Battle Of Mice
A Day Of Nights |
Label :
Neurot |
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Cet album, on en jurerait, met mal à l'aise.
Longtemps après, on a encore des frissons, on a froid, et on refuse de mettre le nez dehors, sous peine de devoir ressentir à nouveau une peur inexpliquée, presque phobique, mais dont l'objet serait inconnu, ce qui rend l'angoisse plus terrible d'ailleurs. On se contente de se mettre sous sa couette, à la recherche d'un réconfort, coupé d'un monde extérieur trop dangereux, sous la lumière réconfortante du jour, évitant de penser à la nuit qui va venir, se calfeutrant en position de foetus, régressant vers une innocence qui a été profanée sous cet opus, tout en luttant contre les accès d'angoisse. C'est que le choc a été tel, qu'il marque durablement, et les stigmates sont là : larmes qui viennent sans raison, refus de voir du monde et surtout incapacité à revenir sur cet écoute, à mettre des mots sur l'horreur qu'on a vécu.
Mais le traumatisme est puissant et, par bribes, les souvenirs reviennent, pour nous plonger un peu plus dans le trouble : une voix susurrante, celle de Julie Christmas, malsaine, qu'on soupçonne d'être mal attentionnée, qui résonne encore aux oreilles, comme les mots doux prononcées entre deux caresses par une psychopathe. Et puis, il y a ces lourdes, lourdes guitares, celles de Josh Grahams, qui tombent comme des marteaux frapperaient des clous rentrant dans le bois du cercueil, dans lequel on serait enfermé, vivant bien sûr. Le choc fait mal, parce qu'il est appuyé et prend calmement son temps. Et puis il y a ces moments où le ton est beaucoup plus calme, voire atmosphérique, comme avec ce piano (sur "Wrapped In Plain"), mais on sait pertinemment que ça va revenir. Quoi exactement, difficile, à dire, mais avec ce bombardement de plomb et ce chant féminin qui s'affole, on sent que c'est un monstre, un monstre répugnant qui rampe en bavant de l'acide, rongeant l'âme comme les corps, en étrillant le cerveau avec des guitares aigues et aiguisées.
Victime psychologique de ce monument de rage et de pulsions déchaînées, on a peine à se remettre de l'écoute, comme si on avait été témoin, voire pris à parti, par la libération de tous les maux de l'être humain, dans une totale permissivité. Pas de moral, pas de tabous, ici, tout est dit. L'alliage entre le minimalisme pesant et les dissonances post-core aux secousses telluriques est difficile à suivre. Proche d'un aperçu des Enfers, les éclats, car il ne s'agit plus de montée progressive, mais d'accès subits, de violence, saisissent et marquent longtemps.
On repense à ces moments de fureurs ("At The Base Of The Giant's Throat"), durant lesquels Julie Christmas cris à tout va. Ou bien à cet univers effrayant et noir, puissant et hypnotique ("The Lamb And The Labrador") qui n'hésite pas à s'arrêter et à se ralentir, pour mieux faire durer le plaisir de la saignée et des scarifications. Julie Christmas chante divinement comme une folle furieuse, tantôt cajoleuse, espiègle, tantôt furieuse, jusqu'à en vomir. Tout le long de cet opus paradoxal, on est ballotté entre oppressions étouffantes et rigueur tumultueuse.
D'après la légende, Julie Chritmas (chanteuse de Mates Of Babies) et Josh Grahams (guitariste de Red Sparowes) se détestent cordialement. Au point qu'ils ne peuvent pas se voir dans la même pièce. Et à l'écoute de leur enfant monstrueux, remplis de leur haine, on constate les effets. Un champ de ruines bombardé, avec une violence sans égale, pour un vrai carnage, à l'instar de ce "Battle Of Mice", en référence à une guerre sanglante menée par Alexandre le Grand. C'est à croire que Josh Grahams prend un malin plaisir à maltraiter sa chanteuse, en la fouettant à coup de guitares dissonantes et tendues. Et le pire, ce qui traumatise le plus, c'est que l'on dirait qu'elle aime ça, à hurler comme une masochiste, ou à souffler dans ses cheveux avec une haleine de perverse. A tel point qu'il est impossible de se remettre d'un morceau comme "Bones In The Water", durant lequel dissonances aussi insupportables que les sirènes d'alerte se conjugue à une fougue sans pareil.
