Nits
Strawbery Wood |
Label :
Sony |
||||
20ème album du groupe culte batave, Strawberry Wood ne reprend pas exactement les choses là ou son prédécesseur Doing The Dishes (2008) avait laissé l'un des chantiers les plus bordéliques de leur trajectoire. Les virtuoses de la précision, de l'arrangement pointu s'étaient offert un disque semi-improvisé, foutraque, presque migraineux, lorgnant pour la première fois vers les rives d'un folk rock américain ( la bizarerie ultime du groupe européen par excellence) pas toujours raffiné. Pourtant les 3 ou 4 perles inspirées qui émergeaient de ce grand bac à vaisselle devaient compter parmi les sommets de leur artisanat désormais inclassable. "No Man's Land", "The Flowers" ou "Cowboys And Indians" pourront d'ailleurs figurer sans difficulté aux côtés de l'argenterie inusable qui figure habituellement sur leurs (rares) compilations. Pas étonnant d'ailleurs de voir que ces petites merveilles directement issues des Dutch Mountains tranchaient nettement avec la tonalité du reste de l'album (qui a, curieusement, fait leur meilleur score dans les Charts Hollandais depuis Urk en 89!) . Peut-être parce que le single, la sublime "The Flowers" évoquait de manière directe un sujet d'actualité: la mort de jeunes soldats Hollandais en Afghanistan.
Il n'y a peut être pas de chanson aussi marquante prise pour elle-même sur Strawberry Wood. Mais là ou la production et la mise en son semblaient parfois lourdes, confuses, sans parti-pris esthétique abouti, le contre pied (comme souvent chez les Nits ) est spectaculaire.
Strawberry Wood est un disque tout en retenue, au charme fuyant de prime abord, dont la somme est supérieure aux parties. Une fois de plus, comme auparavant sur Alankomaat, Wool ou Les Nuits, ce disque propose un climat d'ensemble très cohérent. La sobriété est de mise, l'inspiration linéaire.
Les textes sont mélancoliques et vivifiants à la fois, allant puiser dans l'imagination fertile et l'humour intact de Henk Hofstede pour construire une série de vignettes invitant à une déambulation nécessitant de s'approprier des temporalités, des pulsations pas franchement de notre temps (donc peut-être subversives?). Le temps impose justement sa thématique, celui qui s'égraine ("The Hours", une light song de toute beauté) ou celui marquant les étapes et les séparations ( "Departure", comptine ambitieuse évoquant le départ d'une jeune fille (la sienne) du giron familial). Strawberry Wood est un petit pas de côté hors de l'agitation, il impose une ralentissement presque moléculaire à l'auditeur. Il ne fera aucun effort de séduction pour accrocher le néophyte ou le téléchargeur compulsif.
On y retrouve le savoir-faire du trio, cette capacité unique à jouer une musique aussi légère que l'air tout en étant parfaitement ciselée et détaillée.
Une autre chanson nous propose d'assister à une rencontre qui n'a jamais eu lieu dans la vraie vie, celle de Nick Drake et John lennon ("Nick In The House Of John"). Dans l'ouverture "Hawelka" (nom du fameux bistrot viennois), on croise Hitler et Churchill. "La Petite Robe Noire" exercice de style fanfaron chanté en français évoque le fondamentalisme sans se laisser impressionner ni imposer un ton scabreux faussement concerné à la Pujadas.
"Distance" est une chanson assez conventionnelle des Nits (un peu à la "Three Sisters"), mais elle déroule impeccablement sa mélodie douce amère soutenue par une guitare acoustique classieuse.
Sur cet album, le clavier fou Robert Jan Stips insinue discrètement ses effets au coeur des chansons, les recentrant plutôt que les tourneboulant. Le fameux batteur Rob Kloet ressort son toucher subtil de plasticien des fûts.
La magnifique "Tannenbaum" (encore une mélodie évidente bâtie sur 3 accords que l'on croyait archi usés!) renvoie les Tindersticks à leurs chères études et la valseuse "Jisp", ma préférée (respectivement 9 et 10), constituent certainement le 2ème sommet de l'album, jouant sur des contrastes et une inventivité mélodique pleinement retrouvés.
