morceau sans mot dire. Ça joue sur la mise en scène, fausses lunettes faisant rétroéclairage coloré sur les yeux, veste métallique bouffante réfléchissante. Nono dit "je veux la même veste". Je lui réponds que ça ne lui ira pas pareil. Les samples sont simples mais fignolés, bon équilibre entre pose d'ambiance et pose de rythme.
Nettement mieux que mon souvenir du EP, que j'ai trouvé lisse et un peu surfait. L'authenticité est palpable en live. Pas d'accent quimpérois en anglais. De toutes façons, ils n'ont jamais eu d'accent à Quimper, c'est pas Brest ou Landerneau. Sônge doit cependant avoir un accent français parce je comprends une bonne partie de ses paroles en anglais.
Le couplet de la troisième chanson est en français. Sans être trop ambitieux, franchement ça passe, ça colle au flow et au bit derrière. Refrain en anglais. Je repense aux éternels débats sur la (non-)musicalité de la langue française. Je suis d'avis que c'est une musicalité différente, c'est tout, c'est donc normal que ça ne colle pas sur des musiques dont les bases se sont construites accompagnées de la langue anglaise. Sônge a quelques fans dans la salle. Elle est joviale et sautillante entre les morceaux, ça renforce son côté juvénile-vive-la-vie-tout-va-bien. Après tout, pourquoi pas, moi ça me va très bien, c'est frais, c'est fruité. Son dernier morceau finit presque à capela. Bon set, bonne surprise.

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La salle qui accueille le bar est grandiloquente, six mètres de hauteur sous plafond. Les chiottes, c'est des chiottes de musée. Un type vient uriner à côté de moi, je tiens mon verre à pied en plastique à la main, nulle part ou le poser, je vois que le type me mate. Il finit par sortir : "la classe de pisser le verre à pied à la main".
Cette anecdote n'a pas beaucoup d'intérêt.
"Eh non, on peut pas à la fois fumer une clope et boire un coup" nous dit le videur, un videur très sympa, soit dit. On finit nos verres. Je taxe une sèche à Nono, que je fume à moitié puis on va s'installer pour Little Simz, histoire de choper une place compatible avec son mètre soixante.
Le type au son se pointe. C'est là que tout part en couille. Déjà, ça se voit que ce type fait de la muscu. "Et alors ?" me direz-vous, "Et alors." vous répondrai-je. C'est un simple transfert, d'un comportement qui m'énerve, vers une l'apparence physique (non relevante quand on parle de musique), c'est nul, je sais. Le dit comportement, c'est le suivant : le type se met à beugler en anglais "vous êtes venus pour qui ?????!!!!", tout le monde gueule "ouaiiiis !!!", parce que tout le monde s'en fout toujours du sens de ce que les musiciens disent avant, entre et après les morceaux. Alors le type réplique "euh vous avez pas compris" - j'ai envie de lui rétorquer "ben t'as qu'à noter la trad en français sur un bout de papier" - et il répète "vous êtes venus pour qui ?????!!!!". La bonne réponse n'est pas "Fillon", ni "Macron", ni "Nagui", ni "Lagaffe", ni "Hanouna" mais bien Little Simz. Bordel, je supporte pas les chauffeurs de salle. Je veux pas applaudir avant d'avoir entendu.
Je veux pas être fan. Je veux pas qu'on me fasse dire des choses, qu'on me fasse répéter des choses, qu'on me fasse ressentir des choses, je suis pas une putain d'oie qu'on gave et je me débrouille assez bien tout seul pour m'engraisser le foie. Little Simz arrive puisqu'on l'a appelée. Elle tranche, par son style, avec l'intro starsystème.
Aucune surprise sur le début du set. Le flow est parfait, le son est carré. Elle nous raconte un peu le sens d'une chanson. Mon père fait la même, tiens, avant ses morceaux.


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Les spectateurs en manque d'aérobic sont invités à agiter le bras de gauche à droite ou de haut en bas. Pour moi non merci, ni ici, ni à Nuremberg, ni dans la tribune Auteuil ou dans la tribune Boulogne ou à un concert de Black Eyed Peas ou je ne sais où encore. On me fait pas faire des gestes. Ça manque d'espace. Manque de breaks. Manque d'alternance de rythmes. Le flow ne s'arrête jamais. Cette énergie a des déperditions en ligne, comme le courant continu, pour ça qu'on a inventé l'alternatif. Je vois Nono partir. Je la rejoins. On est vanné, on lâchlaf. Elle veut aller faire un jap devant lequel on est passé tout à l'heure, près de la Cordonnerie. C'est un resto semi-gastro, au tarifs abordables. Franchement c'est top. Elle règle l'addition, elle me dit que c'est pour toutes les fois du passé, quand, à l'époque, c'était elle qui n'avait pas de tunes.
Depuis quelques mois, dans cette zone floue de nos trente-cinq ans passés, chacune de nous est comme observatrice de son propre destin. C'était une curieuse soirée dans une drôle d'époque.


Pas mal   13/20
par Grosprout


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