Social Square
"Trois c'est le minimum pour pas t'ennuyer et le max pour pas te marcher sur les pieds" [vendredi 11 septembre 2015] |
C'est dans l'arrière salle du Petit Château d'Eau que Social Square se livre, racontant la genèse du groupe, Freak Scene, nous parle d'Influenza, de niche & de Pascal Obispo aussi. La discussion débute naturellement...
Interview faite par Chaos & Poplaboubou.
Interview faite par Chaos & Poplaboubou.
C : Commençons par une question assez fréquente, comment vous êtes vous rencontré ?
P : On a compris qu'il y a eu un point pilier de bar (rires)
Patrick : Adeline nous a rejoints il y a 6 mois
Adeline : Il y a plus de 6 mois, le 25 février 2015 mais on a répété pour la première fois début avril.
P : Parce que finalement le groupe c'est formé quand ?
Faez : Le groupe s'est formé en 2005 et j'y étais pas.
Adeline (en fond) : Ouf... Il y a un siècle !
Patrick : Il y avait que moi en fait, je suis comme Axl Rose.
Adeline : En fait il a déposé le nom du groupe à l'office des appellations protégées (rires)
Patrick : Il y avait un autre batteur jusqu'en 2009 et ensuite Faez et donc Adeline (ndc : à la basse) depuis 6 mois.
P : On aurait presque l'impression que tu cherches un backing band pour ton projet solo...
Patrick : Bon c'est pas exactement ça. Le premier batteur est parti vivre à Bordeaux, j'y peux rien, et j'ai rencontré Faez pas longtemps après.
C : Donc ça n'a jamais été un projet solo ?
Patrick : Jamais, ça a toujours été un groupe et c'est juste que les membres ont changé. C'est pas du tout un truc genre "j'ai fait des maquettes chez moi faut que je trouve des gars pour les jouer".
Adeline : Il y a pas de leader (rires). Il y en a un qui écrit les chansons et d'autres qui les jouent mais il y a pas de leader.
Faez : Mais il y a un dealer (rires).
Patrick : On peut dire que la genèse du groupe est un peu compliquée mais que le groupe existe depuis 2005.
P : Du coup le groupe a évolué mais as tu l'impression que le son a évolué également ? Vous vous décrivez comment finalement ?
Patrick : Indie rock. Oui le son a un peu évolué, mais bon les influences que j'avais à l'époque sont les mêmes. Faez bon, même s’il écoute du jazz bizarre et pleins de trucs, on se retrouve sur les influences, et puis Adeline aussi. C'est pas comme si non plus on avait cherché un bassiste reggae et puis rajouté un synthé, donc le son oui, il a évolué mais on reste dans le même style.
P : Après écouter du jazz bizarre c'est pas une tare en soit, il y a pas mal de groupe indie qui ont des influences différentes et notamment jazz bizarre, je pense à Sonic Youth dont un des membres est fan de free jazz et ça se marie bien dans certaines de leurs compos.
Patrick : Nous ça se ressent pas du tout... Je n’écoute pas que du rock indé non plus mais le groupe lui même est toujours resté dans un sillon bien défini. Les groupes des années 90 sont ceux qui font le son du groupe. Même si Faez écoute des trucs bizarres, ce sont les groupes qu'il a écouté quand il avait 15 ans et ce sont les mêmes que moi.
Faez : Il y a une direction, il faut toujours faire gaffe à ce que tu vas faire. Même si pleins de groupes te disent que c'est un peu spontané, il y a toujours un peu de calculs. Il faut filtrer ce qui est jouable, j'écoute de la musique classique, ils en ont rien à foutre et Social Square non plus. Du coup je ne vais pas sortir des plans de reggae ce serait complètement déplacé. Sauf si tu conceptualises et que tu dis que tu vas faire de la fusion mais c'est pas notre démarche. Notre démarche c'est faire des trucs qui nous plaisent, qui font consensus.
C : Oui c'est ce qui vient naturellement
Adeline : Oui qui nous plaisent.
Patrick : Tout le monde nous dit depuis le début "Ah c'est vachement années 90". J'ai jamais voulu faire ça.
P : On sent que c'est votre base musicale commune.
Faez : Pour moi c'est important que ça ne dépareille pas, le plus important ce n’est pas ce que j'écoute mais ce que le groupe écoute en commun et qui a quelque chose à voir avec Social Square.
C : Comme dans beaucoup de groupes il y a des passages où on jam.
Patrick : Nous pas tellement....
