Marcos Valle
Previsão Do Tempo |
Label :
Odeon Fonográfica |
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À l'évocation du Brésil et de sa musique, on pense bossa nova et samba ; les plus experts se représenteront aussi le courant tropicalia. On pense Antônio Carlos Jobim, Gilberto Gil, João Gilberto, Jorge Ben, Caetano Veloso. Le nom du génial Marcos Valle est très loin d'être inconnu, mais il évoquera certainement moins auprès du grand nombre. À l'inverse des autres cités ci-dessus, Marcos est plus difficilement classable : de ses débuts, à l'aube des années 1960, marqués par la bossa nova jusqu'à son dernier album funk sorti cet été, il a flirté avec différents styles : MPB (música popular brasileira, une pop à la brésilienne), jazz, samba, baião, pop baroque, rock progressif, folk, etc., et toujours avec un certain éclat.
Le disque qui nous occupe aujourd'hui, Previsão do Tempo, est funky ; une concoction entre MPB, samba, funk et jazz qui évoque un tantinet chez les Américains et Européens Stevie Wonder et Herbie Hancock, car on a parfois besoin – c'est vrai – de rattacher à quelque chose de connu ce qui provient d'une culture dont on ignore à peu près tout. Sorti en 1973, le disque est l'un des plus enthousiasmants de Marcos Valle, et se dispute fréquemment le titre de 'meilleur album' de l'artiste avec le magnifique et baroque Garra, sorti deux ans plus tôt. Avec Previsão do Tempo, le carioca sort son dixième album en dix ans (il n'a que trente ans) et, après les sixties – décennie qui l'a vu écrire quelques hits importants de la bossa nova et de la samba – il referme une période de quatre ans pendant laquelle il a ressenti le besoin d'épaissir sa musique, de l'abreuver de multiples influences nouvelles, et de toucher à tout avec avidité : chaque nouvel album – un tous les ans – nourrit un besoin d'expérimentation, et on passe ainsi, sur quatre ans, avec succès du psychédélisme et du baroque à la musique progressive au jazz-funk.
À l'écoute du disque, des images d'eau surgissent à l'esprit – la pochette n'est certainement pas étrangère à cette impression : un cliché sur lequel on voit Marcos immergé dans une piscine, au bord de la suffocation, une référence à la censure qui régnait alors dans la dictature brésilienne. Mais c'est la musique, surtout, qui bien sûr crée ces impressions aquatiques, par sa pureté, sa clarté et sa limpidité, ses gouttes électroniques, le clapotis des percussions, son groove cognant comme la rivière sinueuse, agitée, bat d'une berge à l'autre, ses inflexions tropicales, évidemment, qui appellent à l'esprit ces plages de Rio, et la sueur, enfin, perlant sur les corps qui dansent, swinguent, se percutent doucement. Des chansons à écouter au bord de la piscine, sur un bateau, lors d'une croisière, le vent dans les cheveux, le soleil brûlant légèrement la peau, exerçant son éblouissante pression sur les yeux.
Derrière son apparente nonchalance, Previsão do Tempo est un disque bien plus sérieux qu'on l'imagine. Les références à la dictature militaire qui oppresse le Brésil traversent l'album, dès le premier titre, "Flamengo Até Morrer" ("Flamengo jusqu'à la mort") : allusion à la plus célèbre équipe de foot du pays, et dénonciation du régime qui utilise les succès footballistiques du pays pour endormir les gens – le football, le nouvel opium du peuple. "Tira A Mão" est un autre exemple : un titre que l'on pourrait traduire par "ne me touche pas" ou "bas les pattes", si le terme "tira" n'était pas aussi un terme argotique pour parler de la police – un fuck you adressé à la police. "Mentira" signifie quant à lui "mensonge" – ce titre sera, par contre, édité par la censure d'état non pas pour des raisons textuelles, mais car jugé trop sensuel : la chanson, diablement efficace, sera néanmoins un hit au Brésil. "Samba Fatal", dernier exemple, est un hommage à l'activiste et parolier Torquato qui s'est suicidé quelques mois plus tôt.
La musique est d'une classe folle de bout en bout : Marcos Valle est accompagné cette fois par les très bons musiciens du groupe de Rio Azimuth. Souvent chaloupée, dansante, la musique se fait parfois plus contemplative comme sur la plage titulaire – un instrumental merveilleux niché au cœur du disque. José Roberto Bertrami, leader d'Azimuth, accompagne au Moog Marcos, qui lui est derrière son Fender Rhodes : un magistral duo de pianistes, sur un groove prononcé et des cordes soyeuses : du miel pour les oreilles.
