White Noise
White Noise II - Concerto For Synthesizers |
Label :
Virgin |
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White Noise, en 1968, c'était An Electric Storm In Hell, disque grandiose barré comme peu d'autres, bad-trip menaçant, délire jusqu'au-boutiste dont l'odeur de tabac froid rebuta certains et fascina les autres. Les penseurs de cette création étaient David Vorhaus, Delia Derbyshire et Brian Hodgson.
En 1974, White Noise ça n'est plus que David Vorhaus. Reprenant à lui seul la machine du groupe, Vorhaus se met en tête de continuer à produire sa musique sous ce patronyme. Face à ses synthétiseurs (comme l'indique le pompeux en-tête du disque), seuls et uniques instruments que l'on pourra entendre, l'ancien bassiste s'efforce d'enregistrer son propre concerto. Sachant cela, il serait bien utopique d'espérer trouver ici l'esprit du premier opus qui nous avait tant marqué. Et de fait, le travail solo de Vorhaus est foncièrement différent de ce qu'il a pu faire précédemment avec ses deux compères. La première piste pourtant fait déjà penser à l'infernale tempête d'éclair de 68, ne serait-ce que par ses plans mélodiques déconstruits, ses changements de ton subis et même les reprises brèves de certains thèmes musicaux développés dans le premier album. Et c'est le bordel. Mais un bordel différent. D'accord, on passe du coq à l'âne sur des parties de synthés mélancoliques partant sans prévenir sur des cascades de notes cartoonesques , certes l'identité sonore et la production de Vorhaus sont reconnaissables, mais quelque chose manque. Avec le départ de Delia et Brian, Vorhaus s'est retrouvé amputé des esprits fertiles et bidouilleurs qui ont donné naissance à toute la folie dangereuse d'Electric Storm. Les voix, en premier lieu, manquent cruellement. Les harmonies improbables de Beach Boys désabusés ont disparu et tout le chaos synthétique de Vorhaus n'y changera rien. Avec la disparition du chant, c'est l'humanité du disque qui disparaît. Et c'est bien ce côté désespérément humain qui faisait la force du premier album, qui permettait à l'auditeur de s'identifier à ces personnages tordus et dégénérés. Les percussions, elles aussi, font amèrement sentir leur absence. La tribalité enivrante de Paul Lytton n'est plus et avec lui s'en va une partie de la cohérence rythmique de White Noise.
Le désenchantement passé, on peut se concentrer sur l'objet de Vorhaus. Et malgré la comparaison duquel il souffre naturellement, le disque montre beaucoup de qualités. Car David Vorhaus, même s'il n'effraie plus, reste ahead of his time comme on dit chez lui. Visionnaire il l'est sûrement, et peut se placer aux côtés des grands manipulateurs de synthé comme Klaus Schulze ou les hommes-robots de Kraftwerk. L'instrument, ici au paroxysme de sa conceptualisation, s'occupe à lui seul de toutes les ambiances du disque. Le premier morceau, sobrement intitulé "Movement I", va partout et nulle part à la fois, collage dada de diverses mélodies échappées du cerveau de White Noise, tantôt déluré tantôt menaçant, parfois calme et souvent logorrhéique. L'univers foisonnant du morceau chute alors vers un autre lieu (le "Movement II"), celui-ci brumeux, calme, serein par moment, angoissant le reste du temps. Tellement angoissant qu'il en perd la tête. Une suite de note sans queue ni tête se met alors à gambader joyeusement (on imagine presque l'entonnoir) à un rythme déconstruit avant de se calmer à nouveau tandis que le fond de l'air redevient menaçant. Mais dès lors que le "Movement III" s'entame, le rythme est à la course poursuite ! L'air de rien, Vorhaus préfigure sans le savoir les backgrounds musicaux des jeux-vidéos avec une entrée en matière qui ne déparerait pas dans les premiers Final Fantasy. En somme, après un premier mouvement chaotique et un second mouvement presque entièrement statique, le troisième se révèle être le plus abouti et le plus cohérent avec des changements d'ambiances plus doux et moins brusques. Les différents thèmes sont plus développés et prennent d'avantage d'ampleur.
Arrivé au bout du disque, on est à la fois déçu, rassuré et enthousiaste. Déçu d'abord car on comprend que jamais plus on ne retrouvera la noirceur fascinante du premier opus, que cela ne devrait rester qu'une merveilleuse parenthèse dans l'histoire de la musique expérimentale. Rassuré ensuite car David Vorhaus sait toujours nous intriguer et nous emmener ailleurs, juste un peu plus loin d'ici, pour partager avec nous ses fantaisies bariolées. Enthousiaste enfin, car si comme moi au moment où j'écris cette chronique vous n'avez pas encore écouté White Noise III, IV et V, alors vous pouvez espérer rêver encore un peu sur les expérimentations suivante du monsieur. La suite de l'histoire se déroule en 1980, avis aux amateurs de synthés bidouillés.