C : Comment vous travaillez vos morceaux dans ce cas ? Comment fonctionne une répète classique chez vous ?
Patrick : Une répète classique c'est quand même beaucoup répéter nos morceaux existant.
Adeline : Surtout que je viens d'arriver et qu'il fallait que j'apprenne les morceaux déjà existant.
Patrick : Oui mais même.
Faez : Au delà de ça c'est souvent Patrick qui ramène le squelette.
Adeline : Oui il arrive avec des riffs.
Faez : Il a déjà une idée de l'ambiance du morceau et là on brode. On a un morceau qu'on a composé depuis qu'Adeline nous a rejoint, donc on peut déjà parler de la manière dont le lineup fonctionne. En fait c'est assez banal, mais ça veut pas dire que c'est mauvais en soit. Chacun apporte sa pierre à l'édifice, chacun son territoire.
Patrick : J'ai toujours joué dans des groupes à 4 avant et quand j'ai voulu faire un trio, c'était justement pour ça, pour que chacun ai son territoire bien défini, que personne ne se marche sur les pieds. Moi je vais pas dire au bassiste, ni au batteur tu joues telle note, en tout cas pas tout le temps (rires). Il faut que chacun ait son espace.
Adeline : Moi je suis plus sur les structures du morceau, savoir quelle partie mettre après l'autre. Je suis ingénieur structure.
P : Il y a tout de même eu une vraie volonté de monter un trio ?
Patrick : Oui, depuis 10 ans on aurait pu rajouter un claviériste, un deuxième guitariste. Et puis moins il y a de gens plus c'est simple, ne serait ce que pour les horaires de répètes. Après deux c'est bien, les Whites Stripes, les Black Keys ils font des trucs sympa mais personnellement, trois c'est le minimum pour pas t'ennuyer et le max pour pas te marcher sur les pieds.
C : Donc pas de Social Square à 4 dans un futur proche.
Patrick : Il y a pas de projets dans ce sens. Par contre des collaborations ponctuelles, c'est bien.
P : Au niveau de votre discographie, je me suis arrêté sur l'EP que j'avais acheté à une soirée Influenza.
Patrick : Kaiju Quick Fix ?
P : Non le précèdent Carry On, d'ailleurs on s'est posé la question, doit-on le considérer comme un album ou un EP ?
Patrick : A la base c'était un EP qui avait six morceaux, puis on a enregistré trois autres titres et on s'est dit qu'on allait les greffer aux précédents.
P : Et comment s'est passé l'enregistrement, vous étiez auto produit ? Vous avez cherché à vous rapprocher d'un label à ce moment la ?
Faez : On a pas cherché de label, c'est Influenza via Santiago (membre de Wonderflu aussi sur le label) qui est venu nous chercher.
Patrick : Avant même qu'on le sache, ils avaient déjà jeté leur dévolu sur nous. On avait joué ensemble à La Gare Aux Gorilles, et j'ai appris récemment que c'est eux qui ont proposé que nous fassions parti de la prog, avec d'autres groupes qu'ils avaient aussi embarqués. Et quelques temps plus tard, ils nous ont recontacté pour nous dire qu'ils aimeraient bien monté un truc avec plusieurs groupes.
P : Finalement le droit de passage pour entrer dans la secte c'est Santiago, qui doit vous choper, qui a réussi à vous découvrir.
Patrick : Parce que lui il est très fort, il passe beaucoup de temps à découvrir de nouveaux groupes.
P : Il vous a montré sa petite technique pour découvrir d'autres groupes ?
Patrick : Bah il a carrément créé un site ( http://www.influenza-records.com/find/ ) En tout cas il dévoue beaucoup de son temps à ça et j'imagine que c'est comme ça qu'il nous a trouvé.
P : Et du coup qu'est ce qui vous a poussé à rentrer chez Influenza vu que vous aviez l'air d'être contre le fait de rentrer dans ce type de structure ?
Patrick : Bah c'est surtout le fait de les connaitre, quand ils nous ont parlé de ça on avait déjà joué avec eux.
Faez : La vibe était bonne, la musique qu'il proposait était bonne, les influences collaient et on ramait un peu tout seul. Leur logique de regrouper des groupes surtout sur Paris nous paraissait bonne.
C : Justement qu'est ce que vous pensez de la scène parisienne ?
Faez et Patrick : Bah il y en a pas !
Faez : Il y en a eu peut être dans les années 80...
Patrick : Il y avait les alternos.
