Black Yaya

Paris [Folk You Festival (au Divan Du Monde)] - samedi 13 juin 2015

 Black Yaya
Les lumières s'éteignent et Julie Doiron sort de scène sous les bravos. On aimerait bien se faire un petit suspense quant au prochain challenger (Black Yaya kézako?) mais Julie nous a gâché la surprise en l'invitant sur le dernier tiers de son set : il s'agit de nul autre que David Ivar, meneur des foldingos de Herman Düne, combo franco-suédois responsable entre autres d'avoir répandu la bonne parole antifolk sur le territoire européen. J'en profite pour souffler un peu et me balader dans la salle. Et je serais bien con de ne pas en profiter vu le décor. Le Divan du Monde, pour ceusses qui, comme moi, débarquent, c'est une sorte de pot-pourri élégant de brics et de brocs. Avec l'impression de se retrouver dans un salon chinois moderne super design, avec des rideaux de scène léopard et des collages creepy sur les murs au fond du balcon.

Lorsque monsieur Yaya entame son set, je suis encore peinard dans mon canapé (ouais, ils ont même des canapés). Le temps de trouver la force de lever mon cul de son trône, et de trouver l'adresse d'esquiver le couple fou qui barre le passage du balcon en dansant un rock acrobatérotique, et le premier morceau est déjà bien entamé. Une fois parvenu jusqu'à la fosse bondée, je peux entrevoir l'étrange setting que David Yaya a disposé sur la scène. Seul, avec un éclairage orange intimiste, façon "je lis une histoire à mon ch'tiot avant d'aller dormir", il a placé trois portraits peints, quasiment identiques, trois gros plans impressionnistes d'un homme barbu dans les tons noirs, bleu, jaune. Ajoutons à cela le faciès christique de monsieur Black Ivar, qui scande sa chanson avec le même air pénétré que prennent certains hommes pieux lorsqu'ils en appellent à voix haute à leur(s) Dieu(x), et on obtient un instantané qui me donne l'impression d'assister à une scène biblique miniature.

Quant à la musique en elle-même, on serait en droit d'appeler du folk progressif. Ben quoi ? Comment vous voulez désigner autrement une performance folk qui fait progressivement monter un nouveau musicien sur scène tous les deux morceaux ? Bon blague à part, on serait tenté d'affubler le set de Blackid Yayavar du sobriquet tarte-à-la-crème "de facture classique m'voyez", mais ce serait éclipser le fond au profit de la forme et passer sous le silence la qualité remarquable des compositions du bonhomme. Et là, même si on est – comme moi – néophyte aux travaux de Herman Düne, on comprend ce soir la réputation de fer-de-lance talentueux qu'ils se tapent. L'interprétation de Black Yoyo est tout aussi marquante ; la nuque courbée vers le micro, les sourcils froncés, il délivre ses compos comme si c'était la première fois (ou la dernière c'est selon), pour un concert qui évolue en intensité, depuis l'intime sobriété initiale au final festif, parallèlement à l'arrivée successive des invités. D'abord un bassiste pour amplifier le propos, puis Julie Doiron qui vient rendre la pareille à son poto et enfin Jeffrey Lewis himself, tête d'affiche de la soirée, qui apparaît pour la première fois ce soir. On retiendra notamment dans ce bel ensemble une chanson composée en hommage à Lou Reed, décédé depuis peu ; l'émotion de David est palpable et, malgré un final un chouia niaiseux, me laisse une petit boule au ventre. " How strange it is to miss someone you never met ". Indeed Daveed, indeed.

Mais refoulons nos larmes, car le plus gros morceau de la soirée reste à venir, le voilà d'ailleurs qui débarque sur la scène, un grand sourire goguenard sur ses lèvres...


Très bon   16/20
par X_Wazoo


  Photo par Laurence Buisson


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