En plus, recroquevillé, et refoulant les mauvais souvenirs, on n'arrive cependant pas à empêcher le reflux de ces passages tangents, à double tranchant, comme sur "Sleep And Dream", où la petite chipie récite de sa voix candide une sorte de conte sadien, avant de se mettre à crier sans raison, détruisant d'un coup l'ambiance intime qui s'était créée. On se prend des envies de l'étrangler comme de se lancer avec elle dans des voyages expérimentaux dans l'ivresse de la perversité. Le pire dans tout ça, c'est que si on ressort de l'écoute choquée, on l'est encore plus de se douter qu'on va s'y replonger encore, attiré par ce déballage malsain de tensions et de rage mal contenue, exceptionnel de beauté. Perverti que l'on est, on se délecte à l'avance, comme on la craint, de la nouvelle rencontre avec cet univers sombre et magnifique à la fois.
Lent, très lent, se brisant parfois, tendu tout le long, parfois éthéré, souvent répétitif, histoire de bien appuyer là où ça fait mal, ce disque cristallise l'apocalypse et en fait une étreinte sensuelle. Sidéré par tant de grâces réunies sous un flot de crudité, on ne se remémore ces passages qu'avec difficulté, scandalisé par ces nuances insalubres.
Parfois le dégoût atteint des sommets d'horreur, et ce n'est qu'au prix de quelques larmes et de crises phobiques, qu'on s'arrache les souvenirs de ces cris enregistrés, terminant "At The Base Of Giant's Throat", qu'on associe au viol d'une femme en direct. Sans doute le moment le plus irrespirable et déplaisant. Des mimiques de dégoût reviennent sur le visage.
La fin de l'album est presque un supplice. "Cave Of Spleen" s'ouvre lentement, avec quelques notes lâchées avec parcimonie et cette voix proche du dérapage, avant d'étourdir par un déchirement d'écorchée vive, de plus en plus intense, et que la batterie impartiale et les riffs plombées lancent un maelström gluant à la beauté authentique.
Caché sous sa couette, suçant son pouce probablement, et niant la réalité, on sait pourtant qu'on en a pas fini, car une fois qu'on y a goûté, on ne peut plus s'en passer. Et l'on sait pertinemment qu'on ne pourra s'empêcher de remettre le disque très éprouvant et de replonger dans l'horreur. A nouveau.
Longtemps après, on a encore des frissons, on a froid, et on refuse de mettre le nez dehors, sous peine de devoir ressentir à nouveau une peur inexpliquée, presque phobique, mais dont l'objet serait inconnu, ce qui rend l'angoisse plus terrible d'ailleurs. On se contente de se mettre sous sa couette, à la recherche d'un réconfort, coupé d'un monde extérieur trop dangereux, sous la lumière réconfortante du jour, évitant de penser à la nuit qui va venir, se calfeutrant en position de foetus, régressant vers une innocence qui a été profanée sous cet opus, tout en luttant contre les accès d'angoisse. C'est que le choc a été tel, qu'il marque durablement, et les stigmates sont là : larmes qui viennent sans raison, refus de voir du monde et surtout incapacité à revenir sur cet écoute, à mettre des mots sur l'horreur qu'on a vécu.
Mais le traumatisme est puissant et, par bribes, les souvenirs reviennent, pour nous plonger un peu plus dans le trouble : une voix susurrante, celle de Julie Christmas, malsaine, qu'on soupçonne d'être mal attentionnée, qui résonne encore aux oreilles, comme les mots doux prononcées entre deux caresses par une psychopathe. Et puis, il y a ces lourdes, lourdes guitares, celles de Josh Grahams, qui tombent comme des marteaux frapperaient des clous rentrant dans le bois du cercueil, dans lequel on serait enfermé, vivant bien sûr. Le choc fait mal, parce qu'il est appuyé et prend calmement son temps. Et puis il y a ces moments où le ton est beaucoup plus calme, voire atmosphérique, comme avec ce piano (sur "Wrapped In Plain"), mais on sait pertinemment que ça va revenir. Quoi exactement, difficile, à dire, mais avec ce bombardement de plomb et ce chant féminin qui s'affole, on sent que c'est un monstre, un monstre répugnant qui rampe en bavant de l'acide, rongeant l'âme comme les corps, en étrillant le cerveau avec des guitares aigues et aiguisées.