Faez : Avant les alternos, il y avait aussi les Daho, Eudeline, Lili Drop. On était gamin, on serait menteur de dire qu'on adorait ce qu'ils faisaient. Les mecs comme Jad Wio, tout le monde trouvait ça génial à l'époque car il y avait rien d'autres. Je ne suis pas en train de dire que c'était pourri mais c'était le début, je respecte. Pour revenir à la question il y a pas de scène. Les bébés rockeurs ils viennent pas de Paris, il y a pas de scène parisienne.
Patrick : A Paris, il y a du rap et de la techno... Enfin de la musique électronique. Pour le rock, il y a Rennes et Bordeaux en France.
Faez : Et vous qui êtes de l'autre coté de la barrière vous en pensez quoi ?
P : Je pense qu'on est globalement sur la même longueur d'onde
Faez : Il y a des bons groupes mais il n'y a pas de scène.
Patrick : Wonderflu sont venus avec ce même constat, il y a des bons groupes mais chacun fait son truc dans son coin sans jamais s'entraider. Sans jamais se connaitre vraiment.
P : Il y a une vraie volonté chez Influenza de recruter des groupes dans cette mouvance ?
Patrick : Oui mais le problème que l'on rencontre c'est de trouver des groupes où la musique et l'état d'esprit sont en accords avec nos valeurs. Et c'est plutôt dur à trouver. Santiago est bien placé pour le dire lui qui scrute en permanence.
C : Influenza est exigeant !
Patrick : C'est compliqué de se lancer avec des gens avec lesquels tu sens que ça colle pas et pareil, on ne pense pas agrandir Influenza avec des groupes de Bordeaux ou de Lyon, parce qu'on fera un concert ensemble une fois et puis c'est tout.
C : C'est donc quoi l'état d'esprit ?
Patrick : Flyer pour des concerts mutuels, pas trop se prendre la tête, ne pas porter de rayban quand tu arrives sur scène.
Faez : De manière globale, avoir une vision collective.
Adeline : Pas trop être prétentieux ou snob.
Patrick : C'est un rapport à la musique en fait, pourquoi est ce que tu fais ça ? Il y a pleins de groupe où tu te dis quand ils ont eu 25 ans ils avaient juste envie de porter des santiags et de peloter des minettes. Bon évidemment on force un peu le trait, mais tu en as plein des groupes qui te parlent de leurs œuvres en se prenant un peu trop au sérieux et on est pas comme ça.
Faez : Les mecs qui utilisent le mot opus pour parler d'albums (rires)
C : Ils vivent dans le passé ces gens là (rires)
Faez : Opus et le verbe lorgner, qui lorgne du coté de...
Patrick : C'est vos tics de journalistes musicaux (rires). Indépendamment de ça, il y a pleins de groupes qui sont très sympa et dans le même état d'esprit mais dans un style un peu différent, un peu plus vers le métal ou vers le punk et ça, ça nous convient pas. On est dans un créneau très bâtard et donc on est un peu tout seul.
Faez : Tu sais, mine de rien en moins de deux ans d'existence c'est déjà pas mal qu'il y ait trois groupes dans le label. Après on ne cherche pas non plus à être six groupes.
Patrick : C'est aussi l'intérêt, c'est qu'on se connait tous, on joue souvent ensemble, on se voit souvent et c’est aussi ça l'état d'esprit. Pas question de mettre un tampon Influenza sur tout les groupes avec lesquels on aurait vaguement joué.
C : Est ce qu'il y aurait pour vous un début d'influence autour de votre label ?
Patrick : Souvent il y a des gens, dès que tu as un logo ça fait sérieux, donc des groupes nous contactent en nous disant, "Tiens ça m'intéresserait d'être produit par vous !". Et là on leur explique qu'on est juste des groupes comme eux sauf qu'on s'est mis ensemble. Il y a pas de "Tiens coco -avec un gros cigare- viens on va te produire ton album"
P : Indirectement ça veut dire que les gens entendent parler de vous.
Patrick : Oui ça, ça fait plaisir, ça veut dire que les gens ont vu passer du Influenza et se sont dit que c'était un truc sérieux.
P : Parce qu'au final on a appelé Greg (membre de Wonderflu et un des initiateurs du label), pour savoir quand était né le label...
Patrick : Et alors il a dit quoi ?
P : Et bien c'était pas très clair dans sa tête (rire). Il a hésité entre 2011 et 2012, il savait plus trop. Nous il nous semblait que c'était 2011.
Patrick : Eux avaient déjà l'idée de monter le label quand ils nous ont approchés et je sais plus non quand c'était.