Premier album au parfum très funky de Marcos Valle, Previsão do Tempo est peut-être l'album sur lequel il trouve son véritable style, celui qu'il croit le mieux lui correspondre. Après dix ans de bossa nova, de samba-jazz, de pop baroque et psychédélique, d'essais de folk/rock prog, Marcos Valle ne quittera plus ces sonorités très rythmées, ni d'ailleurs ses synthés électriques. Previsão do Tempo fût mon introduction il y a environ sept ans quand j'ai découvert l'artiste, suite à la belle réédition par Light in the Attic des quatre disques du début des années 1970, et il fût l'étincelle qui a suscité mon envie de me plonger dans sa discographie foisonnante et captivante. Previsão do Tempo : accordez-lui votre attention, les prévisions sont bonnes.
Le disque qui nous occupe aujourd'hui, Previsão do Tempo, est funky ; une concoction entre MPB, samba, funk et jazz qui évoque un tantinet chez les Américains et Européens Stevie Wonder et Herbie Hancock, car on a parfois besoin – c'est vrai – de rattacher à quelque chose de connu ce qui provient d'une culture dont on ignore à peu près tout. Sorti en 1973, le disque est l'un des plus enthousiasmants de Marcos Valle, et se dispute fréquemment le titre de 'meilleur album' de l'artiste avec le magnifique et baroque Garra, sorti deux ans plus tôt. Avec Previsão do Tempo, le carioca sort son dixième album en dix ans (il n'a que trente ans) et, après les sixties – décennie qui l'a vu écrire quelques hits importants de la bossa nova et de la samba – il referme une période de quatre ans pendant laquelle il a ressenti le besoin d'épaissir sa musique, de l'abreuver de multiples influences nouvelles, et de toucher à tout avec avidité : chaque nouvel album – un tous les ans – nourrit un besoin d'expérimentation, et on passe ainsi, sur quatre ans, avec succès du psychédélisme et du baroque à la musique progressive au jazz-funk.
À l'écoute du disque, des images d'eau surgissent à l'esprit – la pochette n'est certainement pas étrangère à cette impression : un cliché sur lequel on voit Marcos immergé dans une piscine, au bord de la suffocation, une référence à la censure qui régnait alors dans la dictature brésilienne. Mais c'est la musique, surtout, qui bien sûr crée ces impressions aquatiques, par sa pureté, sa clarté et sa limpidité, ses gouttes électroniques, le clapotis des percussions, son groove cognant comme la rivière sinueuse, agitée, bat d'une berge à l'autre, ses inflexions tropicales, évidemment, qui appellent à l'esprit ces plages de Rio, et la sueur, enfin, perlant sur les corps qui dansent, swinguent, se percutent doucement. Des chansons à écouter au bord de la piscine, sur un bateau, lors d'une croisière, le vent dans les cheveux, le soleil brûlant légèrement la peau, exerçant son éblouissante pression sur les yeux.
Derrière son apparente nonchalance, Previsão do Tempo est un disque bien plus sérieux qu'on l'imagine. Les références à la dictature militaire qui oppresse le Brésil traversent l'album, dès le premier titre, "Flamengo Até Morrer" ("Flamengo jusqu'à la mort") : allusion à la plus célèbre équipe de foot du pays, et dénonciation du régime qui utilise les succès footballistiques du pays pour endormir les gens – le football, le nouvel opium du peuple. "Tira A Mão" est un autre exemple : un titre que l'on pourrait traduire par "ne me touche pas" ou "bas les pattes", si le terme "tira" n'était pas aussi un terme argotique pour parler de la police – un fuck you adressé à la police. "Mentira" signifie quant à lui "mensonge" – ce titre sera, par contre, édité par la censure d'état non pas pour des raisons textuelles, mais car jugé trop sensuel : la chanson, diablement efficace, sera néanmoins un hit au Brésil. "Samba Fatal", dernier exemple, est un hommage à l'activiste et parolier Torquato qui s'est suicidé quelques mois plus tôt.
La musique est d'une classe folle de bout en bout : Marcos Valle est accompagné cette fois par les très bons musiciens du groupe de Rio Azimuth. Souvent chaloupée, dansante, la musique se fait parfois plus contemplative comme sur la plage titulaire – un instrumental merveilleux niché au cœur du disque. José Roberto Bertrami, leader d'Azimuth, accompagne au Moog Marcos, qui lui est derrière son Fender Rhodes : un magistral duo de pianistes, sur un groove prononcé et des cordes soyeuses : du miel pour les oreilles.
Premier album au parfum très funky de Marcos Valle, Previsão do Tempo est peut-être l'album sur lequel il trouve son véritable style, celui qu'il croit le mieux lui correspondre. Après dix ans de bossa nova, de samba-jazz, de pop baroque et psychédélique, d'essais de folk/rock prog, Marcos Valle ne quittera plus ces sonorités très rythmées, ni d'ailleurs ses synthés électriques. Previsão do Tempo fût mon introduction il y a environ sept ans quand j'ai découvert l'artiste, suite à la belle réédition par Light in the Attic des quatre disques du début des années 1970, et il fût l'étincelle qui a suscité mon envie de me plonger dans sa discographie foisonnante et captivante. Previsão do Tempo : accordez-lui votre attention, les prévisions sont bonnes.
Excellent ! 18/20 | par Rebecca Carlson |
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