Süeür
Süeür |
Label :
Cartel Music Agency |
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Quelle belle pochette.
Süeür, c'est déconcertant. Et pour de multiples raisons, la plupart positives. Le projet né en 2017 autour de Théo Cholbi et de Florian Serrain a commencé son déferlement sur l'Hexagone au crépuscule de 2019, et débarque dans la nouvelle décennie avec cette première mixtape (présentée comme tel par le groupe). Après une relative hype sur le duo, il est clair que pour tous les adeptes de musique française qui sort un peu des sentiers battus, la confirmation allait ou non se faire avec ce premier effort physique, car le mélange de rock et de rap proposé par Süeür avait de quoi séduire. Pendant que certains criaient au génie, pensant avoir trouvé un chaînon manquant hexagonal entre ces deux styles malheureusement trop délibérément opposés, d'autres émettaient déjà quelques réserves.
Alors voyons tout cela d'un peu plus près, sans parti pris (une fois passé l'observation de la pochette, disons... discutable...). Il y a plein de choses qui nous viennent en tête à l'écoute de Süeür, et c'est un excellent ressenti. Des influences, des hommages, des trucs piqués ça et là, quiconque aime la musique française depuis les années 90 saura reconnaître un élément emprunté à tel ou tel incontournable du patrimoine sonore FR. Et c'est la moindre des choses pour un groupe qui cite un panthéon de références aussi élastique avec Joy Division, Eminem et Léo Ferré en première ligne !
Dans le fond, et comme le dit le groupe lui-même, Süeür fait du rock pour rappeurs, ou du rap pour rockeurs. La voix de Théo Cholbi nous évoque tour à tour Noir Dez (le très bon morceau d'ouverture "Quand la logique" rappelle furieusement le chant de Cantat sur Des visages des figures), la grande chanson française de Barbara, le gros hip hop résistant de la clique Anfalsh (notamment des artistes d'exception comme La Rumeur et surtout Casey, dont le flow caractéristique a certainement bercé le chanteur), des légendes old school comme Kool Shen, mais aussi des représentants très formatés e la nouvelle scène rap française. Comme quoi, c'est large.
Trip mégalo ou non, on a l'impression que tout est mis au service de la voix, avec des instrus minimalistes au possible, ce qui accentue le côté hip hop. On passe étrangement de l'electro au punk ("Migrants"), du rock fiévreux à des ambiances proches de l'indus (l'excellent "En équilibre" qui porte bien son nom), voire des morceaux de rap beaucoup plus conventionnels ("Ridé tout Paris").
En règle générale, ces 9 pistes sont une assez bonne digestion de tous les horizons mentionnés, certains partant dans une direction franche, tandis que d'autres sauront mieux condenser les différents styles. C'est le cas du morceau "MTM (Sur ma vie)" — acronyme pour "Mange tes morts", la claque de l'opus, avec sa boucle hypnotique à la K2000, son flow ultra rapide et rageur et ses guitares vénères. C'est sans conteste ce titre qui synthétise le mieux l'ADN de Süeür, dont la musique dégage un côté à la fois sale et sensuel (soutenu par la voix nonchalante de Cholbi), noir mais plein de spotlights, comme quelque chose qui serait à la fois trash et édulcoré, négligé/travaillé.
Et ça s'entend dans la poésie du groupe, subtile, teintée d'influences très diverses. La plume de Cholbi fait penser à un jeune mec parfois en transe, parfois rêveur, en redescente, sorte d'électron libre qui aurait bouffé autant de classiques romantiques et surréalistes que de hip hop années 2010 d'un dur lendemain de défonce. Avec les maladresses impertinentes et prévisibles d'une jeunesse finie à la MD.
Süeur est donc un groupe tout en paradoxes, mi-rock mi-rap, ni périphérie ni intramuros, crade tout en étant propret. La prod, de gros calibre, lourde, équilibre assez bien cette ambivalence, avec des grosses basses entêtantes, des rythmiques implacables blindées de kicks stridents, et des guitares plus vrombisssantes que noise. Si le mélange est intéressant, on regrettera tout de même que le groupe ne s'affranchisse pas une seule seconde de structures très conventionnelles (mais ceci est assez hip hop, dans la forme), à savoir intro/couplet/refrain/pont. Sans toutefois faire parvenir l'auditeur à l'ennui, on aurait pu attendre d'un groupe qui se prétend aussi inspiré qu'il prenne des risques, qu'il paraisse plus spontané et virevoltant que les schémas dans lesquels il s'enferme.
