Below The Sea
Casa del Popolo, Montréal, QC [dimanche 06 novembre 2005] |
Rencontre avec le trio québécois Below The Sea, à l’occasion de la sortie de son troisième album, Blame It From The Past (Where Are My Records). Un excellent disque qui confirme les affinités du groupe avec les nappes de guitares et les envolées instrumentales atmosphériques. Rendez-vous est pris à la Casa del Popolo pour y rencontrer Patrick Lacharité (guitare, synthé, piano, sampler), Pascal Asselin (batterie) et le nouvel arrivant, Victor Meyer (basse). Interview réalisée par Mage pour Xsilence.
Mage : Aux débuts de Below The Sea, on parlait d’un groupe vivant à cheval entre Québec et Montréal, qui se voyait de manière épisodique. Est-ce encore le cas ? Pensez-vous que c’est la méthode qui vous convient pour composer ?
Patrick : En fait, Pascal a passé toute sa jeunesse à Québec mais il vient de s’installer à Montréal depuis quasiment deux mois. On habite donc tous maintenant à Montréal. Victor, lui, nous a rejoint depuis un peu plus d’un an.
Victor : Avant on devait faire beaucoup de voyage entre Québec et Montréal, c’était quand même un peu difficile. Là, ça nous permet d’avoir un rythme un peu plus rapide dans les répétitions. On espère tous que ça va nous permettre d’avancer.
Pascal : Le fait qu’on répétait avant une seule fois par mois, à cause de la distance, donnait une spontanéité intéressante. On savait qu’on n’avait pas le choix d’avancer. Ca débouchait souvent sur la création d’un morceau.
Comment s’est passée l’intégration de Victor, votre nouveau bassiste ?
Patrick : J’ai connu Victor il y a presque 7 ans, on était amis. Il a ensuite rencontré Pascal alors qu’il habitait Québec. Notre ancien bassiste Mathieu Lévesque s’intéressait à des musiques plus actuelles, moins mélodiques, on a donc du trouver un nouveau bassiste. Victor était intéressé alors on lui a fait une place.
Pascal : C’était important pour nous d’avoir un ami pour conserver une certaine chimie au sein du groupe.
Victor : Quand j’ai rejoint le groupe, ça faisait 4 à 6 mois qu’ils étaient en pause. J’avais joué de la guitare dans plusieurs groupes avant mais j’ai vraiment dû apprendre à jouer de la basse, à trouver cette fameuse chimie dont parle Pascal. Maintenant ça commence à couler plus. Il est facile de qualifier la musique de Below The Sea de mélancolique. Qu’on le veuille ou pas, c’est un mot qui revient souvent quand on essaie de vous décrire.
Est-ce que vous imagineriez que votre son puisse un jour sortir de cette description ou est-ce un état d’esprit qui vous satisfait ?
Patrick : Ca pourrait être satisfaisant, en ce qui me concerne, dans le sens où je suis quelqu’un de très nostalgique. J’aime aussi les choses atmosphériques et c’est rare que les choses atmosphériques soient réellement « happy ». Mais sur notre nouvel album il y a quand même une certaine touche d’espoir qui fait en sorte que ça sonne un peu plus joyeux que d’habitude. Il y a des morceaux plus sombres mais il y en a aussi qui sont plus joyeux, peut-être à cause du piano. Mais je ne pense pas qu’on risque de trop sortir de ça... On ne devrait pas jouer un jour de la musique qui sonne plus...
Pascal : ...pop ensoleillée. Autres mots qui reviennent souvent dans les descriptions : post rock.
On vous rapproche facilement de ce mouvement dont on cite souvent le Québec comme exemple. Est-ce que vous vous sentez concernés par cette scène, en affinités ? Est-ce que vous fréquentez des groupes de cette mouvance ?
Pascal : Le post rock, c’est devenu une appellation, une grande famille, comme le pop ou le métal. Ca peut devenir de temps à autre un peu chiant mais ça peut aussi nous servir. Je vois ça autant en bon comme en mauvais. On en écoute tous, on fréquente certains groupes. Mais il y a aussi des choses qu’on trouve trop entendues. C’est toujours partagé.
