Jeff Martin

Exile And The Kingdom

Exile And The Kingdom

 Label :     Nevada 
 Sortie :    mardi 23 mai 2006 
 Format :  Album / CD   

Avec un titre directement inspiré de l'oeuvre d'Albert Camus (en espérant que ce soit volontaire), Jeff Martin débute une carrière solo en revendiquant sa culture et son goût de l'étranger, comme il avait déjà pu le faire avec The Tea Party auparavant. Même s'il a tendance à en faire toujours un peu trop, par prétention ou par justification au choix, cet adage revenant aux principes fondateurs de Tea Party est plutôt un gage de réussite. Je note quand même que les remerciements à Jimmy Page et Roy Harper m'ont particulièrement fait rire... bref.

Sorti de l'aventure du trio canadien pour, grosso modo, 'divergence de points de vue musicaux', Jeff Martin a voulu repartir de l'endroit où le bateau avait commencé à prendre l'eau selon lui. Certes, il ne l'affirme pas aussi clairement, mais, entre les lignes d'une interview accordée à 'Canoe.com', il semble évident que ce point de rupture s'appelle The Edges Of Twilight, dernier album véritablement identitaire avant une irrémédiable glissade dans les eaux troubles d'un rock plus brut et commercial, dans lequel l'homme ne se retrouve pas. A partir de Transmission, les ambiances orientales qui faisaient le charme du groupe canadien ont disparu au profit de grosses guitares saturées et d'une production sans failles. Apparemment, le côté 'machine à dollars' du groupe a fortement pesé sur les épaules de Jeff Martin, à tel point que, dès l'entrée dans cet Exile And The Kingdom, l'auditeur sait exactement où il se situe, c'est-à-dire dans une sorte de prolongation acoustique de The Edges Of Twilight. Jeff Martin débute donc sur des bases saines et un bon parti d'origine. Mais la question demeure, saura-t-il éviter les effets pompeux que sa musique a tendance à dégager ? Et saura-t-il donner 10 titres de qualité sans ses comparses habituels ?

Début de réponse sur la première plage, avec un magnifique "World Is Calling", accompagné de moult cordes et d'un tabla réjouissant. Sur ce titre arabo-pop-folk, la voix de Jeff Martin, toujours aussi profonde, se plaît à se rappeler aux bons souvenirs du passé. Mais si le titre se veut assez nostalgique, il n'est pas passéiste pour autant, grâce à un texte politiquement incorrect, qui stigmatise les institutions américaines et George Bush himself. Passionnant début.

Les deux pistes suivantes, pas aussi réjouissantes malheureusement, donneront un peu plus la couleur véritable de ce disque. Sur "Butterfly" et "Where Do We Go From Here", Jeff Martin retombe un peu dans ses travers : deux titres pop légèrement surjoués, suffisamment en tout cas pour les rendre dispensables malgré de jolis riffs et de belles mélodies.

Sur les pistes 4, 5 et 6, un retour du côté de la folk nord-américaine et orientale est opéré. Les ballades "Daystar" (parlant de son fils Django -je note encore qu'il est presque pire d'appeler son fils Django que d'opérer des remerciements pompeux comme il le faisait dans le livret ... Re-bref-), "Lament" et "Angeldust" sont très jolies, bien construites. Sans exceller, elles démontrent le talent de cet artiste aux multiples facettes et au toucher de guitare (entre autres) exceptionnel. Un toucher qu'il démontrera encore sur un titre blues très classique, tant au niveau du ton, du son que de l'approche musicale, nommé "Black Snake Blues". Jeff Martin nous montre là une de ses principales références de manière très (trop) crue. Ce titre reste excellent, mais il dénote tant dans l'ambiance générale de Exile and the Kingdom qu'il en devient dérangeant.

Retour sur la piste 9 à la ballade pop bien orchestrée avec "Stay Inside Of Me". On se croirait de retour au début des années 90, dans cette période où les Mr. Big, Guns N'Roses et autres, White Lion par exemple, nous envoyaient ce type de morceaux à toutes les sauces. Cela dit, Jeff Martin a de l'élégance et son titre s'écoute avec un certain plaisir, malsain certes, mais bon.

"The Kingdom" ressemble au titre 'vitrine' de l'album. Jeff Martin y explore pendant plus de 6 minutes, à force de choeurs et d'arrangements assez peu subtiles, il faut l'avouer, une pop qui apparaît à première vue très 'radio' mais qui, du fait de son format et de son ambition, sort définitivement de ce cadre. Très répétitive, la chanson n'est pas dénuée de charme mais je gage qu'elle ne devrait pas plaire à la majorité des XSilencers ...

L'album finit sur "Good Times Song", chanson sympathique portée par les effets de guitare et les voix de Jeff Martin : un final plutôt réussi, assez entraînant et original pour laisser un petit sourire aux lèvres.

Nous voici désormais à la fin de Exile And The Kingdom et à l'heure des bilans. Il semble clair que Jeff Martin souhaitait plus que tout retrouver la maîtrise de ses chansons. Avec un ton résolument acoustique et des sonorités orientales réactualisées, il tire un trait quasi-définitif sur toute la dernière période de The Tea Party. Pire, on pourrait presque comprendre que l'artiste ait décidé de quitter le navire en pleine mer, déçu par des Tryptich, Interzone Mantras et Seven Circles qui devaient lui paraître particulièrement fades. Malheureusement, cette démarche (qui me semble plus que louable) et le tapage qu'elle a créé outre atlantique a, en quelque sorte, plus débouché sur du petit poisson rouge que du gros requin promis.
Encore, on sent que Jeff Martin a pris un immense plaisir à interpréter ce disque, à ressortir les vieux instruments du tiroir où il les avaient rangé après The Edges of Twilight (on le retrouve ici aux guitares en tout genres, synthés, Rhodes, basses, banjos, mandolines, etc.), mais la richesse de ce vieil album est assez loin. Sur Exile And The Kingdom, Jeff Martin débute une nouvelle aventure avec les mêmes défauts qui caractérisaient Splendor Solis, premier opus de The Tea Party, mais pas avec toutes ses qualités. J'aurais quand même éprouvé du plaisir à retrouver ce son qui me manquait depuis tant d'années sur le titre d'ouverture et à lire les textes de cet écrivain accompli. Gageons simplement que dans un futur proche, il saura autant progresser qu'il l'avait fait entre les deux premiers disques de feu son groupe de rock canadien. Je le souhaite en tout cas.


Correct   12/20
par Sinoc


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