Holger Czukay
Movies |
Label :
Electrola |
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Une gratte funk lourdaude s'annonce... Un cor rond comme une pelle lui emboite le pas... Bam tchakaboum : "let's get hot !". Euh quoi ? Une voix suave vient de me susurrer "soyons chauds" à l'oreille avec un accent allemand et une intonation trainante digne d'un film porno ou bien je rêve ? Et c'est quoi ce synthé ridicule ? Le chanteur c'est qui, il a bu ? Il se rend compte qu'il fait n'importe quoi ou bien ? Mais virez-moi ce joueur de cor... Quoi c'est le chanteur aussi ? Retirez-lui aussi ce p*tain de sampler bordel... De l'hélium maintenant ? Pourquoi pas après tout. Tant qu'à faire, dites aux commissures de mes lèvres d'arrêter de s'étirer, et à mes zygomatiques de rester calme... Je sais pas, c'est plus fort que moi je peux pas m'empêcher de me marrer en écoutant ce truc là, "Cool In The Pool" de Holger Czukay. En plus ça groove du tonnerre derrière, mine de rien. Alors vous pensez-bien ; dès que s'est présenté l'occasion de m'occuper de la playlist en compagnie d'XSilencieux krautophiles (non c'est pas le nom d'une mouche), j'ai pas pu me retenir. Résultat ; hilarité générale, décuplée par la connaissance préalable du mec à l'origine de cet OMNI.
Oui parce que ça ne va pas forcément de soi au regard de la carrière de CAN jusque là. Le groupe n'était certes pas dénué d'humour ; l'absurde était son dada, passez moi l'expression, mais jamais on n'aurait imaginé une percée burlesque de l'ampleur de ce "Cool In The Pool" (prononcer "Coule In Zé Poule") de la part du bassiste. Vu de loin, avec ses lunettes fumées, son cuir et sa moustache de motard, l'ami Holger fait plus facilement penser au gros Lemmy qu'à Bozo le clown. C'est un peu comme si, après plus de 10 ans de travail sérieux en tant que bassiste et rafistoleur de pistes chez CAN, sans parler de ses études sous la tutelle de Stockhausen himself, mister Czukay avait l'occasion de péter un câble et de partir dans tous les sens une bonne fois. Pour une porte d'entrée, c'est une sacrée attraction.
Pour autant, Movies est bien plus large que ça. Si tout le disque est traversé d'humour, ce n'est pas au détriment de la richesse musicale. Holger Czukay, en bon défricheur, donne l'impression de ne rien vouloir laisser de côté. La sampling est omniprésent – il fait partie des précurseurs en la matière ; dialogues de films, chants arabes, mêlés à un groove excentrique sous la forme d'un funk un peu ivre qui chancèle, toujours sur le fil. Une maladresse astucieuse. Un peu comme un cousin bourré du My Life In The Bush Of Ghosts d'Eno & Byrne. Mais qui aurait deux ans d'avance. De là à dire que ce MLITBOG n'apparait plus si novateur au regard de Movies il n'y a qu'un pas que, par prudence, je me garderai bien de franchir. Surtout que ce n'est pas vraiment comparable. Le sampling est beaucoup plus essentiel au sein des travaux de Byrne et Eno ; il est beaucoup plus périphérique chez Czukay. Au contraire, chez ce dernier c'est le tissage instrumental fait main qui prévaut. Et si ce dernier est d'excellente qualité, ce n'est pas étranger aux merveilles qu'accomplit une fois encore ce monstre sacré de Jaki Liebezeit, invité à jouer des coudes avec son ancien collègue – qui aurait eu tort de s'en priver. Le batteur n'est d'ailleurs pas le seul à prêter main forte au bassiste reconverti ; ses vieux compères Michael Karoli et Irmin Schmidt – respectivement à la guitare et au piano – s'invitent pour une pyjama partie sur ce qui est sans doute la pièce maitresse du disque : "Oh Lord, Give Us More Money". Partant dans tous les sens, tour à tour burlesque (Holger se fait décidément plaisir au chant halluciné) et authentiquement menaçant, ce morceau fait penser à une de ces jams minutieusement construites dont nulle autre que CAN avait le secret. Le reste du disque est à l'avenant et explore de vastes territoires, avec pour seule constance cet étrange groove démoniaque...