Victor : L’appellation post-rock est arrivée vite. Ca a germé très rapidement mais on sent aussi un certain essoufflement. Certains groupes refont sans cesse le même genre de pattern. Je pense que ça permet de donner un repère au monde mais c’est aussi un mouvement qui s’essouffle parfois.
Le fait que Montréal soit souvent cité dans ce domaine musical a-t-il pu vous aider à vous faire une place ?
Patrick : Je dirais que ça nous a sans doute aidé en Europe parce que beaucoup de groupe d’ici on une bonne notoriété, notamment Godspeed You! Black Emperor ou Fly Pan Am, surtout le label Constellation. Un peu le même genre d’effet que Seattle avait pendant la vague grunge. Mais les gens d’ici voient ça différemment. Et puis, d’un autre côté, c’est dommage de penser que parce qu’on vient d’une ville, on va sonner de telle ou telle manière.
Pascal : Le courant peut aussi changer via Montréal. Maintenant, on en est à une tendance un peu plus rock, avec The Arcade Fire ou Wolf Parade. On est amis avec certains groupes post rock mais on préfère jouer avec d’autres groupes. Quand on choisit nos premières parties, on préfère choisir des groupes différents.
Patrick : Nous même on a eu l’occasion de le faire, par exemple en jouant devant un public métal-gothique, en première partie d’Isis. Ils nous avaient invités et on a remarqué que le public commençait à apprécier au fil des morceaux. On a vendu plus de disques qu’on pensait ce soir-là. On aime beaucoup ça, confronter les genres. Un jour, j’aimerais avoir une première partie hip-hop pour Below The Sea.
En écoutant vos trois albums, on peut parfois aussi faire des liens avec des groupes plus anciens, issus de ce qu’on appelait à l’époque le shoegazing. Est-ce que ce sont des influences que vous revendiquez ?
Patrick : On écoute toutes sortes de musique tous les trois. Pascal est le plus diversifié. Il écoute autant du métal, du hip-hop, du shoegaze ou de l’électronique. Mais tous les trois on a toujours écouté des groupes pop shoegaze, principalement moi. Dans les textures, les guitares, c’est une sorte d’influence. On est fans de groupes comme Slowdive, Pale Saints, Lush, Cocteau Twins, Dead Can Dance... Sans vouloir copier, en ayant écouté des groupes du genre pendant toutes ces années, c’est logique qu’on sonne parfois un peu comme eux.
Victor : Des groupes comme Ride, My Bloody Valentine, ce sont des groupes qu’on a écouté beaucoup pendant l’adolescence et qui ont été déclencheurs de notre amour de la musique. C’est sûr qu’on aime encore garder une part de ça mais on essaie d’apporter d’autres choses, d’évoluer. On ne veut pas s’enfermer là-dedans. C’est un peu comme le crayon qu’on utilise depuis des années et avec lequel on aime écrire.
Patrick : Notre dernier album est beaucoup moins shoegaze que les deux premiers, sur lesquels plusieurs morceaux avaient cette sonorité. On a laissé un peu de côté ce son, même si on conserve des influences. On a d’ailleurs participé à un projet qui va sortir en Angleterre au mois de janvier. C’est une compilation autour du club AC30, spécialisé dans ce type de musique. Le principe était que chaque groupe reprenne un morceau classique shoegaze (Lush, Slowdive, Chapterhouse, Cocteau twins, Spiritualized, etc.). On y a repris un morceau de Drop Nineteens, le groupe de Boston, qu’on avait tous les trois écouté quand on était plus jeunes. On a invité une amie à placer sa voix avec la mienne sur la musique. (NDLA : La compilation sortira en trois CD, elle aura pour nom Never Lose That Feeling). Victor : C’était un peu un défi pour nous de reprendre un morceau shoegaze mais un peu plus rock, à la Sonic Youth. C’était la première fois qu’on faisait ce genre d’exercice. Ce rapprochement avec le shoegazing est encore plus flagrant chez d’autres groupes de votre label, Where Are My Records. Un label plutôt discret, avec un catalogue restreint, mais qui affiche une réelle cohérence.
Comment est gérée cette structure ? Faites-vous partie de son organisation?
