The Black Dog
Spanners |
Label :
Warp |
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Sans les productions du label Warp, je ne sais pas comment aurait sonné le Kid A de Radiohead, de même pour cet autre classique qu'est devenu Homogenic de Björk. Quelques exemples, pour dire que si on veut trouver les artistes qui ont offert à la musique électronique une infinie variété de formes qu'un plus grand public lui connaît, jusqu'à Emilie Simon, c'est sur ce label important qu'on les trouvera, et particulièrement avec les très méconnus The Black Dog.
Formé à la fin des années 80, le trio aura largement contribué à l'émergence du mouvement IDM en Angleterre, aux côtés d'Autechre, LFO ou Aphex Twin. Le terme IDM (ou Intelligent Dance Music) est encore souvent employé. Je préfère, surtout s'il est question des années 90, parler d'ambient-techno, ou pour des productions plus récentes, d'électro(nica). Car oui, comme le disait le boss de Warp (Steve Beckett), Intelligent Dance Music sous-entend que le reste n'est que dance-music écervelée. Ce terme d'IDM est une belle erreur... Bien trop schématique et un peu méprisant tout ça, puisque l'origine de toutes ces musique électroniques, ce sont principalement les raves et la techno de Detroit, pas moins intelligentes, juste adaptées à une humeur différente.
Aux côtés d'une petite poignée d'albums du milieu des années 90, dont notamment le fascinant Amber d'Autechre, Spanners marque la transition entre une techno-ambiant encore assez classique, et ce qu'on appellera très vite "electronica", une musique synthétique aux formes plus diversifiées, plus humaines diront certains. En poussant ici les machines dans leurs derniers retranchements, exploitant au maximum l'infinité de textures qu'elles peuvent offrir, The Black Dog réalise ce qui ressemble à une véritable éclosion du son très particulier de Plaid, et, plus important, un véritable manifeste de l'electronica. Plus vraiment de lien avec les rave-party, cette musique là peut être appréciée dans des contextes très divers et sans connaissance de ce mouvement, d'autant que le disque est très versatile. Jamais, sans doute, la musique électronique n'avait été autant le reflet des sautes d'humeur de ses exécutants. Pendant plus de 75 minutes, le trio ne se laisse pas brider par son matériel, il en fait ce qu'il veut, à l'image de la grande pièce "Psyl Cosyin", au canevas rythmique et sonore vertigineux déviant sans cesse vers de nouveaux horizons, cassant le rythme, se reproduisant infiniment avec lui-même. Spanners est un véritable déluge de sons acides, de mélodies délicates, d'explorations aventureuses. Si ligne directrice il y a, c'est bien celle qu'explorera le duo Plaid après ce dernier disque, le dernier en compagnie de Ken Downie.
La pochette représente le chien noir (The Black Dog) Anubis, le dieu des morts de l'Egypte ancienne, en image de synthèse. Bien qu'un peu datée, cette image reste simple et évocatrice, parfaite pour suggérer l'univers métaphysique et protéiforme de Spanners. Il serait un peu réducteur de dire que l'ambition du disque est de nous faire entrer en contact avec les rites mystérieux des pharaons. A travers quelques samples, et surtout un grand soin apporté à brouiller la limite entre sons organiques et synthétiques, The Black Dog brouille les repères temporels, anime ou réanime notre fascination pour les civilisations disparues, en la rapprochant d'une atmosphère plus moderne et urbaine. Il nous fait voyager dans un ciel constellé au dessus d'un désert vierge (l'hypnotique série d'arpèges célestes de "Chesh"), dans des univers enfantins et nostalgiques parasités par d'étranges bugs informatiques, ou dans une danse latino-cyborg improbable, plus ancrée dans l'insouciance d'un temps présent ("Barbola Work").
Difficile à appréhender (il m'aura fallu des mois pour rentrer dedans), "Spanners" est un disque à la profondeur infinie, toujours en trompe-l'oeil, immédiat et sans cesse en train de se défiler.
Dernier disque d'une première période pour The Black Dog, Ed Handley et Andy Turner laisseront un Ken Downie à ses aspirations ésotériques pour se consacrer à Plaid. La participation de Björk aidant, le duo obtiendra un franc succès dès son album Not For Threes, tandis que le chien noir de Ken Downie produira une série d'albums assez techno dans un certain anonymat. Par sa grande diversité, par sa cohérence presque fortuite, par sa fraîcheur, Spanners représente sans doute le sommet de la discographie de The Black Dog, et un des sommets de l'électronica, avant même que le terme soit fréquemment utilisé.
