Autour De Lucie
Faux Mouvement |
Label :
Village Vert |
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Trois ans après avoir été Immobile, Autour De Lucie fait un Faux Mouvement vers des sonorités électroniques très travaillées (la grande mode en cet an 2000). Et là encore, tout comme le charme discret de la chanteuse Valérie Leulliot, la magie opère.
"Je Reviens" restera l'un des classiques des fans d'A.D.L., ouvrant acoustiquement l'album, et habillée tout en majesté par une section à cordes. Sans jamais être larmoyante, la chanson évoque le retour impossible d'un amour dont on sait qu'il a fait naufrage ("on a déjà vu la mer rendre certains corps"...). Rien qu'avec ce titre, Valérie Leulliot, Fabrice Dumont et Jean-Pierre Ensuque montrent qu'ils en ont dans le ventre et qu'ils ne sont pas qu'un groupe de "pop" française juste sympathique. Les carcans sont brisés pour la suite. Et quelle suite...
"Je Suis Un Balancier" enfonce le clou déjà bien planté sans briser l'édifice commencé : quel titre mes amis ! Pleine de textures sonores, de rythmiques bidouillées, la chanson est d'abord presque parlée par Valérie Leulliot, au bord de l'abîme. On sait que la tension va monter, et le refrain explose à coup de cloches solennelles : "qui m'aime me suive de bas en haut, de haut en bas, et je me balance, c'est comme ça...". Oh oui, nous te suivons Valérie, dans ce précipice sonore, tandis que la guitare d'Ensuque se dépose comme une plume pour nous rattraper. Un guitariste trop méconnu d'ailleurs, capable de créer autant de douce mélancolie que d'agressivité dans un même arpège ou dans un même riff. Il nous emmène ici vers une fin implacable, saturée, tandis qu'une trompette vient nous surprendre, soufflant sa folie douce. Un morceau formidablement construit pour évoquer une destruction hystérique, un chef d'œuvre. Les notes de claviers perdurent jusqu'à la fin, symbolisant ce fil qui menace de rompre à tout moment. Tout Faux Mouvement sur ce fil pourrait être fatal, mais aux oreilles il est déjà un régal.
A.D.L. continue par la suite d'expérimenter tant musicalement que textuellement avec "Sans Commentaire", plus engagé qu'il n'en à l'air et rendant compte d'une société dénuée de signification : "sans sens" aurait pu rajouter Valérie Leulliot dans sa liste. La rythmique est martiale, un peu à la "Army Of Me" de Björk, et le chant (ou plutôt la parole) de Valérie Leulliot se veut déshumanisé pour mieux illustrer son propos. Une humanité qu'elle revendique pleinement sur "Lent", un autre morceau critique, un hymne pour les outsiders neurasthéniques mais lucides ("allez partez devant" semble nous dire "allez vous jeter dans le précipice comme des moutons, nous on reste là"). Une certaine idée de la force passive... Ces "moutons" peuvent tomber car "à l'appel du vide nul ne répondra", murmure-t'elle dans "Vide". A cette analyse, on a l'impression que les morceaux semblent se compléter, dans un ensemble plus cohérent qu'il n'y paraît. "Lent" bénéficie d'un traitement délicat, avec quelques notes mélancoliques au piano qui appellent des cuivres chauds et élégants, alors que "Vide" est plus froid et détaché.
Classieuse, élégante comme dans une belle robe rouge sang, "La Chanson De L'Arbre" nous noie en profondeur. Un grand morceau dramatique et névrosé, où un piano et des cordes nous donnent un baiser, qui au lieu de nous sauver de cette noyade, nous empoisonne pour mieux sombrer. Un poison délicieux que l'on retrouve dans "La Condition Pour Aimer" et qui se goûte à pleine bouche : presque indus, et avec une basse robotique, les matières sonores tissent un univers malsain dans "l'amour" que Valérie Leulliot chante avec autant de désespoir que de légèreté. Le piano de fin renforce cette dernière impression, jouant une mélodie de comédie dramatique.
Quelques titres plus légers viennent ponctuer l'album, notamment sur "La Contradiction", un quasi tube techno pop et aérien. Mais A.D.L. conserve toujours une certaine ironie comme dans "Le Salon", évoquant l'embourgeoisement et la passage à la trentaine chez les couples : "et maintenant nous voilà, assis dans le salon, la télé nous épargne la conversation, et maintenant nous voilà, assis comme deux cons, la vie qu'on ne voulait pas, on la veut pour de bon..." Tout est dit... Tandis que "Corps Étrangers" invite au doute dans le couplet et à la transgression dans le refrain : "quoi de plus familier que deux corps étrangers". Une teinte que l'on retrouvait un peu dans le "Caramel" de Suzanne Vega avec ce même amour de douce amertume.
"Le Dernier Mot" conclut tout en sobriété l'album, comme pour nous endormir d'un beau sommeil, vers un rêve plein de contradictions...
Ce Faux Mouvement, vous l'aurez compris, est totalement maîtrisé. Il atteint des sommets tout en explorant des profondeurs. D'une grande acuité dans ses paroles, la musique y est plus complexe que sur les disques précédents, mais y est tout autant mélodique. L'autre grand album d'A.D.L. avec Immobile.
