Art Brut

Quand ils ont déboulé sur scène, une demi-heure après le très beau et très émouvant concert de The National, il m'a fallu un temps d'adaptation. Première réaction: c'est un sketch des Inconnus ? Le costard rouge et la mèche sur le côté d'Eddie Argos plaident pour cette hypothèse. J'ai beau avoir écouté avec jubilation leurs très efficaces deux premiers albums, je ne peux m'empêcher de détester ces caricatures de rockers: le gratteux blondinet qui saute partout, tout droit sorti d'une groupe de garage suédois; l'autre gratteux, pastiche de Brian May; la bassiste, adepte du revival grunge à la L7 (pas L5, hein ?); et les interminables tirades en anglais du chanteur, quelque part entre Andy Kauffmann et Thierry Ardisson.

Pourtant, quand il balance ses chaussettes dans la foule avant d'attaquer "Bang, Bang, Rock'n'roll", le second degré commence à fonctionner: les slogans imparables des refrains, qui brocardent avec cynisme le barnum du show-biz rock, justifient soudain cette mise en scène kitchissime. On assiste à un spectacle satirique bien huilé, une espèce de "Mister Bean chez Domino records" boosté par des riffs pêchus et mordants. On ressort de là hilare, non sans avoir gentiment pogoté dans la gadoue en braillant "Art ! Brut ! Top of the pops !".
Un pur moment de rock'n'roll, donc: éphémère et futile, mais intense.