Patrick : C’est un ami, Jeff, qui s’en occupe depuis le départ. C’est lui qui a lancé notre premier album. C’est comme ça que ça a commencé. Par la suite, je lui ai proposé de l’aider pour le côté visuel, les pochettes de disques. Je me suis occupé de 90% des pochettes des disques du label. On essaie de créer une ligne directrice artistique qui demeure, qu’on puisse voir comme un lien.
Pascal : Mais on n’est pas impliqués pour les décisions ni financièrement. Jeff est un ami mais ça reste son label. Plusieurs membres du groupe ont des projets parallèles…
Est-ce que ces projets vous offrent une liberté supplémentaire et vous permettent de mieux suivre la piste choisie avec Below The Sea ou bien est-ce juste le fruit du hasard et des rencontres?
Patrick : J’ai un début de projet solo, A Pillow, que j’ai surtout créé pour la première partie d’un groupe montréalais. J’aimerais aussi former un autre groupe qui ferait une musique assez différente. Mais maintenant que Pascal est à Montréal, on veut vraiment aller plus loin avec Below The Sea, jouer aux États-unis, retourner au Japon et en Europe. On aimerait aussi demander à des artistes de remixer des morceaux du nouvel album. On aimerait multiplier les choses auxquelles on pourrait participer. Par exemple, on devrait faire la musique d’un film d’animation réalisé par un collectif d’artistes montréalais.
Pascal : Ces projets permettent une certaine forme de liberté. Avec Millimetrik, c’est vraiment un trip de composition solitaire mais je refuse d’utiliser ma batterie pour ce projet. Je le fais à temps perdu sur mon ordinateur mais on espère vraiment avancer avec Below The Sea. On est maintenant plus fort que jamais avec le groupe.
Sur le dernier album, vous aviez invité Sylvain Chauveau sur un morceau. Comment l’aviez vous rencontré, comment s’était passée cette rencontre ?
Pascal : Ca remonte à Glider, un projet que j’avais avec un Anglais, par la poste. On avait fait faire un album de remixes. Quand Below The Sea a été signé sur le label Alice In Wonder, on pouvait choisir des albums dans le catalogue. On avait choisi l’album Le livre Noir Du Capitalisme de Sylvain Chauveau car on avait accroché sur le titre. On a écouté, on a adoré. Quand il fut le temps de choisir des remixeurs pour Glider, je l’ai contacté et il a fait un remix pour nous que j’ai adoré. On a toujours gardé contact et il a ensuite été présenté à l’ensemble du groupe. Comme à chaque album on aime avoir des collaborations, on a repensé a lui et on lui a demandé d’intervenir sur notre avant-dernier album. Finalement, on a organisé une mini-tournée de cinq dates en Amérique du Nord avec lui l’automne dernier. On aimerait beaucoup que ça se reproduise car on a vraiment beaucoup d’affinités avec lui.
Vous êtes un groupe qui semble aimer les collaborations. En quoi est-ce que cela vous apporte quelque chose d’intéressant pour votre musique ?
Patrick : Ca apporte un défi de travailler avec d’autres artistes. On essaie de garder la personnalité du groupe tout en la mélangeant avec la personnalité de l’autre artiste avec qui on collabore.
Pascal : Ca ne se passe jamais comme dans notre tête on pensait que ça allait se passer. On est toujours surpris. Et souvent le résultat est encore mieux que ce qu’on avait pensé! C’est très positif pour le groupe. Justement, parlez-moi un peu des collaborations sur Blame It From The Past, votre dernier disque…
Patrick : Le plus connu c’est Ulrich Schnauss. Mais on a aussi plusieurs amis qui sont venus jouer sur le disque : de la flûte, de la clarinette... Un peu au hasard, souvent. Un ami du groupe Destroyalldreamers y a ajouté du trombone une semaine avant le mastering. On a aussi rencontré un luxembourgeois, Gianni Trono, lorsqu’on a été jouer au Luxembourg. Il joue des timbales en studio qu’on a insérées sur un morceau.
Pascal : Pour Ulrich Schnauss, j’avais joué avec lui en Allemagne en tant que Millimetrik. On était resté en contact, il se renseignait toujours sur ce qui se passait avec Below The Sea. Il a tout de suite été motivé par l’idée de collaborer sur l’album.
Ce soir, vous présenterez l’album à la Salla Rossa. Ce sera la première fois que je vais vous voir en concert. Est-ce que vos morceaux prennent une dimension différente sur scène ? Laissez-vous une place à l’improvisation ?
