The Hotelier
Milan - Italie [Biko Club] - dimanche 05 février 2017 |
22 heures en périphérie de Milan, courant dans la pénombre pour éviter les flaques d'eau nées de la pluie incessante qui ne s'était pas arrêtée ce dimanche, et bravant courageusement l'insoutenable froid local. J'ai bien cru que je n'arriverais jamais à temps au Biko Club pour voir se produire The Hotelier, dont j'ai attendu la venue avec beaucoup d'impatience. La faute à la météo, à un moment légèrement trop arrosé dans une pizzeria de quartier, à un sens de l'orientation défectueux et à l'emplacement complètement caché du club milanais. Heureusement pour moi, quand j'arrive, certains sont encore en train de faire leurs cartes d'adhésion à l'asso, et je sais que je n'ai loupé que la première partie, Crying. Tant pis, on écoutera plus tard. Le timing est bon : une fois dans la salle, je sais que ça y est, j'y suis : je vais enfin pouvoir admirer ce groupe dont je vante incessamment les mérites depuis quelques années déjà.
Le temps d'avaler un Campari, je détaille la salle : un club alternatif typique, chaleureux, accueillant ce soir-là une cinquantaine d'âmes, à tout casser. On croise du regard un mec avec un t-shirt The World Is a Beautiful Place & I Am No Longer Afraid to Die. C'est sûr, on ne s'est pas planté d'endroit. Puis tout va très vite. Les techniciens font leur taf, et très rapidement, les quatre membres de The Hotelier montent sur scène, salués par quelques applaudissements. Et ça commence calmement ; très calmement, même : l'ouverture de Home, Like Noplace Is There, "An Introduction to the Album", est entonnée. Christian Holden, la basse au repos, récite son chant poignant alors que l'on découvre que dans l'assistance, seules cinq ou six personnes (moi y compris) semblent être des inconditionnels du groupe, connaissant les paroles et accompagnant le leader dans sa montée mélodique déchirante. Et viennent les premiers chœurs. Crescendo. Et enfin ça s'emballe, on vit exactement ce qui peut se ressentir à l'écoute d'un tel morceau sur disque. Je participe, je m'époumone. Il était déjà un titre prodigieux pour moi : il faut au moins le vivre en concert pour en saisir encore mieux le sens. Mais on va vite se rendre compte que c'est un peu la marque de fabrique du groupe, car déjà retentit le très Lifetime "The Scope of All of This Rebuilding" qui provoque une vague d'énergie et un bordel certain parmi les irréductibles du premier rang. Mamma mia.
Petite pause bien méritée, il faut déjà souffler. Le temps pour Christian Holden de nous saluer et de remercier Crying, la première partie. On ne peut, déjà, s'empêcher de penser que l'on a face à nous une bande de gars à l'introversion visible et évidente, qui semblent se demander ce qu'ils font ici. Tout le long du concert, les quelques interactions avec le public se feront via le chanteur, partagé entre politesse et timidité, et le guitariste d'accompagnement de la tournée (un certain Elliott), les deux autres membres ne paraissant pas particulièrement concernés.
The Hotelier incorpore des éléments de ces deux derniers albums, Home, Like Noplace Is There et l'excellent Goodness, auquel il emprunte les interludes pour créer des atmosphères et des transitions. Et voilà que déboule "Two Deliverances", l'un des morceaux les plus pop et les plus accrocheurs de l'opus de 2016. Déjà connu du public. Mais c'est réellement avec deux des titres les plus emblématiques de Home, Like Noplace Is There, "Your Deep Rest" et "Among the Wildflowers", brillamment interprétés et enchaînés comme sur l'album, que le groupe du Massachussetts se fait le plus apprécier par le club milanais, ce soir. Une claque dans ta gueule. Le guitariste Chris Hoffmann vient épauler son chanteur à coups de cris ravageurs, parfois un peu forcés. Surprise, les quatre compères embrayent même sur un "Weathered" issu du premier album, qui met un moment avant de se faire reconnaître. Pendant ce temps, un de leurs roadies suit le Superbowl sur son portable, assis tranquillement dans le couloir à droite de la scène. L'occasion pour Christian Holden de nous parler un peu de foot US, en nous demandant, avec le sourire, si on en avait quelque chose à foutre en Italie. Moment terriblement ricain, assez représentatif de l'état d'esprit de ces garçons qui voyagent avec conviction mais humilité. Il est vrai que jouer dans une salle aussi petite, avec un public aussi restreint, doit les changer de leur statut de jeunes prodiges acquis ces dernières années aux States au gré des concerts fédérateurs. Qu'importe, il y a de la bonne humeur et une forme de respect qui se dégage de ce groupe, qui poursuit l'exploration de son dernier album avec un "Soft Animal" captivant, apparu juste après un nouvel interlude fait d'arpèges lents et de mots susurrés par le chanteur. Puis vient logiquement "Sun", de manière linéaire, alternant la douceur et l'agressivité, en incorporant les deux guitaristes pour les chœurs. "Dendron" vient calmer tout le monde avec ses différentes parties et ses changements de rythme, et nous mettre un coup de grâce. Une chose est certaine, The Hotelier donne exactement le même résultat en live que sur album, ce qui prouve que les choix artistiques du groupe parviennent parfaitement à capter l'énergie et l'émotion dégagées sur scène. The Hotelier maîtrise son sujet, indéniablement. Christian Holden prévient qu'on arrive (déjà) à la fin du récital, alors que résonne "Opening Mail for My Grandmother", exécuté avec calme, presque en guitare/voix. Puis Chris Hoffmann et le batteur Sam Frederick quittent la scène avant même la fin du morceau, rapidement imités par le guitariste de la tournée et le leader de la formation.