C'est donc cet aspect lisse qui pourra rebuter, à la première écoute : quand Süeür veut faire un morceau pop, il pond "Peut-être", chanson qui aurait pu être excellente mais qui se voit gâchée par tout ce qui est insupportable dans la nouvelle scène rap FR (qui n'a plus de rap que le nom), à savoir l'utilisation abusive et complètement inutile de l'autotune, sans parler de cet immonde phrasé de trisomique entendu ad vitam nauseam à la [insérer le nom du pourfendeur de tympans qui vous plaît], qui me ferait souhaiter que le gouvernement multiplie par 80, chaque année, le nombre de postes au concours national d'orthophoniste.
En clair, Süeür propose un premier jet très intéressant par sa fusion réussie et sa composition qui fait clairement un bien fou dans le paysage musical français. On a besoin de groupes comme Süeur. Arriver à amalgamer un rap rock teinté de trap, des instrus electro et une énergie punk, le tout avec cette belle fougue post-adolescente, ce n'était pas une mince affaire. En cela, et quitte à faire cliché, Süeür peut tout à fait se poser en groupe qui peut parler à un grand nombre, c'est-à-dire tous ceux qui ont grandi avec autant de repères musicaux qu'ils ont assumés et acceptés Plus honte de rien. La somme d'une boulimie musicale évidente et d'une grande ouverture artistique.
Cela dit, à vouloir être un groupe multi-facette, Süeür se verra volontiers défini par comparatifs : il n'est pas aussi génial, inventif et poétique que Diabologum en son temps, pas aussi rentre-dedans et incisif que n'importe quel artiste d'Anfalsh, pas aussi délirant qu'un NonStop (dont il faut rappeler le mythique premier album). Mais on pourra tout de même dire de ce groupe qu'il est, malgré quelques similitudes apparentes, le parfait anti-Fauve (pour les malheureux qui s'en souviennent), dans son appréhension de la musique et de comment la diffuser. On croit sentir ici quelque chose de sincère, et un bel effort de la part de cette formation quelque peu clivante, qui devra confirmer pour être à la hauteur des espoirs qu'elle suscite. Et si vous n'êtes pas d'accord, mangez vos morts.
Süeür, c'est déconcertant. Et pour de multiples raisons, la plupart positives. Le projet né en 2017 autour de Théo Cholbi et de Florian Serrain a commencé son déferlement sur l'Hexagone au crépuscule de 2019, et débarque dans la nouvelle décennie avec cette première mixtape (présentée comme tel par le groupe). Après une relative hype sur le duo, il est clair que pour tous les adeptes de musique française qui sort un peu des sentiers battus, la confirmation allait ou non se faire avec ce premier effort physique, car le mélange de rock et de rap proposé par Süeür avait de quoi séduire. Pendant que certains criaient au génie, pensant avoir trouvé un chaînon manquant hexagonal entre ces deux styles malheureusement trop délibérément opposés, d'autres émettaient déjà quelques réserves.
Alors voyons tout cela d'un peu plus près, sans parti pris (une fois passé l'observation de la pochette, disons... discutable...). Il y a plein de choses qui nous viennent en tête à l'écoute de Süeür, et c'est un excellent ressenti. Des influences, des hommages, des trucs piqués ça et là, quiconque aime la musique française depuis les années 90 saura reconnaître un élément emprunté à tel ou tel incontournable du patrimoine sonore FR. Et c'est la moindre des choses pour un groupe qui cite un panthéon de références aussi élastique avec Joy Division, Eminem et Léo Ferré en première ligne !
Dans le fond, et comme le dit le groupe lui-même, Süeür fait du rock pour rappeurs, ou du rap pour rockeurs. La voix de Théo Cholbi nous évoque tour à tour Noir Dez (le très bon morceau d'ouverture "Quand la logique" rappelle furieusement le chant de Cantat sur Des visages des figures), la grande chanson française de Barbara, le gros hip hop résistant de la clique Anfalsh (notamment des artistes d'exception comme La Rumeur et surtout Casey, dont le flow caractéristique a certainement bercé le chanteur), des légendes old school comme Kool Shen, mais aussi des représentants très formatés e la nouvelle scène rap française. Comme quoi, c'est large.