Patrick : Ca reste assez semblable que sur les albums sauf qu’il y a plus d’intensité, surtout avec le jeu de batterie de Pascal. Mais on sait où on s’en va, on suit les morceaux, c’est peu improvisé.
Pascal : On est trois. Patrick contrôle les séquences autant avec des pédales de boucles qu’avec un sampler. Moi, je joue fort. Il y a un côté beaucoup plus rock en concert.
J’ai entendu dire que vous reveniez d’une tournée au Japon… Comment en êtes vous arrivés à jouer là-bas ?
Patrick : On s’est fait inviter par Miaou, un groupe japonais, fan de notre musique. Ils nous ont payé des billets d’avion, pensant qu’ils pourraient se rembourser avec le prix des tickets de concert. On a joué 5 fois : 2 fois à Tokyo, à Osaka, à Kyoto et à Nagoya. Pascal : Tout a commencé par un e-mail. On n’a pas fait grand chose, ils ont pratiquement tout organisé. On était avec eux 24 heures/24 sur place, on a pu pas mal visiter, on a eu vraiment de la chance.
Est-ce que le public japonais perçoit votre musique de la même manière qu’ailleurs ? Quelles sont les différences perceptibles entre le public là-bas ou le public européen ou nord-américain ?
Victor : Le public est très calme, très respectueux, très attentif. Les concerts commencent très tôt, parfois à 18h30, car le public doit retourner chez lui après le concert, parfois très loin des grands centres. Une de mes grosses surprises musicale du Japon c’était de voir le nombre de bons groupes là-bas qui sont inconnus en dehors du Japon. C’est assez incroyable. Il doit y avoir de gros préjugés du côté des européens ou des nord-américains envers la musique japonaise qui fait en sorte qu’ils sont mal distribués en dehors du Japon. Les japonais, par contre, sont très ouverts. C’est un public de fans qu’on a rencontré.
Patrick : On a sorti un split EP avec Miaou suite à cette rencontre. Ca ne sera pas vraiment distribué à grande échelle mais on peut le trouver lors des concerts. On aimerait vraiment pouvoir les inviter à notre tour au Canada.
La première fois que j’ai entendu votre musique, c’était sur une compilation européenne. Est-ce que le nouveau disque va sortir en Europe ? Prévoyez-vous de retourner dans le vieux continent pour y jouer ?
Patrick : On a été invités au Luxembourg et en Belgique, au Rhâââ lovely festival. On y a reçu un excellent accueil. C’est le concert où Below The Sea a vendu le plus de CD à vie, c’était vraiment motivant. De là, on a eu l’occasion de jouer en Angleterre. Concernant la sortie du nouveau disque, on aimerait le sortir un peu partout dans le monde mais on n’a pas encore de piste vraiment concrète.
Victor : Ayant habité Dijon pendant 9 ans, j’aimerais vraiment qu’on puisse jouer en France. On a des contacts sur Paris aussi. Mais organiser une tournée d’ici, ça demande beaucoup d’énergie et beaucoup de contacts. C’est donc un défi mais on aimerait vraiment aller jouer en France… Dès que les voitures auront arrêté de brûler. L’Internet, c’est vraiment un très bon outil pour nous car c’est un très bon moyen de nous faire connaître.
Est-ce que c’est important pour vous de pouvoir jouer vos morceaux live ? Aimeriez-vous tourner davantage ? Donner plus de concerts ?
Pascal : On aimerait jouer plus qu’avant. On a déjà été étiqueté par la presse comme un groupe de studio car on ne voulait pas écœurer notre public local. On jouait peu au Québec car on voulait qu’il y ait la surprise chaque fois, apporter de nouveaux morceaux. Mais malgré ça, on adore jouer sur scène. Victor : On n’est pas vraiment comme un groupe punk-garage qui peut jouer dans toutes les salles, chaque semaine. C’est pour ça aussi qu’on aimerait jouer un maximum à l’étranger.
Si vous deviez conseiller quelques artistes québécois aux lecteurs européens de XSilence, lesquels vous viendraient à l’esprit ?
Victor : Jérôme Minière. C’est un français mais il habite au Québec.