Faez : Moi je me souviens, je suis le seul survivant de la première AG et qui était en même temps un espèce de baptême Influenza. On s'était retrouvé tout les groupes ensemble pour prévoir ce qu'on allait faire ensemble et c'était l'été 2013.
P : Donc c'était en 2013 en fait.
Faez : Il y a deux ans a germé l'idée de faire cette compilation notamment.
P : Finalement en deux ans d'existence, vous avez votre label, vous avez sorti des Ep & une compilation, vous organisez votre deuxième festival. Vous réussissez à prendre du recul sur le travail que vous avez abattu en si peu de temps ?
Faez : C'est vrai qu'on en a fait plus que ce qu'on pouvait imaginer.
P : Du coup aucun regret d'être rentré dans ce type de structure ?
Faez : Carrément
Patrick : C'est comme n'importe quel domaine de la vie, si quelqu'un te dit "ok collaborons car on fait la même chose", alors faisons le ensemble. On a pas hésité.
Adeline : C'est beaucoup plus dynamique d'être plusieurs.
Faez : Si tu es tout seul dans ton coin, c'est par exemple comme l'interview avec vous, quand on était seul on avait réussi a décrocher qu'une interview et c'était avec une radio en Seine et Marne et désormais la fréquence a clairement augmentée.
P : Le label se décrit comme un label associatif et c'est vraiment ce qu'on ressent à vous entendre
Patrick : Oui, ça veut aussi dire qu’on n’a pas d'argent et que les mecs qui disent "On veut être produit par vous", ils ont pas compris que l'on avait pas un budget pour produire les groupes, c'est pas comme ça que ça marche. On est plus des petits producteurs qui nous mettons ensemble pour faire la même chose dans de meilleurs conditions.
C : Je sais que Santiago apprécie beaucoup le bouquin Our Band Could Be Your Life, et quand je pense au début d'Influenza ça me fait beaucoup penser au début de SST avec Black Flag qui ont aidé d'autres groupes justement.
Patrick : Cette histoire là et d'autres similaires se sont passées dans pleins de ville à pleins d'époques.
Faez : C'est une nécessité, personne ne veut de nous ! Donc si on se met ensemble on arrivera sûrement à se faire entendre, à se créer un réseau pour s'auto-distribuer.
Patrick : Finalement en France ça s'est déjà fait dans d'autres villes, il y a une scène bordelaise, une scène lyonnaise sauf qu'a Paris ça se fait pas, et il y a pas de raisons.
Faez : Si il y a deux raisons, je ne te connais pas je ne t'aime pas, et, tu écoutes pas la même musique que moi, donc t'es pas sympa.
Patrick : Il y a des causes mais il y a pas de raisons. Et puis il y a trop de monde, il y a tellement de groupes et tellement de concurrence que les groupes se demandent ce qu'ils doivent faire pour sortir du lot donc il y a pas d'entraide. Alors que nous on s'est posé la question, qu'est ce qu'on peut faire pour faire entendre parler de nous ? Car on sait bien que si les gens parlent de Wonderflu ou de Polarbird, il y a des chances que l'on soit mentionné aussi et vice versa. Donc on a tous intérêt à faire tourner le moulin.
P : Vous dites qu'il y a finalement beaucoup de groupes sur Paris, mais pourtant des groupes typés 90 il y en a pas tant que ça. De plus ces dernières années, on a vécu un mini revival de années 90 et on a vu qu'il y avait un public pour ces groupes là.
Patrick : Tu veux dire des groupes étrangers ?
C : Oui, des groupes comme Cloud Nothing ou Yuck typés très 90 ou même des groupes historique comme Yo La Tengo.
Patrick : Et tu vas au concert et tu te dis qu'il y a plein de gens qui écoutent cette musique là. Après, est ce que ces gens-là vont aller voir des petits groupes de la scène parisienne ?
Faez : Je sais même pas si c'est un problème de rock indé ou pas. Je discutais avec des mecs du flyage, notamment avec un mec qui fait ça depuis 30 ans et qui était mon ancien manager quand j'étais dans un groupe. Quand il a commencé, c'était pas encore sursaturé de concerts, il y a des salles cultes, 40 ou 50 maximum. Le Lylo n'existait pas, il n'y avait pas internet. Quand tu ouvres un Lylo tu sais presque pas où aller tellement tu as du choix.
Patrick : Enfin ça c'est le problème à Paris. Sur Bordeaux ou à Rennes je pense qu'il y a moins de choses qui se passent.
