Lone Wolf
Lodge |
Label :
SNWF |
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Une trompette à sourdine émerge du silence et s'en va dissoner doucement. Immédiatement mes vieux réflexes d'amateur de Talk Talk prennent le dessus ; me serais-je trompé, aurais-je lancé Spirit of Eden en lieu et place de ce mystérieux album à la pochette apaisante ? Il me semble bien que non. Mais une voix chaude et pleine envahit alors l'espace. Mazette, ça doit être le dernier Shearwater ! Pourtant un coup d'œil à mon iPod me confirme bien qu'il s'agit de Lodge par un certain Lone Wolf. Un bonhomme du genre crâne rasé et barbe fournie, le regard intensément fixé vers un horizon qui nous est étranger et dont il tâchera de se faire le porte-parole. Et son horizon à lui, Dieu merci, est humble, discret et classieux, nimbé d'un minimalisme délivré tout en retenue.
C'est que Paul Marshall est de la race de ceux, trop rares, capables de redonner ses lettres de noblesse à l'art difficile du piano-voix. C'est avant-tout un choix courageux de la part d'un gars dont le talent de songwriting allié à un organe vocal doté d'un si doux falsetto lui aurait sans nul doute permis de percer dans l'industrie musicale pour peu qu'il eut proposé une musique dans des tons plus soul, plus luxuriante. La comparaison n'est pas gratuite : la plupart des morceaux de Lodge s'avèrent ressembler à des chansons pop camouflées, avec leurs mélodies enivrantes, leurs chœurs étudiés et leur refrain scandés. "Alligator", "Crimes", "Give Up", "Art of Letting Go", etc, autant de complaintes pudiques composées comme des tubes soul mais arrangées de manière à laisser planer l'illusion qu'on écoute là une outtake de Mark Hollis. Comme si tout était fait pour ne caresser dans le sens du poil que l'auditeur armé de patience. Mais pas le genre de patience obstinée qui est exigée de celui qui veut pénétrer dans un territoire sonore hermétique ; plutôt une patience mâtinée de confiance, qui semble dire "laisse venir les choses, laisse toi charmer par la beauté simple du silence logé entre deux échos de piano". Si chacune des pistes à sa manière rend hommage à ce principe, la plus frappante dans son humilité serait probablement la conclusion "Pripyat", qui donne à l'auditeur l'impression d'avoir les oreilles collées sur le piano de Marshall aussi bien que sur son cou alors qu'il porte à bout de gorge sa plainte élégiaque. Dans le même ordre d'idée, sur tout le disque les micros semblent avoir été placés non sur les instruments mais plutôt sur les musiciens eux-mêmes, à même leur peau. Le son de leur respiration semble faire partie de la partition autant que les notes de trompette, le bruit de pression des doigts sur les touches serait aussi important que le piano lui-même tandis que l'écho du pied appuyant sur la pédale serait une percussion au même titre que les élégantes partie de batterie.
Ce n'est peut-être pas pour rien que le dernier disque de Paul Marshall est aussi apaisé. Il faut dire que c'est vraiment son dernier disque ; le chanteur l'a annoncé, Lodge et la tournée qui suivra marqueront la fin de Lone Wolf. Il s'agit donc bien d'un chant du cygne, que Paul a voulu sobre, austère, apaisé – de la part d'un grand angoissé, ça n'est pas anodin. Dès lors, la porte entrouverte de la pochette semble devoir se fermer plutôt que s'ouvrir, on n'en chérit que d'avantage le bref aperçu qu'on a pu avoir des verts pâturages en arrière-plan. Quand je pense qu'un mec médiocre comme Woodkid cartonne dans un style vaguement approchant alors qu'un Lone Wolf à côté doit tirer sa révérence dans l'ombre, discrètement, comme pour ne déranger personne, ça me fout méchamment les boules. Heureusement pour redevenir zen il suffit de se repasser encore Lodge... malin le Paulo.
C'est que Paul Marshall est de la race de ceux, trop rares, capables de redonner ses lettres de noblesse à l'art difficile du piano-voix. C'est avant-tout un choix courageux de la part d'un gars dont le talent de songwriting allié à un organe vocal doté d'un si doux falsetto lui aurait sans nul doute permis de percer dans l'industrie musicale pour peu qu'il eut proposé une musique dans des tons plus soul, plus luxuriante. La comparaison n'est pas gratuite : la plupart des morceaux de Lodge s'avèrent ressembler à des chansons pop camouflées, avec leurs mélodies enivrantes, leurs chœurs étudiés et leur refrain scandés. "Alligator", "Crimes", "Give Up", "Art of Letting Go", etc, autant de complaintes pudiques composées comme des tubes soul mais arrangées de manière à laisser planer l'illusion qu'on écoute là une outtake de Mark Hollis. Comme si tout était fait pour ne caresser dans le sens du poil que l'auditeur armé de patience. Mais pas le genre de patience obstinée qui est exigée de celui qui veut pénétrer dans un territoire sonore hermétique ; plutôt une patience mâtinée de confiance, qui semble dire "laisse venir les choses, laisse toi charmer par la beauté simple du silence logé entre deux échos de piano". Si chacune des pistes à sa manière rend hommage à ce principe, la plus frappante dans son humilité serait probablement la conclusion "Pripyat", qui donne à l'auditeur l'impression d'avoir les oreilles collées sur le piano de Marshall aussi bien que sur son cou alors qu'il porte à bout de gorge sa plainte élégiaque. Dans le même ordre d'idée, sur tout le disque les micros semblent avoir été placés non sur les instruments mais plutôt sur les musiciens eux-mêmes, à même leur peau. Le son de leur respiration semble faire partie de la partition autant que les notes de trompette, le bruit de pression des doigts sur les touches serait aussi important que le piano lui-même tandis que l'écho du pied appuyant sur la pédale serait une percussion au même titre que les élégantes partie de batterie.
Ce n'est peut-être pas pour rien que le dernier disque de Paul Marshall est aussi apaisé. Il faut dire que c'est vraiment son dernier disque ; le chanteur l'a annoncé, Lodge et la tournée qui suivra marqueront la fin de Lone Wolf. Il s'agit donc bien d'un chant du cygne, que Paul a voulu sobre, austère, apaisé – de la part d'un grand angoissé, ça n'est pas anodin. Dès lors, la porte entrouverte de la pochette semble devoir se fermer plutôt que s'ouvrir, on n'en chérit que d'avantage le bref aperçu qu'on a pu avoir des verts pâturages en arrière-plan. Quand je pense qu'un mec médiocre comme Woodkid cartonne dans un style vaguement approchant alors qu'un Lone Wolf à côté doit tirer sa révérence dans l'ombre, discrètement, comme pour ne déranger personne, ça me fout méchamment les boules. Heureusement pour redevenir zen il suffit de se repasser encore Lodge... malin le Paulo.
Parfait 17/20 | par X_Wazoo |
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