Pascal : Je conseillerais Ghislain Poirier, dans le hip-hop. Un gars de Montréal, intègre et vraiment excellent. Ainsi que nos amis de Destroyalldreamers et leurs side-projects : IXE-13 et This Quiet Army.
Merci beaucoup à Patrick, Pascal et Victor ainsi qu’à Jeff de Where Are My Records ( http://www.wherearemyrecords.com/ ). Merci aussi à Thibaut pour son aide.
Patrick : En fait, Pascal a passé toute sa jeunesse à Québec mais il vient de s’installer à Montréal depuis quasiment deux mois. On habite donc tous maintenant à Montréal. Victor, lui, nous a rejoint depuis un peu plus d’un an.
Victor : Avant on devait faire beaucoup de voyage entre Québec et Montréal, c’était quand même un peu difficile. Là, ça nous permet d’avoir un rythme un peu plus rapide dans les répétitions. On espère tous que ça va nous permettre d’avancer.
Pascal : Le fait qu’on répétait avant une seule fois par mois, à cause de la distance, donnait une spontanéité intéressante. On savait qu’on n’avait pas le choix d’avancer. Ca débouchait souvent sur la création d’un morceau.
Comment s’est passée l’intégration de Victor, votre nouveau bassiste ?
Patrick : J’ai connu Victor il y a presque 7 ans, on était amis. Il a ensuite rencontré Pascal alors qu’il habitait Québec. Notre ancien bassiste Mathieu Lévesque s’intéressait à des musiques plus actuelles, moins mélodiques, on a donc du trouver un nouveau bassiste. Victor était intéressé alors on lui a fait une place.
Pascal : C’était important pour nous d’avoir un ami pour conserver une certaine chimie au sein du groupe.
Victor : Quand j’ai rejoint le groupe, ça faisait 4 à 6 mois qu’ils étaient en pause. J’avais joué de la guitare dans plusieurs groupes avant mais j’ai vraiment dû apprendre à jouer de la basse, à trouver cette fameuse chimie dont parle Pascal. Maintenant ça commence à couler plus. Il est facile de qualifier la musique de Below The Sea de mélancolique. Qu’on le veuille ou pas, c’est un mot qui revient souvent quand on essaie de vous décrire.
Est-ce que vous imagineriez que votre son puisse un jour sortir de cette description ou est-ce un état d’esprit qui vous satisfait ?
Patrick : Ca pourrait être satisfaisant, en ce qui me concerne, dans le sens où je suis quelqu’un de très nostalgique. J’aime aussi les choses atmosphériques et c’est rare que les choses atmosphériques soient réellement « happy ». Mais sur notre nouvel album il y a quand même une certaine touche d’espoir qui fait en sorte que ça sonne un peu plus joyeux que d’habitude. Il y a des morceaux plus sombres mais il y en a aussi qui sont plus joyeux, peut-être à cause du piano. Mais je ne pense pas qu’on risque de trop sortir de ça... On ne devrait pas jouer un jour de la musique qui sonne plus...
Pascal : ...pop ensoleillée. Autres mots qui reviennent souvent dans les descriptions : post rock.
On vous rapproche facilement de ce mouvement dont on cite souvent le Québec comme exemple. Est-ce que vous vous sentez concernés par cette scène, en affinités ? Est-ce que vous fréquentez des groupes de cette mouvance ?
Pascal : Le post rock, c’est devenu une appellation, une grande famille, comme le pop ou le métal. Ca peut devenir de temps à autre un peu chiant mais ça peut aussi nous servir. Je vois ça autant en bon comme en mauvais. On en écoute tous, on fréquente certains groupes. Mais il y a aussi des choses qu’on trouve trop entendues. C’est toujours partagé.
Victor : L’appellation post-rock est arrivée vite. Ca a germé très rapidement mais on sent aussi un certain essoufflement. Certains groupes refont sans cesse le même genre de pattern. Je pense que ça permet de donner un repère au monde mais c’est aussi un mouvement qui s’essouffle parfois.
Le fait que Montréal soit souvent cité dans ce domaine musical a-t-il pu vous aider à vous faire une place ?