"Je Reviens" restera l'un des classiques des fans d'A.D.L., ouvrant acoustiquement l'album, et habillée tout en majesté par une section à cordes. Sans jamais être larmoyante, la chanson évoque le retour impossible d'un amour dont on sait qu'il a fait naufrage ("on a déjà vu la mer rendre certains corps"...). Rien qu'avec ce titre, Valérie Leulliot, Fabrice Dumont et Jean-Pierre Ensuque montrent qu'ils en ont dans le ventre et qu'ils ne sont pas qu'un groupe de "pop" française juste sympathique. Les carcans sont brisés pour la suite. Et quelle suite...
"Je Suis Un Balancier" enfonce le clou déjà bien planté sans briser l'édifice commencé : quel titre mes amis ! Pleine de textures sonores, de rythmiques bidouillées, la chanson est d'abord presque parlée par Valérie Leulliot, au bord de l'abîme. On sait que la tension va monter, et le refrain explose à coup de cloches solennelles : "qui m'aime me suive de bas en haut, de haut en bas, et je me balance, c'est comme ça...". Oh oui, nous te suivons Valérie, dans ce précipice sonore, tandis que la guitare d'Ensuque se dépose comme une plume pour nous rattraper. Un guitariste trop méconnu d'ailleurs, capable de créer autant de douce mélancolie que d'agressivité dans un même arpège ou dans un même riff. Il nous emmène ici vers une fin implacable, saturée, tandis qu'une trompette vient nous surprendre, soufflant sa folie douce. Un morceau formidablement construit pour évoquer une destruction hystérique, un chef d'œuvre. Les notes de claviers perdurent jusqu'à la fin, symbolisant ce fil qui menace de rompre à tout moment. Tout Faux Mouvement sur ce fil pourrait être fatal, mais aux oreilles il est déjà un régal.
A.D.L. continue par la suite d'expérimenter tant musicalement que textuellement avec "Sans Commentaire", plus engagé qu'il n'en à l'air et rendant compte d'une société dénuée de signification : "sans sens" aurait pu rajouter Valérie Leulliot dans sa liste. La rythmique est martiale, un peu à la "Army Of Me" de Björk, et le chant (ou plutôt la parole) de Valérie Leulliot se veut déshumanisé pour mieux illustrer son propos. Une humanité qu'elle revendique pleinement sur "Lent", un autre morceau critique, un hymne pour les outsiders neurasthéniques mais lucides ("allez partez devant" semble nous dire "allez vous jeter dans le précipice comme des moutons, nous on reste là"). Une certaine idée de la force passive... Ces "moutons" peuvent tomber car "à l'appel du vide nul ne répondra", murmure-t'elle dans "Vide". A cette analyse, on a l'impression que les morceaux semblent se compléter, dans un ensemble plus cohérent qu'il n'y paraît. "Lent" bénéficie d'un traitement délicat, avec quelques notes mélancoliques au piano qui appellent des cuivres chauds et élégants, alors que "Vide" est plus froid et détaché.
Classieuse, élégante comme dans une belle robe rouge sang, "La Chanson De L'Arbre" nous noie en profondeur. Un grand morceau dramatique et névrosé, où un piano et des cordes nous donnent un baiser, qui au lieu de nous sauver de cette noyade, nous empoisonne pour mieux sombrer. Un poison délicieux que l'on retrouve dans "La Condition Pour Aimer" et qui se goûte à pleine bouche : presque indus, et avec une basse robotique, les matières sonores tissent un univers malsain dans "l'amour" que Valérie Leulliot chante avec autant de désespoir que de légèreté. Le piano de fin renforce cette dernière impression, jouant une mélodie de comédie dramatique.
Quelques titres plus légers viennent ponctuer l'album, notamment sur "La Contradiction", un quasi tube techno pop et aérien. Mais A.D.L. conserve toujours une certaine ironie comme dans "Le Salon", évoquant l'embourgeoisement et la passage à la trentaine chez les couples : "et maintenant nous voilà, assis dans le salon, la télé nous épargne la conversation, et maintenant nous voilà, assis comme deux cons, la vie qu'on ne voulait pas, on la veut pour de bon..." Tout est dit... Tandis que "Corps Étrangers" invite au doute dans le couplet et à la transgression dans le refrain : "quoi de plus familier que deux corps étrangers". Une teinte que l'on retrouvait un peu dans le "Caramel" de Suzanne Vega avec ce même amour de douce amertume.
"Le Dernier Mot" conclut tout en sobriété l'album, comme pour nous endormir d'un beau sommeil, vers un rêve plein de contradictions...
Ce Faux Mouvement, vous l'aurez compris, est totalement maîtrisé. Il atteint des sommets tout en explorant des profondeurs. D'une grande acuité dans ses paroles, la musique y est plus complexe que sur les disques précédents, mais y est tout autant mélodique. L'autre grand album d'A.D.L. avec Immobile.
Excellent ! 18/20 | par Machete83 |
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