Movies est un objet unique dans l'histoire de la musique. Non seulement en ce qu'il donne une vision explosée de l'esprit touche-à-tout d'un Holger Czukay tentant l'aventure en dehors de l'envahissante machine CAN, mais surtout en demeurant une spectaculaire articulation entre l'humour décomplexé et l'expérimentation rigoureuse... On n'a pas fini de se marrer au rythme de "Cool In The Pool", mais on n'a pas non plus fini de frissonner au son des étouffants synthés de " Hollywood Symphony ". Une sorte d'équivalent musical d'un Terry Gilliam période Brazil... ça donne envie nan ?
Oui parce que ça ne va pas forcément de soi au regard de la carrière de CAN jusque là. Le groupe n'était certes pas dénué d'humour ; l'absurde était son dada, passez moi l'expression, mais jamais on n'aurait imaginé une percée burlesque de l'ampleur de ce "Cool In The Pool" (prononcer "Coule In Zé Poule") de la part du bassiste. Vu de loin, avec ses lunettes fumées, son cuir et sa moustache de motard, l'ami Holger fait plus facilement penser au gros Lemmy qu'à Bozo le clown. C'est un peu comme si, après plus de 10 ans de travail sérieux en tant que bassiste et rafistoleur de pistes chez CAN, sans parler de ses études sous la tutelle de Stockhausen himself, mister Czukay avait l'occasion de péter un câble et de partir dans tous les sens une bonne fois. Pour une porte d'entrée, c'est une sacrée attraction.
Pour autant, Movies est bien plus large que ça. Si tout le disque est traversé d'humour, ce n'est pas au détriment de la richesse musicale. Holger Czukay, en bon défricheur, donne l'impression de ne rien vouloir laisser de côté. La sampling est omniprésent – il fait partie des précurseurs en la matière ; dialogues de films, chants arabes, mêlés à un groove excentrique sous la forme d'un funk un peu ivre qui chancèle, toujours sur le fil. Une maladresse astucieuse. Un peu comme un cousin bourré du My Life In The Bush Of Ghosts d'Eno & Byrne. Mais qui aurait deux ans d'avance. De là à dire que ce MLITBOG n'apparait plus si novateur au regard de Movies il n'y a qu'un pas que, par prudence, je me garderai bien de franchir. Surtout que ce n'est pas vraiment comparable. Le sampling est beaucoup plus essentiel au sein des travaux de Byrne et Eno ; il est beaucoup plus périphérique chez Czukay. Au contraire, chez ce dernier c'est le tissage instrumental fait main qui prévaut. Et si ce dernier est d'excellente qualité, ce n'est pas étranger aux merveilles qu'accomplit une fois encore ce monstre sacré de Jaki Liebezeit, invité à jouer des coudes avec son ancien collègue – qui aurait eu tort de s'en priver. Le batteur n'est d'ailleurs pas le seul à prêter main forte au bassiste reconverti ; ses vieux compères Michael Karoli et Irmin Schmidt – respectivement à la guitare et au piano – s'invitent pour une pyjama partie sur ce qui est sans doute la pièce maitresse du disque : "Oh Lord, Give Us More Money". Partant dans tous les sens, tour à tour burlesque (Holger se fait décidément plaisir au chant halluciné) et authentiquement menaçant, ce morceau fait penser à une de ces jams minutieusement construites dont nulle autre que CAN avait le secret. Le reste du disque est à l'avenant et explore de vastes territoires, avec pour seule constance cet étrange groove démoniaque...
Movies est un objet unique dans l'histoire de la musique. Non seulement en ce qu'il donne une vision explosée de l'esprit touche-à-tout d'un Holger Czukay tentant l'aventure en dehors de l'envahissante machine CAN, mais surtout en demeurant une spectaculaire articulation entre l'humour décomplexé et l'expérimentation rigoureuse... On n'a pas fini de se marrer au rythme de "Cool In The Pool", mais on n'a pas non plus fini de frissonner au son des étouffants synthés de " Hollywood Symphony ". Une sorte d'équivalent musical d'un Terry Gilliam période Brazil... ça donne envie nan ?
Excellent ! 18/20 | par X_Wazoo |
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