Patrick : Je dirais que ça nous a sans doute aidé en Europe parce que beaucoup de groupe d’ici on une bonne notoriété, notamment Godspeed You! Black Emperor ou Fly Pan Am, surtout le label Constellation. Un peu le même genre d’effet que Seattle avait pendant la vague grunge. Mais les gens d’ici voient ça différemment. Et puis, d’un autre côté, c’est dommage de penser que parce qu’on vient d’une ville, on va sonner de telle ou telle manière.
Pascal : Le courant peut aussi changer via Montréal. Maintenant, on en est à une tendance un peu plus rock, avec The Arcade Fire ou Wolf Parade. On est amis avec certains groupes post rock mais on préfère jouer avec d’autres groupes. Quand on choisit nos premières parties, on préfère choisir des groupes différents.
Patrick : Nous même on a eu l’occasion de le faire, par exemple en jouant devant un public métal-gothique, en première partie d’Isis. Ils nous avaient invités et on a remarqué que le public commençait à apprécier au fil des morceaux. On a vendu plus de disques qu’on pensait ce soir-là. On aime beaucoup ça, confronter les genres. Un jour, j’aimerais avoir une première partie hip-hop pour Below The Sea.
En écoutant vos trois albums, on peut parfois aussi faire des liens avec des groupes plus anciens, issus de ce qu’on appelait à l’époque le shoegazing. Est-ce que ce sont des influences que vous revendiquez ?
Patrick : On écoute toutes sortes de musique tous les trois. Pascal est le plus diversifié. Il écoute autant du métal, du hip-hop, du shoegaze ou de l’électronique. Mais tous les trois on a toujours écouté des groupes pop shoegaze, principalement moi. Dans les textures, les guitares, c’est une sorte d’influence. On est fans de groupes comme Slowdive, Pale Saints, Lush, Cocteau Twins, Dead Can Dance... Sans vouloir copier, en ayant écouté des groupes du genre pendant toutes ces années, c’est logique qu’on sonne parfois un peu comme eux.
Victor : Des groupes comme Ride, My Bloody Valentine, ce sont des groupes qu’on a écouté beaucoup pendant l’adolescence et qui ont été déclencheurs de notre amour de la musique. C’est sûr qu’on aime encore garder une part de ça mais on essaie d’apporter d’autres choses, d’évoluer. On ne veut pas s’enfermer là-dedans. C’est un peu comme le crayon qu’on utilise depuis des années et avec lequel on aime écrire.
Patrick : Notre dernier album est beaucoup moins shoegaze que les deux premiers, sur lesquels plusieurs morceaux avaient cette sonorité. On a laissé un peu de côté ce son, même si on conserve des influences. On a d’ailleurs participé à un projet qui va sortir en Angleterre au mois de janvier. C’est une compilation autour du club AC30, spécialisé dans ce type de musique. Le principe était que chaque groupe reprenne un morceau classique shoegaze (Lush, Slowdive, Chapterhouse, Cocteau twins, Spiritualized, etc.). On y a repris un morceau de Drop Nineteens, le groupe de Boston, qu’on avait tous les trois écouté quand on était plus jeunes. On a invité une amie à placer sa voix avec la mienne sur la musique. (NDLA : La compilation sortira en trois CD, elle aura pour nom Never Lose That Feeling). Victor : C’était un peu un défi pour nous de reprendre un morceau shoegaze mais un peu plus rock, à la Sonic Youth. C’était la première fois qu’on faisait ce genre d’exercice. Ce rapprochement avec le shoegazing est encore plus flagrant chez d’autres groupes de votre label, Where Are My Records. Un label plutôt discret, avec un catalogue restreint, mais qui affiche une réelle cohérence.
Comment est gérée cette structure ? Faites-vous partie de son organisation?
Patrick : C’est un ami, Jeff, qui s’en occupe depuis le départ. C’est lui qui a lancé notre premier album. C’est comme ça que ça a commencé. Par la suite, je lui ai proposé de l’aider pour le côté visuel, les pochettes de disques. Je me suis occupé de 90% des pochettes des disques du label. On essaie de créer une ligne directrice artistique qui demeure, qu’on puisse voir comme un lien.
Pascal : Mais on n’est pas impliqués pour les décisions ni financièrement. Jeff est un ami mais ça reste son label. Plusieurs membres du groupe ont des projets parallèles…
Est-ce que ces projets vous offrent une liberté supplémentaire et vous permettent de mieux suivre la piste choisie avec Below The Sea ou bien est-ce juste le fruit du hasard et des rencontres?