P : Mais j'ai l'impression comme vous que le problème est assez multiple, c'est assez intéressant je discutais d'un sujet avec un ami autour de la musique et c'est un peu le même constat, il y a beaucoup trop de choix parce que finalement c'est devenu plus accessible d'en écouter et d'en produire. Ce qui n'était pas le cas il y a pas mal d'années. Il me disait avant il y avait des références, ce qui permettait de faire émerger des gens. Et donc la communication se faisait naturellement parce que les grands journaux étaient bien plus fan de musique. Il y avait des dénicheurs qui allaient chercher dans les scènes locales, faire monter les artistes... Ce qui a été perdu dans les années 80/90 ou la musique avait des visées bien plus commerciales... Est-ce que ce ne serait pas ça qui manquerait aujourd'hui, que ce soit un journal ou des personnes qui font la programmation tout simplement ? Parce que le public est là... N'y aurait-il pas dans toute l'industrie musicale, des personnes qui n'arrivent plus à faire émerger de talents, du moins à mettre en avant les artistes d'un domaine musical avec leur public ?
Faez: J'ai une petite idée de départ qui peut constituer une réponse. De quelle industrie musicale tu me parles ? Parce que tu en as plusieurs. Je pense qu'aujourd'hui la musique est le parent pauvre de la culture. Ça se vend beaucoup moins que le cinéma ou les jeux vidéos. Regarde en termes de vente, les skeuds que tu achètes, et je ne parle pas de ceux piratés, c'est moins que les ventes réalisées par les jeux vidéos ou les dvd et le cinéma. Ensuite je suis persuadé que la situation est bien pire aujourd'hui qu'il n'y a 30 ans en ce qui concerne le degré d'amour de la musique des gens qui travaillent dans l'industrie musicale. Le peu de gens que j'ai rencontré dans cette industrie avant d'être avec Social Square, c'était des gens qui étaient pro mais qui n'en avait rien à foutre de la musique ; franchement ça les emmerdait d'être dans la musique. C'était une espèce de tare, de punition, avant de trouver mieux. Quel que soit la position qu'ils occupaient...
C : Un job intermédiaire quoi...
Faez : C'était un job intermédiaire. C'était une espèce de truc non pas par défaut, mais en attendant de pouvoir faire mieux dans la culture..
C : Dans le cinéma...
Patrick : Ou dans le marketing...
Faez : C'était une punition et c'étaient des espèces de gros beaufs. Enfin des faux beaufs, des mecs instruits mais qui n'en avaient rien à foutre de l'industrie musicale.
Patrick : Noircis un peu le tableau (rires). C'est venu avec la professionnalisation de l'industrie musicale. Ils ont des diplômes reconnus et...
Faez : Attention, alors attention, ils sortent, ils vont à tous les concerts parce qu'il faut y aller de toute façon c'est leur taf. D'ailleurs ce qui est dégueulasse c'est que nous quand on avait nos entrées limités pour inviter du monde, 10 places par musicien. Bah y'en avait 8 qui partaient pour ces enfoirés. Et nos potes, y'en avait que deux qui pouvaient rentrer. Avec des gens invités qui des fois ne se pointaient même pas à nos concerts...
(Interruption par le barman qui nous fait changer de place, le fond du bar ayant été réservé pour 19h)
Faez : Là je vous racontais un peu les cuisines. Mais pour écourter l'histoire, c'est pas avec des gars comme ça que l'indie rock 90's, qui est un marché de niche si on parle en terme de marché, mais... ça n'intéressera jamais ces gens-là. Donc on revient au départ. Si on veut se faire entendre, créer un mouvement, c'est ce que vous disiez c'est le Do It Yourself parce que ces gens là ne s'intéresseront jamais à ce que l'on fait. Ces gens-là ils n'aiment pas la musique, notre musique. Ils vont aux concerts, et à l'époque je peux te citer les groupes fashions, ils allaient voir les Vampire Weekend, ils allaient voir les groupes qui venaient de sortir... Mais ils aimaient ça parce qu'il fallait aimer ça.
Patrick : Moi j'aime bien Vampire Weekend
Faez : Oui moi aussi mais à l'époque, tu vois... C'était à l'époque même les gens qui n'aimaient pas ça disaient qu'ils aiment bien quand même.