Formé à la fin des années 80, le trio aura largement contribué à l'émergence du mouvement IDM en Angleterre, aux côtés d'Autechre, LFO ou Aphex Twin. Le terme IDM (ou Intelligent Dance Music) est encore souvent employé. Je préfère, surtout s'il est question des années 90, parler d'ambient-techno, ou pour des productions plus récentes, d'électro(nica). Car oui, comme le disait le boss de Warp (Steve Beckett), Intelligent Dance Music sous-entend que le reste n'est que dance-music écervelée. Ce terme d'IDM est une belle erreur... Bien trop schématique et un peu méprisant tout ça, puisque l'origine de toutes ces musique électroniques, ce sont principalement les raves et la techno de Detroit, pas moins intelligentes, juste adaptées à une humeur différente.
Aux côtés d'une petite poignée d'albums du milieu des années 90, dont notamment le fascinant Amber d'Autechre, Spanners marque la transition entre une techno-ambiant encore assez classique, et ce qu'on appellera très vite "electronica", une musique synthétique aux formes plus diversifiées, plus humaines diront certains. En poussant ici les machines dans leurs derniers retranchements, exploitant au maximum l'infinité de textures qu'elles peuvent offrir, The Black Dog réalise ce qui ressemble à une véritable éclosion du son très particulier de Plaid, et, plus important, un véritable manifeste de l'electronica. Plus vraiment de lien avec les rave-party, cette musique là peut être appréciée dans des contextes très divers et sans connaissance de ce mouvement, d'autant que le disque est très versatile. Jamais, sans doute, la musique électronique n'avait été autant le reflet des sautes d'humeur de ses exécutants. Pendant plus de 75 minutes, le trio ne se laisse pas brider par son matériel, il en fait ce qu'il veut, à l'image de la grande pièce "Psyl Cosyin", au canevas rythmique et sonore vertigineux déviant sans cesse vers de nouveaux horizons, cassant le rythme, se reproduisant infiniment avec lui-même. Spanners est un véritable déluge de sons acides, de mélodies délicates, d'explorations aventureuses. Si ligne directrice il y a, c'est bien celle qu'explorera le duo Plaid après ce dernier disque, le dernier en compagnie de Ken Downie.
La pochette représente le chien noir (The Black Dog) Anubis, le dieu des morts de l'Egypte ancienne, en image de synthèse. Bien qu'un peu datée, cette image reste simple et évocatrice, parfaite pour suggérer l'univers métaphysique et protéiforme de Spanners. Il serait un peu réducteur de dire que l'ambition du disque est de nous faire entrer en contact avec les rites mystérieux des pharaons. A travers quelques samples, et surtout un grand soin apporté à brouiller la limite entre sons organiques et synthétiques, The Black Dog brouille les repères temporels, anime ou réanime notre fascination pour les civilisations disparues, en la rapprochant d'une atmosphère plus moderne et urbaine. Il nous fait voyager dans un ciel constellé au dessus d'un désert vierge (l'hypnotique série d'arpèges célestes de "Chesh"), dans des univers enfantins et nostalgiques parasités par d'étranges bugs informatiques, ou dans une danse latino-cyborg improbable, plus ancrée dans l'insouciance d'un temps présent ("Barbola Work").
Difficile à appréhender (il m'aura fallu des mois pour rentrer dedans), "Spanners" est un disque à la profondeur infinie, toujours en trompe-l'oeil, immédiat et sans cesse en train de se défiler.
Dernier disque d'une première période pour The Black Dog, Ed Handley et Andy Turner laisseront un Ken Downie à ses aspirations ésotériques pour se consacrer à Plaid. La participation de Björk aidant, le duo obtiendra un franc succès dès son album Not For Threes, tandis que le chien noir de Ken Downie produira une série d'albums assez techno dans un certain anonymat. Par sa grande diversité, par sa cohérence presque fortuite, par sa fraîcheur, Spanners représente sans doute le sommet de la discographie de The Black Dog, et un des sommets de l'électronica, avant même que le terme soit fréquemment utilisé.
Parfait 17/20 | par Sam lowry |
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