Victime psychologique de ce monument de rage et de pulsions déchaînées, on a peine à se remettre de l'écoute, comme si on avait été témoin, voire pris à parti, par la libération de tous les maux de l'être humain, dans une totale permissivité. Pas de moral, pas de tabous, ici, tout est dit. L'alliage entre le minimalisme pesant et les dissonances post-core aux secousses telluriques est difficile à suivre. Proche d'un aperçu des Enfers, les éclats, car il ne s'agit plus de montée progressive, mais d'accès subits, de violence, saisissent et marquent longtemps.
On repense à ces moments de fureurs ("At The Base Of The Giant's Throat"), durant lesquels Julie Christmas cris à tout va. Ou bien à cet univers effrayant et noir, puissant et hypnotique ("The Lamb And The Labrador") qui n'hésite pas à s'arrêter et à se ralentir, pour mieux faire durer le plaisir de la saignée et des scarifications. Julie Christmas chante divinement comme une folle furieuse, tantôt cajoleuse, espiègle, tantôt furieuse, jusqu'à en vomir. Tout le long de cet opus paradoxal, on est ballotté entre oppressions étouffantes et rigueur tumultueuse.
D'après la légende, Julie Chritmas (chanteuse de Mates Of Babies) et Josh Grahams (guitariste de Red Sparowes) se détestent cordialement. Au point qu'ils ne peuvent pas se voir dans la même pièce. Et à l'écoute de leur enfant monstrueux, remplis de leur haine, on constate les effets. Un champ de ruines bombardé, avec une violence sans égale, pour un vrai carnage, à l'instar de ce "Battle Of Mice", en référence à une guerre sanglante menée par Alexandre le Grand. C'est à croire que Josh Grahams prend un malin plaisir à maltraiter sa chanteuse, en la fouettant à coup de guitares dissonantes et tendues. Et le pire, ce qui traumatise le plus, c'est que l'on dirait qu'elle aime ça, à hurler comme une masochiste, ou à souffler dans ses cheveux avec une haleine de perverse. A tel point qu'il est impossible de se remettre d'un morceau comme "Bones In The Water", durant lequel dissonances aussi insupportables que les sirènes d'alerte se conjugue à une fougue sans pareil.
En plus, recroquevillé, et refoulant les mauvais souvenirs, on n'arrive cependant pas à empêcher le reflux de ces passages tangents, à double tranchant, comme sur "Sleep And Dream", où la petite chipie récite de sa voix candide une sorte de conte sadien, avant de se mettre à crier sans raison, détruisant d'un coup l'ambiance intime qui s'était créée. On se prend des envies de l'étrangler comme de se lancer avec elle dans des voyages expérimentaux dans l'ivresse de la perversité. Le pire dans tout ça, c'est que si on ressort de l'écoute choquée, on l'est encore plus de se douter qu'on va s'y replonger encore, attiré par ce déballage malsain de tensions et de rage mal contenue, exceptionnel de beauté. Perverti que l'on est, on se délecte à l'avance, comme on la craint, de la nouvelle rencontre avec cet univers sombre et magnifique à la fois.
Lent, très lent, se brisant parfois, tendu tout le long, parfois éthéré, souvent répétitif, histoire de bien appuyer là où ça fait mal, ce disque cristallise l'apocalypse et en fait une étreinte sensuelle. Sidéré par tant de grâces réunies sous un flot de crudité, on ne se remémore ces passages qu'avec difficulté, scandalisé par ces nuances insalubres.
Parfois le dégoût atteint des sommets d'horreur, et ce n'est qu'au prix de quelques larmes et de crises phobiques, qu'on s'arrache les souvenirs de ces cris enregistrés, terminant "At The Base Of Giant's Throat", qu'on associe au viol d'une femme en direct. Sans doute le moment le plus irrespirable et déplaisant. Des mimiques de dégoût reviennent sur le visage.
La fin de l'album est presque un supplice. "Cave Of Spleen" s'ouvre lentement, avec quelques notes lâchées avec parcimonie et cette voix proche du dérapage, avant d'étourdir par un déchirement d'écorchée vive, de plus en plus intense, et que la batterie impartiale et les riffs plombées lancent un maelström gluant à la beauté authentique.
Caché sous sa couette, suçant son pouce probablement, et niant la réalité, on sait pourtant qu'on en a pas fini, car une fois qu'on y a goûté, on ne peut plus s'en passer. Et l'on sait pertinemment qu'on ne pourra s'empêcher de remettre le disque très éprouvant et de replonger dans l'horreur. A nouveau.
Très bon 16/20 | par Vic |
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