Black Dice
Broken Ear Records |
Label :
DFA |
||||
Je reluquais un arrière train stringé, perlés des initiales du groupe, et surmonté d'un minois tout à fait effarant, sorte de masque péruvien et digital de couleurs criardes (j'avais comme des relents d'acide).
La galette tournant, une cacophonie de tous les diables ne tarda pas à éclater et mon axe, en plus du chaos visuel qui le dépolarisait, se fit la malle. Je me suis pris pour churros par des Beach Boys cannibales en manque de chocolat. Le tableau sonore est à la mesure du dada popotin.
Mais de quel jus est donc fait cette musique? me demandais-je en quête d'étiquette.
De plusieurs l'ami! C'est un cocktail de goûts a priori, pas fait pour le mariage ni pour les papilles des alités! Sa matière se compose de multiples mouvements bizarroïdes, immatures, mis en boucle par des mémés bancales, irréguliers tissages de sourds, se croisant plus ou moins aléatoirement, comme un bain de têtards, ou une valse d'aveugles. En résulte un gargouillis organique de bruits hétéroclites, un borborygme de gros beats bâtard ne sachant pas poursuivre, et des guitares toujours à côté, ne sonnant pas comme il faudrait.
Les Shaggs à l'air électronique? Peut-être.
Toujours est-il que ça laisse méchamment perplexe.
N'étant pas immunisé pour ce genre d'effets multiples à caractère pornographique pour mon oreille interne, mes nerfs s'entortillèrent et rapidement j'enlevais ce truc infernal pour l‘envoyer valser. C'était rien qu'un truc pour petit bourges débiles en manque de frissons: pas fait pour moi. Je m'intéressais à la construction, pas à l'acide qui liquéfie. Au panier donc.
Mais le popotin attendait qu'on vienne lui donner une définition, un biberon, bref, un truc qui lui fasse manger son fil dans une case quelconque (souci du mélomane "enculturé"). Son appel, un jour, fût à la hauteur de mon nez et je le ré-adoptais donc, sans trop de conviction, pensant le renvoyer à la niche après quelques secondes. Cause probable: dérapage incontrôlé et oreillons soudain.
Mais, à ma grande surprise, lors de cette deuxième écoute (un peu plus "préparée" qu'au premier crash test), mes lobs dansèrent comme des moines enivrés, et j'y pris malin plaisir. J'ai signé le contrat.
Depuis lors, je suis amoureux de ce décalage qui fait le caractère de cet art. Mon métabolisme s'y cale, à la demande, et même en redemande!
- "Heavy Manners": Ode à la Grande Gueule de Bois, aux moustiques sous la tente, au maillot de bain tiède. Magistrale reprise ramollo de Pierre Schaeffer. Superbe idiotie...
- "Smilling Off" ou "les eskimos des Residents dansent sous un soleil de plomb en buvant du Coca."
- Indescriptible "Snarly Yow", rouleau qui compresserait en une même pâte le bluesgrass, les fûtiaux péruviens, des tambours sioux, Autechre et des mouettes et quelques autres morceaux...
- "Street Dude" où comment vivre la déflagration que peut provoquer un concert des Dead Kennedy's sous ayahuasca...
- Et enfin, "Motorcycle", qui, pour le coup, redore la réplique du masque de la truite du capitaine Coeur de Viande avec grand art. Beefheart a sa relève!
Le tout baigne dans une ambiance de joyeuse kermesse à grand renfort de soda périmée.
Vous l'aurez pigé, Black Dice frappe fort. C'est une belle formation qui fait de la grande musique. Voilée avec intelligence : mélodies, textures, rythmes sont passés au crible dans un tamis de fortune, d'un exotisme barré. Et grâce à ce déphasage partout présent, imposant sa marque sur toutes choses, on atteint un oxymore musical:
Rien n'est à sa place et tout est parfait; tout fout le camp et tout est audible; les rythmes sont bringuebalants mais c'est entraînant; c'est très noisy et joyeux à la fois; ou, pour parler poétique, les hippies font over sur doses mais le soleil donne.
Bref la sauce prend on ne sait comment et c'est ce secret qui fait tout l'intérêt. Black Dice se démarque ainsi des autres petits nids plus ou moins bizarre de la scène contemporaine par cette sensibilité contrariée qui s'impose avec naturel des limites monstrueuses, et en sort radieux. La bêtise du procédé est courageuse, et le résultat en ressort terriblement intelligent, à l'image de leur collage à l'aspect incongru toujours renouvelé.
