Eric Lapierre Experience
Paris [Résidence Chris Marker] - samedi 28 janvier 2017 |
[Report rédigé à 95% par Santiagoo, vive la main-d'oeuvre chilienne bon marché]
Partir pour un concert parisien en se disant qu'on va se peler les miches, crever la dalle et trainer ses grolles dans la boue, voilà qui change des habituelles salles surchauffées, des kebabs Bouffar3000 de fin de soirée et des converse qui font schlick schlick sur le sol arrosé de coca et de bière.
Et voilà donc la promesse qui s'abat sur nos deux vaillants explorateurs Xsilencieux, conviés au "Concert in Concrete", un concert secret dans un chantier du sud de Paris en cette après-midi de fin de mois de janvier.
Ni une ni deux, c'est solidement équipé (chaussures de randonnée et biscuits de secours) qu'on entre dans cet hangar de bus de la RATP de la Porte d'Orléans au dessus duquel se construisent actuellement des logements étudiants.
Le temps de faire du lèche-vitrines sur la table de merch, d'échanger avec quelques musiciens dont Pete Nolan (batteur des Magik Markers) et Ben Chasny, de découvrir que la "salle de concerts" (5-6m de haut, ça change des caves parisiennes) dispose d'un chauffage d'appoint, qu'il y a des cookies, des brownies, du vin chaud et du coca servis à volonté, et nous voilà fin prêts. Eric Lapierre, l'architecte à la tête du chantier peut alors nous présenter le projet comme il l'entend (il est question d'électricité, d'art qui aboutit toujours à quelque chose de différent de ce qui est planifié, d'hommage rendu à la musique qui l'a inspiré, entre autres) et les concerts à proprement parler peuvent commencer.
Theo Hakola & The Wobbly Ashes
Premier groupe de l'après-midi, Theo Hakola et ses quatre Wobbly Ashes. Un combo basse-batterie-guitares-violon bien en place. Instrumentalement, on se situe quelque part entre Tucson (Arizona) et la Louisiane version Tom Waits qui flirterait avec les 16 Horsepower. La barre de tremolo de la Jaguar n'est jamais bien loin, le violon est à la fête, alternant pizzicati obsédants et envolées mélodiques et, pour ce qui est du chant, l'ami Theo chevrote peut-être un peu trop souvent mais c'est suffisamment habité (façon Stuart Staples des Tindersticks, knowhatImean?) pour que le concert soit des plus agréables.
Jean-François Pauvros + Jean-Marc Montera
Juste après ce premier concert, ne perdant certainement pas l'occasion de remanger et reboire, nos deux xsilencieux se faufilent dans une visite du chantier qui démarre, organisée par des étudiants en Master d'architecture (dont Lapierre est le prof, tous les morceaux se recollent). On laisse le détail aux chroniqueurs de Xterrainvague.net, le webzine communautaire de l'architecture indépendante, mais sachez tout de même que ce projet inclut un funiculaire à l'intérieur du bâtiment (!) et que la machinerie permettant de filtrer les émanations des bus est assez imposante.
Et sachez surtout que la fin de cette visite a empiété sur le début du concert de JF Pauvros et JM Montera. Ce qui est bien dommage car la fin de concert, impro à base de larsens contrôlés et de parties d'archet sur guitare, était suffisamment trippée et fine pour qu'on se fasse des films en écoutant (vous savez, ce moment d'incertitude où le protagoniste se retrouve tout seul, en proie au doute, dans un désert/quai vide/hôpital abandonné et où la bande son dévisse avec lui...). A noter la sortie de scène pleine de panache et de naturel de Jean-François : pendant que son comparse s'échine à sortir de sa guitare des sons et ambiances de haut vol, il range sa guitare dans son étui, enroule ses jacks, enfile son manteau et se barre avec son instrument. Finalement, la musique des deux larrons n'aura peut-être jamais été aussi appropriée que lorsqu'on en percevait un lointain écho qui se répercutait d'une manière bien envoûtante sur les aspérités vacantes du chantier de construction en contrebas. Béton et électricité, qu'on vous dit.
Lee Ranaldo & Leah Singer
Cette fois-ci pas de ballade entre les concerts. On s'enfile quelques cookies, on boit un verre, on revient et l'installation est déjà prête. La scène est cachée par un écran, une guitare pend du plafond au beau milieu de la salle et on attend.
Puis l'écran se garnit d'images et de vidéos de Leah Singer (Madame Ranaldo pour les intimes), Lee finit par arriver, il appuie sur sa pédale de loops et c'est parti. Avec pour seule lumière celle du projecteur, on a droit à environ trois quart d'heures de boucles pendant que Lee frotte les mécaniques de sa guitare par terre, sur les murs, qu'il la décroche, qu'il l'accroche, qu'il l'envoie valser aux quatre coins de la salle et qu'elle tournoie comme un pendule en roue libre (rassurez-vous, elle revient toujours, elle est accrochée au plafond vous vous souvenez?).
Grosse impression, il est très concentré et il a beau maîtriser ses trajectoires, la petite foule réunie autour de lui frémit à chaque lancer, il s'agit de prendre son pied tout en s'assurant que la guitare passe pas trop près quand même.