Patrick : Si on peut revenir sur le fait qu'on est dans une niche, et le problème c’est qu'on est aussi pas assez dans une niche. Parce que si on faisait du reggae ou du doom ou de la musique expérimental ou des trucs comme ça très très précis... y'a une scène, y'a un réseau, quelques dizaines de personnes dans chaque ville mais y'en a. Et à chaque fois une salle de concert ou à chaque fois des soirées dédiées à ça. Mais pour le rock indé y'en a pas. Ça n'existe pas. Mais plein de fois j'ai constaté ça, comme dans le punk, y'a un réseau punk. Quand t'es bien intégré dans ce réseau tu montes une tournée sans peine. C'est pas comme ça pour le rock indé, on est trop généraliste. Tout en étant pas assez généraliste, parce qu'on fait pas non plus du Pascal Obispo. On a un peu le cul entre deux chaises avec le rock indé. C'est peut être pour ça aussi qu'on a autant de mal à trouver des groupes qui ont le même état d'esprit que nous. Parce que les mecs ils sont trop dans leur truc trop précis - que ce soit funk reggae ou n'importe - bah on colle pas trop. Et des groupes qui soient trop pop grand public ou variétoche ça le fait pas trop, déjà ils chantent en français - à ce moment c'est mal barré. Et nous on se situe au milieu, dans un espèce de creux là et c'est dommage puisque c'est la musique qu'on aime. Mais bon c'est comme ça.
C : Parlons un peu du Freakscene qui va se passer dans deux semaines. La seconde édition du festival. La première avait eu lieu en 2013 dans un boulodrome à Charenton.
Faez : Patrick y était...
Patrick : Ouais
Faez : Moi j'y étais pas.
Patrick : C'était déjà une belle réussite d'avoir réussi à faire venir tout ce monde et d'avoir organisé tout ça. Mais c'était vraiment avec des bouts de ficelles...
Adeline : C'était en plein air en fait ?
Patrick : La scène était couverte. La plupart des trucs était en plein air mais les concerts étaient sous une halle. Mais de toute façon il a pas plu. Enfin je crois pas...
C : Non non
Patrick : Mais excellente question. Mais là ils ont réussi à convaincre la Flèche d'Or quand même. Forcément y'aura moins de possibilités de faire des trucs annexes rigolos (de nombreux stands annexes étaient disponible lors de la première édition du festival).
C : Oui compte tenu de la Flèche d'Or...
Patrick : Parce que contraindre une salle, voilà y'a déjà un bar sur place.
Adeline : Le barbecue peut se faire en terrasse...
Patrick : Tout à fait ils vont faire le barbeuq dehors c'est déjà bien. Mais c'est très bien parce que c'est une vrai salle, avec une vrai scène, de vrais équipements, des lumières et tout.
Adeline : Du vrai matos ouais...
Patrick : Et puis surtout la Flèche d'or a dit ok, on vous fait confiance et on va essayer... Plutôt que juste une connexion de connexion qui a fait qu'ils ont pu emprunter le boulodrome. C'est quand même un ton au-dessus.
Adeline : Parce que souvent ça se passe comme ça, les salles c'est "Ouais filez moi 1800 balles et démerdez vous".
Patrick : Oui mais il faut quand même qu'ils disent oui.
P : Oui, en fait je pense que c'est ça qui est intéressant.
Patrick : Evidemment la Flèche d'or ils vont pas perdre d'argent. Au pire ça va leur revenir à zéro donc ils sont pas inquiets. Mais ça veut dire que ce soir-là ils font rien d'autre. Il faut qu'ils disent oui, qu'ils s'engagent quand même.
C : Et du coup en 2013 vous n'avez pas joué à la première édition. Pourquoi ?
Faez : C'est une tournante...
Patrick : Parce que Wonderflu a joué. Tout simplement. Parce qu'ils voulaient pas faire un festival ou y a que les groupes Influenza qui jouent. Donc Wonderflu a joué la première. Vous constaterez qu'ils ne jouent pas cette fois ci. Et donc ils voulaient que ce soit un des trois groupes qui jouent, donc pas eux et bien il reste Polarbird et nous. Et bah c'est nous voilà, et la prochaine fois ce sera Polarbird.
P : Et ça se passe comment justement, y'a une battle royal entre groupes, c'est tiré à pile ou face ? (rires)
Patrick : Non c'est c'est...
C : Suivant la disponibilité ?
Patrick : Ouais, c'est une décision qui n'a pas été prise par nous.
Faez : De toute façon on a pas été partie prenante de ça. On nous a notifié qu'on...
Patrick : Qu'on était invité, et on a dit ok.
