Plastic Tree

Traümerai

Traümerai

 Label :     Atmark Corporation 
 Sortie :    samedi 21 septembre 2002 
 Format :  Album / CD   

Là dans mes oreilles, il sifflote comme un air d'enfance. Chacun des morceaux que j'écoute est une rêverie à part entière, faite de sensations fortes. Un peu, beaucoup, comme ces manèges représentées sur la pochette. Attention, Traümerai c'est un grand huit immatériel. Bouclez vos ceintures, mais laissez votre cœur s'emballer.
Vous voilà embarqués dans une aventure faite de barbe à papa, de déguisements, de mélancolie, d'exaltation et d'utopie. Trop tard pour descendre, de toute façon, dès les premiers accords d'Akira et les premiers mots de Ryutaro on ne ressent pas le désir de toucher la terre ferme.

Première étape de l'attraction: un laboratoire plutôt étrange ( "Rikashitsu" en japonais) qui correspond sublimement à tout l'univers de Pura, aussi bien musicalement que textuellement parlant. La guitare, la basse et la batterie sont en osmose tout au long de cette piste, et font ressortir par leur côté métronomique la sensibilité vocale du chanteur. Sa voix, toujours sur un fil invisible, candide et fragile chante des paroles qui lui vont à merveille: elles sont à la fois douces, tordues et dures (il veut s'incendier, selon la dernière phrase de la chanson). Certains mots qu'il répète traduisent au mieux ce côté enfantin, ce côté comptine perverse ("yuraide, yuraide"/ "chanto, chanto"/ "nande, nande", soit en français, "hésitation, hésitation" , "à peu près, à peu près", "pourquoi, pourquoi").
La seconde partie arrive à toute vitesse, elle se nomme "Glider" et est, comme son nom l'indique, planante. Ultra rapide, cette chanson dont la musique est composée par le guitariste offre une place prépondérante à cet instrument. C'est le moment où l'on décolle.
Juste après ces émotions intenses, "Aoi Tori" nous apporte un peu de calme... du moins au début. La guitare acoustique introduit le morceau et la voix de Ryutaro. Instant harmonieux. Les mots sont merveilleux, quasi prosodiques. Ryutaro parle de la nature avec beaucoup de mélancolie et de pureté ("C'est un jour sans nuage, dans lequel un oiseau bleu peut voler", "Nous levons les yeux, et à travers les branches, le ciel est comme un puzzle", "Le ciel, qui tresse des vignes de tristesse, nous brûle dans sa lumière débordante"). C'est un des instants les plus envoûtants de cet album.
"Chiriyuku Bokura" est un délicieux concentré des pistes précédentes: les mélodies sont très entraînantes, les mots redondants, les guitares acérées. On s'élance dans les airs à nouveau.
Dénivellation avec "Pet Shop": un autre décor s'offre à nos yeux. Pura nous plonge dans une véritable animalerie bizarroïde, dans une cage de hamster déluré plus précisément. Est-ce un souvenir d'enfance de Ryutaro ? C'est surtout un renvoi à une histoire de Tolstoï, "Ivan Ilyitch", qui nous conte la vie d'un homme hypocondriaque. La musique, du bassiste Tadashi, rend compte du côté dépravé et désespéré de ce personnage, en prenant une lourdeur surprenante. C'est le moment inquiétant de cette attraction foraine imaginaire nommée Traümerai.
"Zange Wa Yokushitsu De", la sixième plage, arrive, teintée de bidouillages électro au commencement et de guitares aux effets originaux tout au long de ces 5 minutes entêtantes. Encore une fois, la saturation des instruments fait ressortir la douceur du timbre vocal du chanteur et la mélodie du refrain. Nous sommes au milieu du parcours, au cœur d'une farandole et d'un manège enthousiasmants.

Et, avec l'enivrant "Akai Kutsu", on se rend compte que l'autre moitié du circuit ne sera pas moins palpitante que la précédente. On y retrouve tout ce qu'on avait aimé dans la première partie, mais avec des arrangements, des mixages en plus (la voix, notamment est mixée juste avant le refrain) et des petites touches de piano délicates.

En écoutant "Gerbera", on constate qu'au fur et à mesure que l'on avance dans ce grand huit, les frissons se font de plus en plus réguliers et de plus en plus intenses. Ce huitième morceau est probablement l'un de plus grands pics d'ingéniosité et de talent de ce Traümerai. Nouvelle envolée du cœur.
"Chiba-shi, Wakaba-ku, Rokuji-han": probablement la partie la plus inattendue. Le groupe montre ô combien il sait flirter avec douceur (le refrain est légèreté et de suavité) et agressivité (les couplets sont chantés de façon nasillarde et l'instrumentation est hargneuse; la chanson s'achève sur un effet larsen atténué).
"Platform" est extatique, mouvementée et mélodieuse. Un gain de bonne humeur flotte dans ces quelques 3 minutes 30. Les textes sont remplis d'allégresse: " Un quai impavide et coloré d'eau", "La tristesse se rétrécie".
Mais cette joie est éphémère, et le spleen regagne les cordes (ici caressées et caressantes) lors de cette magnifique ballade, "Hello".
Denière étape: "Ame Ni Utaeba" qui va clore Traümerai avec maestria. Le début de la chanson est subtilement incandescent malgré l'emportement de l'intro, pour ne pas casser l'ambiance de la onzième piste... Et la braise devient flamme une fois le refrain scandé pour la seconde fois: le tout s'excite, devient animé d'une fougue fiévreuse indescriptible jusqu'à la fin de cette heure magique.

La descente de ce manège grandiose n'est pas sans séquelles: on virevoltera partout en pensant à ces images ingurgitées et à ces sons inoubliables. Aussi beau et touchant qu'un dessin d'enfant.


Exceptionnel ! !   19/20
par Hanabira


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