L'un des points forts de l'album demeure la voix de Henk Hofstede, qui retrouve son timbre ambré et gracieux, devenu un poil nasillard sur l'album précédent.
Strawberry Wood est disque soniquement haut de gamme qui déploie des demi-teintes de luxe et s'absente régulièrement des sentiers balisés de la chanson pop type. Il ne surpasse pas le chef d'oeuvre inespéré de 2005, Les Nuits, mais son atmosphère très spéciale, qui confère au doux rêve éveillé, risque de nous intriguer longtemps.
Il n'y a peut être pas de chanson aussi marquante prise pour elle-même sur Strawberry Wood. Mais là ou la production et la mise en son semblaient parfois lourdes, confuses, sans parti-pris esthétique abouti, le contre pied (comme souvent chez les Nits ) est spectaculaire.
Strawberry Wood est un disque tout en retenue, au charme fuyant de prime abord, dont la somme est supérieure aux parties. Une fois de plus, comme auparavant sur Alankomaat, Wool ou Les Nuits, ce disque propose un climat d'ensemble très cohérent. La sobriété est de mise, l'inspiration linéaire.
Les textes sont mélancoliques et vivifiants à la fois, allant puiser dans l'imagination fertile et l'humour intact de Henk Hofstede pour construire une série de vignettes invitant à une déambulation nécessitant de s'approprier des temporalités, des pulsations pas franchement de notre temps (donc peut-être subversives?). Le temps impose justement sa thématique, celui qui s'égraine ("The Hours", une light song de toute beauté) ou celui marquant les étapes et les séparations ( "Departure", comptine ambitieuse évoquant le départ d'une jeune fille (la sienne) du giron familial). Strawberry Wood est un petit pas de côté hors de l'agitation, il impose une ralentissement presque moléculaire à l'auditeur. Il ne fera aucun effort de séduction pour accrocher le néophyte ou le téléchargeur compulsif.
On y retrouve le savoir-faire du trio, cette capacité unique à jouer une musique aussi légère que l'air tout en étant parfaitement ciselée et détaillée.
Une autre chanson nous propose d'assister à une rencontre qui n'a jamais eu lieu dans la vraie vie, celle de Nick Drake et John lennon ("Nick In The House Of John"). Dans l'ouverture "Hawelka" (nom du fameux bistrot viennois), on croise Hitler et Churchill. "La Petite Robe Noire" exercice de style fanfaron chanté en français évoque le fondamentalisme sans se laisser impressionner ni imposer un ton scabreux faussement concerné à la Pujadas.
"Distance" est une chanson assez conventionnelle des Nits (un peu à la "Three Sisters"), mais elle déroule impeccablement sa mélodie douce amère soutenue par une guitare acoustique classieuse.
Sur cet album, le clavier fou Robert Jan Stips insinue discrètement ses effets au coeur des chansons, les recentrant plutôt que les tourneboulant. Le fameux batteur Rob Kloet ressort son toucher subtil de plasticien des fûts.
La magnifique "Tannenbaum" (encore une mélodie évidente bâtie sur 3 accords que l'on croyait archi usés!) renvoie les Tindersticks à leurs chères études et la valseuse "Jisp", ma préférée (respectivement 9 et 10), constituent certainement le 2ème sommet de l'album, jouant sur des contrastes et une inventivité mélodique pleinement retrouvés.
L'un des points forts de l'album demeure la voix de Henk Hofstede, qui retrouve son timbre ambré et gracieux, devenu un poil nasillard sur l'album précédent.
Strawberry Wood est disque soniquement haut de gamme qui déploie des demi-teintes de luxe et s'absente régulièrement des sentiers balisés de la chanson pop type. Il ne surpasse pas le chef d'oeuvre inespéré de 2005, Les Nuits, mais son atmosphère très spéciale, qui confère au doux rêve éveillé, risque de nous intriguer longtemps.
Très bon 16/20 | par Bagolut |
En ligne
530 invités et 0 membre
Au hasard Balthazar
Sondages