Patrick : J’ai un début de projet solo, A Pillow, que j’ai surtout créé pour la première partie d’un groupe montréalais. J’aimerais aussi former un autre groupe qui ferait une musique assez différente. Mais maintenant que Pascal est à Montréal, on veut vraiment aller plus loin avec Below The Sea, jouer aux États-unis, retourner au Japon et en Europe. On aimerait aussi demander à des artistes de remixer des morceaux du nouvel album. On aimerait multiplier les choses auxquelles on pourrait participer. Par exemple, on devrait faire la musique d’un film d’animation réalisé par un collectif d’artistes montréalais.
Pascal : Ces projets permettent une certaine forme de liberté. Avec Millimetrik, c’est vraiment un trip de composition solitaire mais je refuse d’utiliser ma batterie pour ce projet. Je le fais à temps perdu sur mon ordinateur mais on espère vraiment avancer avec Below The Sea. On est maintenant plus fort que jamais avec le groupe.
Sur le dernier album, vous aviez invité Sylvain Chauveau sur un morceau. Comment l’aviez vous rencontré, comment s’était passée cette rencontre ?
Pascal : Ca remonte à Glider, un projet que j’avais avec un Anglais, par la poste. On avait fait faire un album de remixes. Quand Below The Sea a été signé sur le label Alice In Wonder, on pouvait choisir des albums dans le catalogue. On avait choisi l’album Le livre Noir Du Capitalisme de Sylvain Chauveau car on avait accroché sur le titre. On a écouté, on a adoré. Quand il fut le temps de choisir des remixeurs pour Glider, je l’ai contacté et il a fait un remix pour nous que j’ai adoré. On a toujours gardé contact et il a ensuite été présenté à l’ensemble du groupe. Comme à chaque album on aime avoir des collaborations, on a repensé a lui et on lui a demandé d’intervenir sur notre avant-dernier album. Finalement, on a organisé une mini-tournée de cinq dates en Amérique du Nord avec lui l’automne dernier. On aimerait beaucoup que ça se reproduise car on a vraiment beaucoup d’affinités avec lui.
Vous êtes un groupe qui semble aimer les collaborations. En quoi est-ce que cela vous apporte quelque chose d’intéressant pour votre musique ?
Patrick : Ca apporte un défi de travailler avec d’autres artistes. On essaie de garder la personnalité du groupe tout en la mélangeant avec la personnalité de l’autre artiste avec qui on collabore.
Pascal : Ca ne se passe jamais comme dans notre tête on pensait que ça allait se passer. On est toujours surpris. Et souvent le résultat est encore mieux que ce qu’on avait pensé! C’est très positif pour le groupe. Justement, parlez-moi un peu des collaborations sur Blame It From The Past, votre dernier disque…
Patrick : Le plus connu c’est Ulrich Schnauss. Mais on a aussi plusieurs amis qui sont venus jouer sur le disque : de la flûte, de la clarinette... Un peu au hasard, souvent. Un ami du groupe Destroyalldreamers y a ajouté du trombone une semaine avant le mastering. On a aussi rencontré un luxembourgeois, Gianni Trono, lorsqu’on a été jouer au Luxembourg. Il joue des timbales en studio qu’on a insérées sur un morceau.
Pascal : Pour Ulrich Schnauss, j’avais joué avec lui en Allemagne en tant que Millimetrik. On était resté en contact, il se renseignait toujours sur ce qui se passait avec Below The Sea. Il a tout de suite été motivé par l’idée de collaborer sur l’album.
Ce soir, vous présenterez l’album à la Salla Rossa. Ce sera la première fois que je vais vous voir en concert. Est-ce que vos morceaux prennent une dimension différente sur scène ? Laissez-vous une place à l’improvisation ?
Patrick : Ca reste assez semblable que sur les albums sauf qu’il y a plus d’intensité, surtout avec le jeu de batterie de Pascal. Mais on sait où on s’en va, on suit les morceaux, c’est peu improvisé.
Pascal : On est trois. Patrick contrôle les séquences autant avec des pédales de boucles qu’avec un sampler. Moi, je joue fort. Il y a un côté beaucoup plus rock en concert.