Trip mégalo ou non, on a l'impression que tout est mis au service de la voix, avec des instrus minimalistes au possible, ce qui accentue le côté hip hop. On passe étrangement de l'electro au punk ("Migrants"), du rock fiévreux à des ambiances proches de l'indus (l'excellent "En équilibre" qui porte bien son nom), voire des morceaux de rap beaucoup plus conventionnels ("Ridé tout Paris").
En règle générale, ces 9 pistes sont une assez bonne digestion de tous les horizons mentionnés, certains partant dans une direction franche, tandis que d'autres sauront mieux condenser les différents styles. C'est le cas du morceau "MTM (Sur ma vie)" — acronyme pour "Mange tes morts", la claque de l'opus, avec sa boucle hypnotique à la K2000, son flow ultra rapide et rageur et ses guitares vénères. C'est sans conteste ce titre qui synthétise le mieux l'ADN de Süeür, dont la musique dégage un côté à la fois sale et sensuel (soutenu par la voix nonchalante de Cholbi), noir mais plein de spotlights, comme quelque chose qui serait à la fois trash et édulcoré, négligé/travaillé.
Et ça s'entend dans la poésie du groupe, subtile, teintée d'influences très diverses. La plume de Cholbi fait penser à un jeune mec parfois en transe, parfois rêveur, en redescente, sorte d'électron libre qui aurait bouffé autant de classiques romantiques et surréalistes que de hip hop années 2010 d'un dur lendemain de défonce. Avec les maladresses impertinentes et prévisibles d'une jeunesse finie à la MD.
Süeur est donc un groupe tout en paradoxes, mi-rock mi-rap, ni périphérie ni intramuros, crade tout en étant propret. La prod, de gros calibre, lourde, équilibre assez bien cette ambivalence, avec des grosses basses entêtantes, des rythmiques implacables blindées de kicks stridents, et des guitares plus vrombisssantes que noise. Si le mélange est intéressant, on regrettera tout de même que le groupe ne s'affranchisse pas une seule seconde de structures très conventionnelles (mais ceci est assez hip hop, dans la forme), à savoir intro/couplet/refrain/pont. Sans toutefois faire parvenir l'auditeur à l'ennui, on aurait pu attendre d'un groupe qui se prétend aussi inspiré qu'il prenne des risques, qu'il paraisse plus spontané et virevoltant que les schémas dans lesquels il s'enferme.
C'est donc cet aspect lisse qui pourra rebuter, à la première écoute : quand Süeür veut faire un morceau pop, il pond "Peut-être", chanson qui aurait pu être excellente mais qui se voit gâchée par tout ce qui est insupportable dans la nouvelle scène rap FR (qui n'a plus de rap que le nom), à savoir l'utilisation abusive et complètement inutile de l'autotune, sans parler de cet immonde phrasé de trisomique entendu ad vitam nauseam à la [insérer le nom du pourfendeur de tympans qui vous plaît], qui me ferait souhaiter que le gouvernement multiplie par 80, chaque année, le nombre de postes au concours national d'orthophoniste.
En clair, Süeür propose un premier jet très intéressant par sa fusion réussie et sa composition qui fait clairement un bien fou dans le paysage musical français. On a besoin de groupes comme Süeur. Arriver à amalgamer un rap rock teinté de trap, des instrus electro et une énergie punk, le tout avec cette belle fougue post-adolescente, ce n'était pas une mince affaire. En cela, et quitte à faire cliché, Süeür peut tout à fait se poser en groupe qui peut parler à un grand nombre, c'est-à-dire tous ceux qui ont grandi avec autant de repères musicaux qu'ils ont assumés et acceptés Plus honte de rien. La somme d'une boulimie musicale évidente et d'une grande ouverture artistique.
Cela dit, à vouloir être un groupe multi-facette, Süeür se verra volontiers défini par comparatifs : il n'est pas aussi génial, inventif et poétique que Diabologum en son temps, pas aussi rentre-dedans et incisif que n'importe quel artiste d'Anfalsh, pas aussi délirant qu'un NonStop (dont il faut rappeler le mythique premier album). Mais on pourra tout de même dire de ce groupe qu'il est, malgré quelques similitudes apparentes, le parfait anti-Fauve (pour les malheureux qui s'en souviennent), dans son appréhension de la musique et de comment la diffuser. On croit sentir ici quelque chose de sincère, et un bel effort de la part de cette formation quelque peu clivante, qui devra confirmer pour être à la hauteur des espoirs qu'elle suscite. Et si vous n'êtes pas d'accord, mangez vos morts.
Sympa 14/20 | par Pumpkin Ben |
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