P : Le festival se passe désormais à la Flèche d'or. La programmation pour la seconde édition est aussi plus internationale. C'est intéressant de noter la transition. Et c'est là qu'on commence à sentir qu'il y a quelque chose autour de ce label. J'ai l'impression que ça s'est fait aux aléas de concerts ou de concerts communs que vous avez faits avec les groupes.
Patrick : Tu veux dire avec Disco Doom et...
C : We Insist ?
Patrick : Bah non We Insist ils sont de Paris. Ya pas des belges ?
Adeline : Non ils sont suisses Disco Doom.
Patrick : Oui mais y a pas de belges ? Bon bref c'est déjà bien...
Adeline : Et y a Appletop qui vient de...
Patrick : De Bordeaux
Adeline : Non du Var.
Patrick : Du Var. Quelque part au sud de la Loire.
P : Et du coup vous avez participé à la programmation ? Ça s’est passé comment ?
Patrick : On a reçu des ordres du festival... (sourire). On a donné des idées.
Adeline : On a proposé des groupes qu'on aimait bien, ils vont revenir vers nous normalement…
Faez : Y'avait aucun des groupes dispo parmi ceux qu'on aimait bien...
Patrick : Ouais ils ont demandé a beaucoup de groupes quand même, dont des gens plus connus encore. Voilà question d'agenda et d'argent ils font le tri rapidement...
P : D'accord. Parce que finalement c'est pas un festival Do It Yourself ?
Patrick : Bah si parce que y'a pas de sponsors... Y'a pas de gros chèques... C'est vraiment bonne volonté. C'est DIY dans la mesure où y'a pas un rond.
P : Et y a combien de personnes derrière au final ? Comment vous organisez ce genre choses ? Est-ce que y a du matos à ramener... ?
Patrick : On le fait entre nous. On s'est échangé des mails déjà. Faez va prêter sa batterie. Alors scoop de behind the scenes ! (rires) Ce sera la batterie de Social Square sur laquelle joueront tous les groupes. Y compris des We Insist ou des suisses qui jouent dans des festivals ou tout ça. Donc là aussi on s'entraide quoi. Ce qui me parait la moindre des choses.
Faez : Et de toute façon, encore une fois... Relis le bouquin de Michael Azerrad. Il est question de ça aussi. Un type qui prête sa batterie pour tous les groupes, dans SST... Tu as Sacharrine Trust qui joue sur la même batterie que Black Flag et puis... C'était comme ça et c'est pareil pour les groupes de jazz qui faisaient ça aussi. Saturne Records aussi...
Patrick : Jusque maintenant je m'étais pas posé ce genre de questions mais, dans le fond, genre les bébés rockeurs je pense pas qu'ils accepteraient tous de se prêter une batterie. C'est juste une question d'état d'esprit pour tous. Alors que nous ça nous parait juste normal. Évidemment qu'on va jouer sur la batterie de quelqu'un, que ce soit la nôtre ou celle de quelqu'un d'autre.
Faez : On va pas ramener sept batteries...
Patrick : Mais c'est normal aussi que ce soit pas Influenza qui loue une batterie par exemple. Enfin tout ça me parait...
C : C'est du bon sens.
Patrick : C'est du bon sens. Mais pour nous. Je connais un tas d'autres gens qui ne voient pas les choses comme ça.
C : Ouais mais ça complique la relation au point où à un moment donnée le festival tombe... Enfin que ça ne se fasse plus quoi
Patrick : Mais parfaitement. Des gens qui disent "Ah mais non hors de question". Et à cause de ça rien ne se fait. Ça arrive tout le temps. Et pourtant des mecs qui n'ont pas objectivement la carrure financière pour se permettre d'être des divas. Mais ça arrive tout le temps. Maintenant que vous nous posez la question c'est vrai que c'est pas évident pour tout le monde, mais pour nous oui.
C : Est-ce que les autres groupes comme DiscoDoom ou Appletop participent eux aussi à l'organisation ?
Patrick : Là tu viens de citer les deux qui viennent de loin. Donc on peut pas leur demander d'apporter plus que leurs guitares. Parce qu'ils vont être payés trois francs six sous donc c'est normal qu'ils jouent sur notre matos. Les autres groupes ils sont de Paris, donc certains vont apporter leurs amplis. Tout le monde a dit "y'a pas de problèmes vous jouez dessus si vous voulez". En même temps y'a aussi le matos de la Flèche d'Or. Pour une fois on est plutôt bien lotis.