J’ai entendu dire que vous reveniez d’une tournée au Japon… Comment en êtes vous arrivés à jouer là-bas ?
Patrick : On s’est fait inviter par Miaou, un groupe japonais, fan de notre musique. Ils nous ont payé des billets d’avion, pensant qu’ils pourraient se rembourser avec le prix des tickets de concert. On a joué 5 fois : 2 fois à Tokyo, à Osaka, à Kyoto et à Nagoya. Pascal : Tout a commencé par un e-mail. On n’a pas fait grand chose, ils ont pratiquement tout organisé. On était avec eux 24 heures/24 sur place, on a pu pas mal visiter, on a eu vraiment de la chance.
Est-ce que le public japonais perçoit votre musique de la même manière qu’ailleurs ? Quelles sont les différences perceptibles entre le public là-bas ou le public européen ou nord-américain ?
Victor : Le public est très calme, très respectueux, très attentif. Les concerts commencent très tôt, parfois à 18h30, car le public doit retourner chez lui après le concert, parfois très loin des grands centres. Une de mes grosses surprises musicale du Japon c’était de voir le nombre de bons groupes là-bas qui sont inconnus en dehors du Japon. C’est assez incroyable. Il doit y avoir de gros préjugés du côté des européens ou des nord-américains envers la musique japonaise qui fait en sorte qu’ils sont mal distribués en dehors du Japon. Les japonais, par contre, sont très ouverts. C’est un public de fans qu’on a rencontré.
Patrick : On a sorti un split EP avec Miaou suite à cette rencontre. Ca ne sera pas vraiment distribué à grande échelle mais on peut le trouver lors des concerts. On aimerait vraiment pouvoir les inviter à notre tour au Canada.
La première fois que j’ai entendu votre musique, c’était sur une compilation européenne. Est-ce que le nouveau disque va sortir en Europe ? Prévoyez-vous de retourner dans le vieux continent pour y jouer ?
Patrick : On a été invités au Luxembourg et en Belgique, au Rhâââ lovely festival. On y a reçu un excellent accueil. C’est le concert où Below The Sea a vendu le plus de CD à vie, c’était vraiment motivant. De là, on a eu l’occasion de jouer en Angleterre. Concernant la sortie du nouveau disque, on aimerait le sortir un peu partout dans le monde mais on n’a pas encore de piste vraiment concrète.
Victor : Ayant habité Dijon pendant 9 ans, j’aimerais vraiment qu’on puisse jouer en France. On a des contacts sur Paris aussi. Mais organiser une tournée d’ici, ça demande beaucoup d’énergie et beaucoup de contacts. C’est donc un défi mais on aimerait vraiment aller jouer en France… Dès que les voitures auront arrêté de brûler. L’Internet, c’est vraiment un très bon outil pour nous car c’est un très bon moyen de nous faire connaître.
Est-ce que c’est important pour vous de pouvoir jouer vos morceaux live ? Aimeriez-vous tourner davantage ? Donner plus de concerts ?
Pascal : On aimerait jouer plus qu’avant. On a déjà été étiqueté par la presse comme un groupe de studio car on ne voulait pas écœurer notre public local. On jouait peu au Québec car on voulait qu’il y ait la surprise chaque fois, apporter de nouveaux morceaux. Mais malgré ça, on adore jouer sur scène. Victor : On n’est pas vraiment comme un groupe punk-garage qui peut jouer dans toutes les salles, chaque semaine. C’est pour ça aussi qu’on aimerait jouer un maximum à l’étranger.
Si vous deviez conseiller quelques artistes québécois aux lecteurs européens de XSilence, lesquels vous viendraient à l’esprit ?
Victor : Jérôme Minière. C’est un français mais il habite au Québec.
Pascal : Je conseillerais Ghislain Poirier, dans le hip-hop. Un gars de Montréal, intègre et vraiment excellent. Ainsi que nos amis de Destroyalldreamers et leurs side-projects : IXE-13 et This Quiet Army.
Merci beaucoup à Patrick, Pascal et Victor ainsi qu’à Jeff de Where Are My Records ( http://www.wherearemyrecords.com/ ). Merci aussi à Thibaut pour son aide.
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