Hildegard Westerkamp
Transformations |
Label :
Empreintes DIGITALes |
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Qui parmi vous n'a jamais tendu l'oreille en plein été pour écouter attentivement le chant des criquets et grillons ? Qui ne s'est jamais laissé imprégner des dialogues printaniers des oiseaux en liesse ? Mais pour l'oreille urbaine, la plupart des sons de Mère Nature ne sont bien trop souvent que des fantasmes. Attirer l'attention vers l'anodin, rendre audible ce que ne voit pas l'œil humain grâce au micro, cet œil avide de tout voir, conter une brève histoire du dialogue entre le monde de la ville et celui, ancestral, de la nature, c'est précisément le propos de l'audio-naturaliste, l'acousticienne écologiste Hildegard Westerkamp lorsqu'elle rentre en studio pour agencer les sons en pagaille qu'elle a capté dans ses voyages à travers champs et métros, et en faire des compositions musicales fascinantes.
Transformations regroupe 5 de ses travaux réalisés entre 1979 et 1992, et laissent voir un très large panel des aptitudes de la compositrice/professeur/animatrice de radio. Dans la musique de Westerkamp, la composition s'appuie avant tout sur du Field Recording, c'est à dire sur l'utilisation, l'agencement et parfois la modification de sources sonores captées à même le terrain. Chaque fragrance est une note ; un son de criquet, un corbeau qui croasse, une rivière qui s'écoule, un taxi qui klaxonne... chaque son est une couleur dans la large palette de mademoiselle Hildegard. Et pour le dire simplement, ce disque est le plus satisfaisant que j'ai pu écouter dans les genres très vastes de la musique concrète et du Field Recording.
Une fois n'est pas coutume, cette fois je ne partirai pas dans de grandes envolées métaphoriques pour tenter de peindre l'intégralité de l'univers que m'évoque la narration de Transformations. Ce n'est pourtant pas l'envie qui me manque, et ma frustration est grande, mais les images sont si saisissantes qu'à mon avis je risquerais d'orienter votre propre expérience, chers lecteurs, et ce serait franchement dommage. Je me contenterai de parcourir le plus brièvement possible les raisons qui me poussent à adorer cette compilation :
- Elle est accessible. Rien d'obtus ici, rien d'autre que des paysages évocateurs et dynamiques, en constante évolution. Si l'écoute requiert une grande concentration pour s'imprégner un maximum de la profondeur de champ proposée, il n'est nul besoin d'intellectualiser quoi que ce soit pour y mettre un sens..
- Elle est mélodique (par moments), pour rompre définitivement avec l'idée que le field recording est une discipline austère et abstraite. (cf particulièrement "Fantaisie for Horns II" et ses cuivres de provenances très diverses – d'instruments orchestraux aux cornes de brumes ou même des PWOOOH de bateaux sur le départ).
- Elle est pédagogique. Mais dans le meilleur sens du terme ; sur "Kits Beach Soundwalk" la narration instructive de mademoiselle Westerkamp invite à un voyage unique imprégné d'un authentique enthousiasme de partage et transmission. Un spoken-word bienveillant et volontiers taquin.
- Elle est narrative. La narration quasi cinématographique de Westerkamp est à mon sens son plus grand talent. Certes en termes de recherche sonore pure, Hildegard n'est pas une aventurière de l'extrême qui peut se mesurer aux grands maîtres de la musique concrète (quoique "Beneath the Forest Floor" contienne des basses d'une amplitude folle, comme si le cœur des arbres eux-mêmes vibrait et craquait de l'intérieur). En revanche ce qu'elle fait bien mieux que la plupart des enregistrements du genre qui ont pu croiser ma route jusqu'à présent, c'est raconter une histoire. Insuffler de l'émotion, des nuances fines dans l'agencement des captations sonores, une temporalité au sein d'un voyage qui a un début, et une fin. Le niveau de précision et de méticulosité de pistes comme "Beneath The Forest Floor" ou "Crickets Voice" entre autres me laisse encore sans voix après une vingtaine d'écoutes. Il faut se rappeler que ces compositions s'étendent de la fin des années 70 au début des années 90, avec des moyens limités.
Je terminerai peut-être simplement en vous suggérant quelques conseils d'écoute, décrire rapidement la façon dont je m'y prends afin de mettre en place les meilleures conditions possibles. Je conseille d'être dans le plus grand calme possible et les yeux fermés (typiquement j'écoute ça au moment du coucher ou pour entamer une sieste) ; Transformations est certes un disque d'ambiance mais je ne le considère pas vraiment comme de l'ambient. Sur chacune des compositions, il y a constamment quelque chose qui est en train de se passer au premier comme au second plan, quelque chose à écouter attentivement. Il s'agit de se mettre en condition pour laisser venir les images et laisser à la cinématographie de la musique le loisir de s'imprimer sur l'écran vierge de vos paupières closes.
Il y a aussi le fait que Transformations n'est pas un album à proprement parler, mais une compilation chronologique de travaux qui s'étendent sur plus d'une décennie. À titre personnel je trouve une véritable cohérence à l'ensemble (le thème du nouage urbain/naturel par exemple revient à chaque fois) et j'aime généralement tout écouter en une seule fois ; mais pour autant rien ne s'oppose à une écoute morcelée de chaque pièce individuellement étant donné qu'elles ne sont pas censées être explicitement liées les unes aux autres.