Finalement, vers la fin, la guitare cogne quelqu'un. Lee s'excuse et reprend. Impossible de savoir si c'est mieux comme ça, si on peut appeler ça un concert ou une performance, la seule certitude étant d'avoir assisté à quelque chose d'assez rare, chelou et marquant.
Ben Chasny
L'entracte suivante fut dans la droite lignée des précédents : m-a-n-g-e-r. Un track food étant installé au sein même du chantier depuis peu (!), on a juste le temps de faire la queue, de se servir des mini burgers, des frites (le tout à volonté pour peanut of course, c'est beau les concerts privés aux frais de la princesse) et de les manger comme des gorets devant Ben Chasny.
Accompagné de sa seule guitare, le bonhomme déploie ses arpèges plus ou moins chevelus et ses mélodies de chant avec conviction et simplicité. Ceux qui ne connaissaient pas du tout ont découvert un songwriting attachant, ceux qui le connaissaient pour des trucs folk psychés (Six Organs of Admittance) ou plus rock'n'roll (Comets on Fire) ont pu voir une face plus exposée, dénudée, du guitariste.
L'avis succint qui suit n'engage que ceux qui veulent bien y croire mais ce set était probablement le sommet musical de l'après-midi.
Magic Markers
Pour clôturer l'évènement, Magik Markers, un trio basse-batterie-guitare du Connecticut signé chez Drag City et ayant déjà quelques accointances avec des membres de Sonic Youth et le susnommé Ben Chasny (le premier wiki venu vous dira tout ça en détail si ça vous intéresse).
Si on devait expliquer le concept, des longues plages de basse/batterie hypnotiques sur lesquelles le chant et la guitare interviennent de manière minimaliste et plutôt expérimentale, vous pourriez croire que ça sonne comme du Disappears mais c'est malheureusement un peu moins enlevé. Pas dit que ce soit passionnant à suivre sur disque mais, en live, l'effet hypnotisant marche bien et les quelques moments où les morceaux décollent (toutes proportions gardées) sont, du coup, aussi rares que précieux.
Un petit speech de fin de notre ami architecte. Un dernier coup d'oeil au plafond qui passé toute la journée à s'effriter et à saupoudrer de manière très poétique et mystérieuse les musiciens de flocons indéterminés (Spéculation gratuite numéro un : c'est de l'amiante, on va tous crever à petit feu. Spéculation gratuite numéro deux : le plafond va nous tomber sur la tête par Toutatis)
Bref, c'est fini. Merci & au revoir, on essaiera de revenir voir le funiculaire quand tout ça sera achevé.
Partir pour un concert parisien en se disant qu'on va se peler les miches, crever la dalle et trainer ses grolles dans la boue, voilà qui change des habituelles salles surchauffées, des kebabs Bouffar3000 de fin de soirée et des converse qui font schlick schlick sur le sol arrosé de coca et de bière.
Et voilà donc la promesse qui s'abat sur nos deux vaillants explorateurs Xsilencieux, conviés au "Concert in Concrete", un concert secret dans un chantier du sud de Paris en cette après-midi de fin de mois de janvier.
Ni une ni deux, c'est solidement équipé (chaussures de randonnée et biscuits de secours) qu'on entre dans cet hangar de bus de la RATP de la Porte d'Orléans au dessus duquel se construisent actuellement des logements étudiants.
Le temps de faire du lèche-vitrines sur la table de merch, d'échanger avec quelques musiciens dont Pete Nolan (batteur des Magik Markers) et Ben Chasny, de découvrir que la "salle de concerts" (5-6m de haut, ça change des caves parisiennes) dispose d'un chauffage d'appoint, qu'il y a des cookies, des brownies, du vin chaud et du coca servis à volonté, et nous voilà fin prêts. Eric Lapierre, l'architecte à la tête du chantier peut alors nous présenter le projet comme il l'entend (il est question d'électricité, d'art qui aboutit toujours à quelque chose de différent de ce qui est planifié, d'hommage rendu à la musique qui l'a inspiré, entre autres) et les concerts à proprement parler peuvent commencer.
Theo Hakola & The Wobbly Ashes
Premier groupe de l'après-midi, Theo Hakola et ses quatre Wobbly Ashes. Un combo basse-batterie-guitares-violon bien en place. Instrumentalement, on se situe quelque part entre Tucson (Arizona) et la Louisiane version Tom Waits qui flirterait avec les 16 Horsepower. La barre de tremolo de la Jaguar n'est jamais bien loin, le violon est à la fête, alternant pizzicati obsédants et envolées mélodiques et, pour ce qui est du chant, l'ami Theo chevrote peut-être un peu trop souvent mais c'est suffisamment habité (façon Stuart Staples des Tindersticks, knowhatImean?) pour que le concert soit des plus agréables.