En 1974, White Noise ça n'est plus que David Vorhaus. Reprenant à lui seul la machine du groupe, Vorhaus se met en tête de continuer à produire sa musique sous ce patronyme. Face à ses synthétiseurs (comme l'indique le pompeux en-tête du disque), seuls et uniques instruments que l'on pourra entendre, l'ancien bassiste s'efforce d'enregistrer son propre concerto. Sachant cela, il serait bien utopique d'espérer trouver ici l'esprit du premier opus qui nous avait tant marqué. Et de fait, le travail solo de Vorhaus est foncièrement différent de ce qu'il a pu faire précédemment avec ses deux compères. La première piste pourtant fait déjà penser à l'infernale tempête d'éclair de 68, ne serait-ce que par ses plans mélodiques déconstruits, ses changements de ton subis et même les reprises brèves de certains thèmes musicaux développés dans le premier album. Et c'est le bordel. Mais un bordel différent. D'accord, on passe du coq à l'âne sur des parties de synthés mélancoliques partant sans prévenir sur des cascades de notes cartoonesques , certes l'identité sonore et la production de Vorhaus sont reconnaissables, mais quelque chose manque. Avec le départ de Delia et Brian, Vorhaus s'est retrouvé amputé des esprits fertiles et bidouilleurs qui ont donné naissance à toute la folie dangereuse d'Electric Storm. Les voix, en premier lieu, manquent cruellement. Les harmonies improbables de Beach Boys désabusés ont disparu et tout le chaos synthétique de Vorhaus n'y changera rien. Avec la disparition du chant, c'est l'humanité du disque qui disparaît. Et c'est bien ce côté désespérément humain qui faisait la force du premier album, qui permettait à l'auditeur de s'identifier à ces personnages tordus et dégénérés. Les percussions, elles aussi, font amèrement sentir leur absence. La tribalité enivrante de Paul Lytton n'est plus et avec lui s'en va une partie de la cohérence rythmique de White Noise.
Le désenchantement passé, on peut se concentrer sur l'objet de Vorhaus. Et malgré la comparaison duquel il souffre naturellement, le disque montre beaucoup de qualités. Car David Vorhaus, même s'il n'effraie plus, reste ahead of his time comme on dit chez lui. Visionnaire il l'est sûrement, et peut se placer aux côtés des grands manipulateurs de synthé comme Klaus Schulze ou les hommes-robots de Kraftwerk. L'instrument, ici au paroxysme de sa conceptualisation, s'occupe à lui seul de toutes les ambiances du disque. Le premier morceau, sobrement intitulé "Movement I", va partout et nulle part à la fois, collage dada de diverses mélodies échappées du cerveau de White Noise, tantôt déluré tantôt menaçant, parfois calme et souvent logorrhéique. L'univers foisonnant du morceau chute alors vers un autre lieu (le "Movement II"), celui-ci brumeux, calme, serein par moment, angoissant le reste du temps. Tellement angoissant qu'il en perd la tête. Une suite de note sans queue ni tête se met alors à gambader joyeusement (on imagine presque l'entonnoir) à un rythme déconstruit avant de se calmer à nouveau tandis que le fond de l'air redevient menaçant. Mais dès lors que le "Movement III" s'entame, le rythme est à la course poursuite ! L'air de rien, Vorhaus préfigure sans le savoir les backgrounds musicaux des jeux-vidéos avec une entrée en matière qui ne déparerait pas dans les premiers Final Fantasy. En somme, après un premier mouvement chaotique et un second mouvement presque entièrement statique, le troisième se révèle être le plus abouti et le plus cohérent avec des changements d'ambiances plus doux et moins brusques. Les différents thèmes sont plus développés et prennent d'avantage d'ampleur.
Arrivé au bout du disque, on est à la fois déçu, rassuré et enthousiaste. Déçu d'abord car on comprend que jamais plus on ne retrouvera la noirceur fascinante du premier opus, que cela ne devrait rester qu'une merveilleuse parenthèse dans l'histoire de la musique expérimentale. Rassuré ensuite car David Vorhaus sait toujours nous intriguer et nous emmener ailleurs, juste un peu plus loin d'ici, pour partager avec nous ses fantaisies bariolées. Enthousiaste enfin, car si comme moi au moment où j'écris cette chronique vous n'avez pas encore écouté White Noise III, IV et V, alors vous pouvez espérer rêver encore un peu sur les expérimentations suivante du monsieur. La suite de l'histoire se déroule en 1980, avis aux amateurs de synthés bidouillés.
Très bon 16/20 | par X_Wazoo |
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