Un très court laps de temps après, et suite à des remerciements vitesse grand V, le groupe revient au complet sur scène, et lâche un retentissant "Settle the Scar", l'un des morceaux phares du dernier opus, qui vient malheureusement clôturer la soirée, annihilant tout espoir de prolonger ce moment de communion avec le groupe. Non, c'est terminé, et les membres du groupe commencent à ranger le matos à mesure que la salle se vide. Au final, un set un peu court, d'une heure environ ; curieux de noter que "Goodness Pt. 2", qui est quand même le nouvel hymne de The Hotelier, n'a pas été joué ni même annoncé. Dommage. Quelques mots rapides échangés avec les deux guitaristes et la soirée au Biko Club allait toucher à sa fin... du moins, en partie. Ce qu'on croyait. C'était sans compter sur les membres adorables et chaleureux de l'asso locale, et de la meilleure barista d'Italie, répondant au doux nom de Seat Leon.
Au final, il y a eu de légers regrets durant cette performance, notamment sur la durée du concert et peut-être sur un relatif manque d'implication de la part des membres du groupe. Il faut dire que The Hotelier, c'est une bande de gars pas loin d'être des Ricains-types de 25 piges, qui témoignent d'une timidité hallucinante et d'une pudeur qui se ressent jusque dans leur musique. Et rien que ça, c'est cohérent. Nul doute que l'ambiance d'une petite salle italienne et de sa demie-dizaine d'aficionados ne peut faire l'objet d'aucune comparaison possible avec les clubs bondés des States, dans lesquels la formation s'est fait un nom amplement mérité en plusieurs années. Difficile, donc, de juger véritablement tout le potentiel de The Hotelier dans ce contexte précis, même si on aurait pu attendre d'eux plus de vibration, de communication avec le public et de fougue, qu'elle soit scénique ou musicale. En clair, j'ai un peu l'impression d'avoir vu se débattre l'un de ces groupes légendaires d'un courant quasiment disparu depuis près de vingt ans, dans un cadre qui n'était pas vraiment le sien. Une équipe en déplacement. Mais avec tant de bonheur... Moment ana(r)chronique, et une certaine émotion. Longue vie à The Hotelier, et qu'on se souvienne d'eux encore dans quelques décennies.
Le temps d'avaler un Campari, je détaille la salle : un club alternatif typique, chaleureux, accueillant ce soir-là une cinquantaine d'âmes, à tout casser. On croise du regard un mec avec un t-shirt The World Is a Beautiful Place & I Am No Longer Afraid to Die. C'est sûr, on ne s'est pas planté d'endroit. Puis tout va très vite. Les techniciens font leur taf, et très rapidement, les quatre membres de The Hotelier montent sur scène, salués par quelques applaudissements. Et ça commence calmement ; très calmement, même : l'ouverture de Home, Like Noplace Is There, "An Introduction to the Album", est entonnée. Christian Holden, la basse au repos, récite son chant poignant alors que l'on découvre que dans l'assistance, seules cinq ou six personnes (moi y compris) semblent être des inconditionnels du groupe, connaissant les paroles et accompagnant le leader dans sa montée mélodique déchirante. Et viennent les premiers chœurs. Crescendo. Et enfin ça s'emballe, on vit exactement ce qui peut se ressentir à l'écoute d'un tel morceau sur disque. Je participe, je m'époumone. Il était déjà un titre prodigieux pour moi : il faut au moins le vivre en concert pour en saisir encore mieux le sens. Mais on va vite se rendre compte que c'est un peu la marque de fabrique du groupe, car déjà retentit le très Lifetime "The Scope of All of This Rebuilding" qui provoque une vague d'énergie et un bordel certain parmi les irréductibles du premier rang. Mamma mia.
Petite pause bien méritée, il faut déjà souffler. Le temps pour Christian Holden de nous saluer et de remercier Crying, la première partie. On ne peut, déjà, s'empêcher de penser que l'on a face à nous une bande de gars à l'introversion visible et évidente, qui semblent se demander ce qu'ils font ici. Tout le long du concert, les quelques interactions avec le public se feront via le chanteur, partagé entre politesse et timidité, et le guitariste d'accompagnement de la tournée (un certain Elliott), les deux autres membres ne paraissant pas particulièrement concernés.