Jean-François Pauvros + Jean-Marc Montera
Juste après ce premier concert, ne perdant certainement pas l'occasion de remanger et reboire, nos deux xsilencieux se faufilent dans une visite du chantier qui démarre, organisée par des étudiants en Master d'architecture (dont Lapierre est le prof, tous les morceaux se recollent). On laisse le détail aux chroniqueurs de Xterrainvague.net, le webzine communautaire de l'architecture indépendante, mais sachez tout de même que ce projet inclut un funiculaire à l'intérieur du bâtiment (!) et que la machinerie permettant de filtrer les émanations des bus est assez imposante.
Et sachez surtout que la fin de cette visite a empiété sur le début du concert de JF Pauvros et JM Montera. Ce qui est bien dommage car la fin de concert, impro à base de larsens contrôlés et de parties d'archet sur guitare, était suffisamment trippée et fine pour qu'on se fasse des films en écoutant (vous savez, ce moment d'incertitude où le protagoniste se retrouve tout seul, en proie au doute, dans un désert/quai vide/hôpital abandonné et où la bande son dévisse avec lui...). A noter la sortie de scène pleine de panache et de naturel de Jean-François : pendant que son comparse s'échine à sortir de sa guitare des sons et ambiances de haut vol, il range sa guitare dans son étui, enroule ses jacks, enfile son manteau et se barre avec son instrument. Finalement, la musique des deux larrons n'aura peut-être jamais été aussi appropriée que lorsqu'on en percevait un lointain écho qui se répercutait d'une manière bien envoûtante sur les aspérités vacantes du chantier de construction en contrebas. Béton et électricité, qu'on vous dit.
Lee Ranaldo & Leah Singer
Cette fois-ci pas de ballade entre les concerts. On s'enfile quelques cookies, on boit un verre, on revient et l'installation est déjà prête. La scène est cachée par un écran, une guitare pend du plafond au beau milieu de la salle et on attend.
Puis l'écran se garnit d'images et de vidéos de Leah Singer (Madame Ranaldo pour les intimes), Lee finit par arriver, il appuie sur sa pédale de loops et c'est parti. Avec pour seule lumière celle du projecteur, on a droit à environ trois quart d'heures de boucles pendant que Lee frotte les mécaniques de sa guitare par terre, sur les murs, qu'il la décroche, qu'il l'accroche, qu'il l'envoie valser aux quatre coins de la salle et qu'elle tournoie comme un pendule en roue libre (rassurez-vous, elle revient toujours, elle est accrochée au plafond vous vous souvenez?).
Grosse impression, il est très concentré et il a beau maîtriser ses trajectoires, la petite foule réunie autour de lui frémit à chaque lancer, il s'agit de prendre son pied tout en s'assurant que la guitare passe pas trop près quand même.
Finalement, vers la fin, la guitare cogne quelqu'un. Lee s'excuse et reprend. Impossible de savoir si c'est mieux comme ça, si on peut appeler ça un concert ou une performance, la seule certitude étant d'avoir assisté à quelque chose d'assez rare, chelou et marquant.
Ben Chasny
L'entracte suivante fut dans la droite lignée des précédents : m-a-n-g-e-r. Un track food étant installé au sein même du chantier depuis peu (!), on a juste le temps de faire la queue, de se servir des mini burgers, des frites (le tout à volonté pour peanut of course, c'est beau les concerts privés aux frais de la princesse) et de les manger comme des gorets devant Ben Chasny.
Accompagné de sa seule guitare, le bonhomme déploie ses arpèges plus ou moins chevelus et ses mélodies de chant avec conviction et simplicité. Ceux qui ne connaissaient pas du tout ont découvert un songwriting attachant, ceux qui le connaissaient pour des trucs folk psychés (Six Organs of Admittance) ou plus rock'n'roll (Comets on Fire) ont pu voir une face plus exposée, dénudée, du guitariste.
L'avis succint qui suit n'engage que ceux qui veulent bien y croire mais ce set était probablement le sommet musical de l'après-midi.
Magic Markers
Pour clôturer l'évènement, Magik Markers, un trio basse-batterie-guitare du Connecticut signé chez Drag City et ayant déjà quelques accointances avec des membres de Sonic Youth et le susnommé Ben Chasny (le premier wiki venu vous dira tout ça en détail si ça vous intéresse).
Si on devait expliquer le concept, des longues plages de basse/batterie hypnotiques sur lesquelles le chant et la guitare interviennent de manière minimaliste et plutôt expérimentale, vous pourriez croire que ça sonne comme du Disappears mais c'est malheureusement un peu moins enlevé. Pas dit que ce soit passionnant à suivre sur disque mais, en live, l'effet hypnotisant marche bien et les quelques moments où les morceaux décollent (toutes proportions gardées) sont, du coup, aussi rares que précieux.
Un petit speech de fin de notre ami architecte. Un dernier coup d'oeil au plafond qui passé toute la journée à s'effriter et à saupoudrer de manière très poétique et mystérieuse les musiciens de flocons indéterminés (Spéculation gratuite numéro un : c'est de l'amiante, on va tous crever à petit feu. Spéculation gratuite numéro deux : le plafond va nous tomber sur la tête par Toutatis)
Bref, c'est fini. Merci & au revoir, on essaiera de revenir voir le funiculaire quand tout ça sera achevé.
Très bon 16/20 | par X_Wazoo |
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