Les animaux collectifs et consort peuvent aller rempailler leurs fourrures! Un trio les troue de balles. Et nous avec.
La galette tournant, une cacophonie de tous les diables ne tarda pas à éclater et mon axe, en plus du chaos visuel qui le dépolarisait, se fit la malle. Je me suis pris pour churros par des Beach Boys cannibales en manque de chocolat. Le tableau sonore est à la mesure du dada popotin.
Mais de quel jus est donc fait cette musique? me demandais-je en quête d'étiquette.
De plusieurs l'ami! C'est un cocktail de goûts a priori, pas fait pour le mariage ni pour les papilles des alités! Sa matière se compose de multiples mouvements bizarroïdes, immatures, mis en boucle par des mémés bancales, irréguliers tissages de sourds, se croisant plus ou moins aléatoirement, comme un bain de têtards, ou une valse d'aveugles. En résulte un gargouillis organique de bruits hétéroclites, un borborygme de gros beats bâtard ne sachant pas poursuivre, et des guitares toujours à côté, ne sonnant pas comme il faudrait.
Les Shaggs à l'air électronique? Peut-être.
Toujours est-il que ça laisse méchamment perplexe.
N'étant pas immunisé pour ce genre d'effets multiples à caractère pornographique pour mon oreille interne, mes nerfs s'entortillèrent et rapidement j'enlevais ce truc infernal pour l‘envoyer valser. C'était rien qu'un truc pour petit bourges débiles en manque de frissons: pas fait pour moi. Je m'intéressais à la construction, pas à l'acide qui liquéfie. Au panier donc.
Mais le popotin attendait qu'on vienne lui donner une définition, un biberon, bref, un truc qui lui fasse manger son fil dans une case quelconque (souci du mélomane "enculturé"). Son appel, un jour, fût à la hauteur de mon nez et je le ré-adoptais donc, sans trop de conviction, pensant le renvoyer à la niche après quelques secondes. Cause probable: dérapage incontrôlé et oreillons soudain.
Mais, à ma grande surprise, lors de cette deuxième écoute (un peu plus "préparée" qu'au premier crash test), mes lobs dansèrent comme des moines enivrés, et j'y pris malin plaisir. J'ai signé le contrat.
Depuis lors, je suis amoureux de ce décalage qui fait le caractère de cet art. Mon métabolisme s'y cale, à la demande, et même en redemande!
- "Heavy Manners": Ode à la Grande Gueule de Bois, aux moustiques sous la tente, au maillot de bain tiède. Magistrale reprise ramollo de Pierre Schaeffer. Superbe idiotie...
- "Smilling Off" ou "les eskimos des Residents dansent sous un soleil de plomb en buvant du Coca."
- Indescriptible "Snarly Yow", rouleau qui compresserait en une même pâte le bluesgrass, les fûtiaux péruviens, des tambours sioux, Autechre et des mouettes et quelques autres morceaux...
- "Street Dude" où comment vivre la déflagration que peut provoquer un concert des Dead Kennedy's sous ayahuasca...
- Et enfin, "Motorcycle", qui, pour le coup, redore la réplique du masque de la truite du capitaine Coeur de Viande avec grand art. Beefheart a sa relève!
Le tout baigne dans une ambiance de joyeuse kermesse à grand renfort de soda périmée.
Vous l'aurez pigé, Black Dice frappe fort. C'est une belle formation qui fait de la grande musique. Voilée avec intelligence : mélodies, textures, rythmes sont passés au crible dans un tamis de fortune, d'un exotisme barré. Et grâce à ce déphasage partout présent, imposant sa marque sur toutes choses, on atteint un oxymore musical:
Rien n'est à sa place et tout est parfait; tout fout le camp et tout est audible; les rythmes sont bringuebalants mais c'est entraînant; c'est très noisy et joyeux à la fois; ou, pour parler poétique, les hippies font over sur doses mais le soleil donne.
Bref la sauce prend on ne sait comment et c'est ce secret qui fait tout l'intérêt. Black Dice se démarque ainsi des autres petits nids plus ou moins bizarre de la scène contemporaine par cette sensibilité contrariée qui s'impose avec naturel des limites monstrueuses, et en sort radieux. La bêtise du procédé est courageuse, et le résultat en ressort terriblement intelligent, à l'image de leur collage à l'aspect incongru toujours renouvelé.
Les animaux collectifs et consort peuvent aller rempailler leurs fourrures! Un trio les troue de balles. Et nous avec.
Excellent ! 18/20 | par Toitouvrant |
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