Je ne prétends à rien d'autre qu'à donner la façon dont je m'y suis pris instinctivement ; de meilleures méthodes plus adaptées doivent sans doute exister, à vous de tester et moduler pour rendre l'expérience la plus riche possible. À bon entendeur, bon vent !
Transformations regroupe 5 de ses travaux réalisés entre 1979 et 1992, et laissent voir un très large panel des aptitudes de la compositrice/professeur/animatrice de radio. Dans la musique de Westerkamp, la composition s'appuie avant tout sur du Field Recording, c'est à dire sur l'utilisation, l'agencement et parfois la modification de sources sonores captées à même le terrain. Chaque fragrance est une note ; un son de criquet, un corbeau qui croasse, une rivière qui s'écoule, un taxi qui klaxonne... chaque son est une couleur dans la large palette de mademoiselle Hildegard. Et pour le dire simplement, ce disque est le plus satisfaisant que j'ai pu écouter dans les genres très vastes de la musique concrète et du Field Recording.
Une fois n'est pas coutume, cette fois je ne partirai pas dans de grandes envolées métaphoriques pour tenter de peindre l'intégralité de l'univers que m'évoque la narration de Transformations. Ce n'est pourtant pas l'envie qui me manque, et ma frustration est grande, mais les images sont si saisissantes qu'à mon avis je risquerais d'orienter votre propre expérience, chers lecteurs, et ce serait franchement dommage. Je me contenterai de parcourir le plus brièvement possible les raisons qui me poussent à adorer cette compilation :
- Elle est accessible. Rien d'obtus ici, rien d'autre que des paysages évocateurs et dynamiques, en constante évolution. Si l'écoute requiert une grande concentration pour s'imprégner un maximum de la profondeur de champ proposée, il n'est nul besoin d'intellectualiser quoi que ce soit pour y mettre un sens..
- Elle est mélodique (par moments), pour rompre définitivement avec l'idée que le field recording est une discipline austère et abstraite. (cf particulièrement "Fantaisie for Horns II" et ses cuivres de provenances très diverses – d'instruments orchestraux aux cornes de brumes ou même des PWOOOH de bateaux sur le départ).
- Elle est pédagogique. Mais dans le meilleur sens du terme ; sur "Kits Beach Soundwalk" la narration instructive de mademoiselle Westerkamp invite à un voyage unique imprégné d'un authentique enthousiasme de partage et transmission. Un spoken-word bienveillant et volontiers taquin.
- Elle est narrative. La narration quasi cinématographique de Westerkamp est à mon sens son plus grand talent. Certes en termes de recherche sonore pure, Hildegard n'est pas une aventurière de l'extrême qui peut se mesurer aux grands maîtres de la musique concrète (quoique "Beneath the Forest Floor" contienne des basses d'une amplitude folle, comme si le cœur des arbres eux-mêmes vibrait et craquait de l'intérieur). En revanche ce qu'elle fait bien mieux que la plupart des enregistrements du genre qui ont pu croiser ma route jusqu'à présent, c'est raconter une histoire. Insuffler de l'émotion, des nuances fines dans l'agencement des captations sonores, une temporalité au sein d'un voyage qui a un début, et une fin. Le niveau de précision et de méticulosité de pistes comme "Beneath The Forest Floor" ou "Crickets Voice" entre autres me laisse encore sans voix après une vingtaine d'écoutes. Il faut se rappeler que ces compositions s'étendent de la fin des années 70 au début des années 90, avec des moyens limités.
Je terminerai peut-être simplement en vous suggérant quelques conseils d'écoute, décrire rapidement la façon dont je m'y prends afin de mettre en place les meilleures conditions possibles. Je conseille d'être dans le plus grand calme possible et les yeux fermés (typiquement j'écoute ça au moment du coucher ou pour entamer une sieste) ; Transformations est certes un disque d'ambiance mais je ne le considère pas vraiment comme de l'ambient. Sur chacune des compositions, il y a constamment quelque chose qui est en train de se passer au premier comme au second plan, quelque chose à écouter attentivement. Il s'agit de se mettre en condition pour laisser venir les images et laisser à la cinématographie de la musique le loisir de s'imprimer sur l'écran vierge de vos paupières closes.
Il y a aussi le fait que Transformations n'est pas un album à proprement parler, mais une compilation chronologique de travaux qui s'étendent sur plus d'une décennie. À titre personnel je trouve une véritable cohérence à l'ensemble (le thème du nouage urbain/naturel par exemple revient à chaque fois) et j'aime généralement tout écouter en une seule fois ; mais pour autant rien ne s'oppose à une écoute morcelée de chaque pièce individuellement étant donné qu'elles ne sont pas censées être explicitement liées les unes aux autres.
Je ne prétends à rien d'autre qu'à donner la façon dont je m'y suis pris instinctivement ; de meilleures méthodes plus adaptées doivent sans doute exister, à vous de tester et moduler pour rendre l'expérience la plus riche possible. À bon entendeur, bon vent !
Exceptionnel ! ! 19/20 | par X_Wazoo |
PS : Pour ceux chez qui l'expérience aura été probante, n'hésitez pas à vous procurer son disque Into India qui en trois mouvements peint une vision très personnelle et luxuriante de l'Inde. Enregistrées dans les années 2000, ces compositions offrent un niveau de détail et de maîtrise encore supérieur. Ses travaux plus anciens valent le détour également, mais sont de qualité inégale (en plus d'être très ardus à trouver...)
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