The Hotelier incorpore des éléments de ces deux derniers albums, Home, Like Noplace Is There et l'excellent Goodness, auquel il emprunte les interludes pour créer des atmosphères et des transitions. Et voilà que déboule "Two Deliverances", l'un des morceaux les plus pop et les plus accrocheurs de l'opus de 2016. Déjà connu du public. Mais c'est réellement avec deux des titres les plus emblématiques de Home, Like Noplace Is There, "Your Deep Rest" et "Among the Wildflowers", brillamment interprétés et enchaînés comme sur l'album, que le groupe du Massachussetts se fait le plus apprécier par le club milanais, ce soir. Une claque dans ta gueule. Le guitariste Chris Hoffmann vient épauler son chanteur à coups de cris ravageurs, parfois un peu forcés. Surprise, les quatre compères embrayent même sur un "Weathered" issu du premier album, qui met un moment avant de se faire reconnaître. Pendant ce temps, un de leurs roadies suit le Superbowl sur son portable, assis tranquillement dans le couloir à droite de la scène. L'occasion pour Christian Holden de nous parler un peu de foot US, en nous demandant, avec le sourire, si on en avait quelque chose à foutre en Italie. Moment terriblement ricain, assez représentatif de l'état d'esprit de ces garçons qui voyagent avec conviction mais humilité. Il est vrai que jouer dans une salle aussi petite, avec un public aussi restreint, doit les changer de leur statut de jeunes prodiges acquis ces dernières années aux States au gré des concerts fédérateurs. Qu'importe, il y a de la bonne humeur et une forme de respect qui se dégage de ce groupe, qui poursuit l'exploration de son dernier album avec un "Soft Animal" captivant, apparu juste après un nouvel interlude fait d'arpèges lents et de mots susurrés par le chanteur. Puis vient logiquement "Sun", de manière linéaire, alternant la douceur et l'agressivité, en incorporant les deux guitaristes pour les chœurs. "Dendron" vient calmer tout le monde avec ses différentes parties et ses changements de rythme, et nous mettre un coup de grâce. Une chose est certaine, The Hotelier donne exactement le même résultat en live que sur album, ce qui prouve que les choix artistiques du groupe parviennent parfaitement à capter l'énergie et l'émotion dégagées sur scène. The Hotelier maîtrise son sujet, indéniablement. Christian Holden prévient qu'on arrive (déjà) à la fin du récital, alors que résonne "Opening Mail for My Grandmother", exécuté avec calme, presque en guitare/voix. Puis Chris Hoffmann et le batteur Sam Frederick quittent la scène avant même la fin du morceau, rapidement imités par le guitariste de la tournée et le leader de la formation.
Un très court laps de temps après, et suite à des remerciements vitesse grand V, le groupe revient au complet sur scène, et lâche un retentissant "Settle the Scar", l'un des morceaux phares du dernier opus, qui vient malheureusement clôturer la soirée, annihilant tout espoir de prolonger ce moment de communion avec le groupe. Non, c'est terminé, et les membres du groupe commencent à ranger le matos à mesure que la salle se vide. Au final, un set un peu court, d'une heure environ ; curieux de noter que "Goodness Pt. 2", qui est quand même le nouvel hymne de The Hotelier, n'a pas été joué ni même annoncé. Dommage. Quelques mots rapides échangés avec les deux guitaristes et la soirée au Biko Club allait toucher à sa fin... du moins, en partie. Ce qu'on croyait. C'était sans compter sur les membres adorables et chaleureux de l'asso locale, et de la meilleure barista d'Italie, répondant au doux nom de Seat Leon.
Au final, il y a eu de légers regrets durant cette performance, notamment sur la durée du concert et peut-être sur un relatif manque d'implication de la part des membres du groupe. Il faut dire que The Hotelier, c'est une bande de gars pas loin d'être des Ricains-types de 25 piges, qui témoignent d'une timidité hallucinante et d'une pudeur qui se ressent jusque dans leur musique. Et rien que ça, c'est cohérent. Nul doute que l'ambiance d'une petite salle italienne et de sa demie-dizaine d'aficionados ne peut faire l'objet d'aucune comparaison possible avec les clubs bondés des States, dans lesquels la formation s'est fait un nom amplement mérité en plusieurs années. Difficile, donc, de juger véritablement tout le potentiel de The Hotelier dans ce contexte précis, même si on aurait pu attendre d'eux plus de vibration, de communication avec le public et de fougue, qu'elle soit scénique ou musicale. En clair, j'ai un peu l'impression d'avoir vu se débattre l'un de ces groupes légendaires d'un courant quasiment disparu depuis près de vingt ans, dans un cadre qui n'était pas vraiment le sien. Une équipe en déplacement. Mais avec tant de bonheur... Moment ana(r)chronique, et une certaine émotion. Longue vie à The Hotelier, et qu'on se souvienne d'eux encore dans quelques décennies.
Bon 15/20 | par Pumpkin Ben |
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