P : Et il vous reste encore des choses à gérer dans l’organisation du festival ? Tout est déjà carré, tout est déjà réglé ou il reste encore des choses ? Le cas de la batterie j'ai l'impression ça vient de se régler. Mais du coup...
Adeline : Il reste à acheter de la viande pour le barbecue... Des gobelets en plastique... Des fourchettes couteaux, des assiettes en cartons (rires)
Faez : On va tirer à la courte paille l'ouvreuse... Je sais pas qui va faire l'ouvreuse ?
Patrick : Le principal c'est bon. On a la date, on a la salle, on a le matos, on a l'affiche, on a le prix d'entrée... C'est bon.
Faez : Une salle de bains ? (rires)
P : Mais c'est vrai qu'on retrouve aussi cet esprit... Ou finalement petit à petit on sent que vous créez ce réseau en fait. Parce que finalement Influenza c'est de la musique, mais à part les collaborations musicales, il y a aussi une collaboration artistique avec Half Bob. D’ailleurs Halfbob ne sera pas le seul dessinateur sur place.
Patrick : Oui y'en aura pleins d'autres...
Adeline : Shyle Zalewski...
Patrick : Oui c'est l'idée de départ, faire autre chose que juste des groupes qui se succèdent sur scène. Qu'il y ait autre chose. Alors on a pensé à pleins de choses, des trucs comiques. Voilà Halfbob c'était normal, il fait partie de Influenza Records. Et la logique voulait que d'autres dessinateurs soient présents aussi. Pour que ce soit un peu plus original, un peu plus rigolo. Mais ce sera un peu un test de faire le truc... Pour nous déjà en tant que groupe et pour Influenza surtout...
C : Ouais ça passe ou ça casse quoi
Patrick : Ouais si c'est un succès, la Flèche d'or voire d'autres peuvent avoir envie d'organiser des trucs comme ça avec nous dans le futur. Et puis les observateurs extérieures, à commencer par les privilégiés comme vous, puisque vous êtes les plus proches se diront "oh putain la scène parisienne nouvelle naissance", papier dans les Inrocks et tout. Ou alors y'aura pas beaucoup de monde et puis bof et puis ça sera aussi vite oublié. C'est un pari...
C : On fera une after au boulodrome, on mettra une tente (rires)
Faez : Ce sera bien, ce sera bien...
Patrick : Au moins lui il est là, on peut compter dessus. Ou alors dans deux ans y'aura une scène Influenza Records à Rock En Seine, une autre possibilité avec Heineken et Coca Cola (rires)
Adeline : Oui enfin bon Rock en Seine...
P : Aïe, aïe, aïe...
Patrick : On dira non de toute façon. Y'a Pepsi qui va nous appeler, mais non, gardez votre chèque.
C : On préfère Coca.
Patrick : Oui voilà déjà
Faez : Le gars à Rock en Seine, c'est un nouveau concept. Le festivalier parisien à quoi il ressemble ? Il ressemble à grosso modo ce que faisait Franck Dubosc dans Camping.
Patrick : Ils ressemblent tous à ça, c'est ce que j'avais vu.
P : De manière globale dans tout ce qui touche à l'artistique ou du divertissement, on a souvent tendance ces derniers temps à faire la comparaison entre un public de supporters, des gens qui apprécient vraiment ce domaine, et un public de spectateurs. C'est comme ça que vous le ressentez au final ?
Patrick : Euh tu veux dire le spectateur il va voir des gens connus ?
P : Ça veut dire que le spectateur finalement ne s’intéresse pas vraiment à l'art. Il est juste là en tant que... spectateur.
Patrick : Mais il n’ira pas voir un festival de groupes pas connus à la Flèche d’ Or le spectateur, ou alors... c'est triste pour lui-même.
Adeline : Tu veux dire les gens qui discutent pendant les concerts, et qui se prennent en selfie et les postent sur Facebook en direct live et tout.
C : Au Nouveau Casino, il y en a plein qui font ça. Et ils y vont et n'ont rien à foutre des groupes. Pendant les morceaux ils parlent super forts. Tu ne sais pas pourquoi ils sont là. Je suis sûr ils s'en foutent du groupe.
Patrick : Ils viennent juste parce que le groupe est connu. En fait ils bossent pour les maisons de disques.
Faez : C'est les huit que t'étais forcé d'inviter sur les dix.
Patrick : Je pense qu'on fait pas de la musique qui a pour vocation à intéresser un grand public. Tant mieux si plein de gens se mettent à écouter mon groupe. Mais c'est pas le cas, et c'est pas grave c'est pas le propos. De toute façon on ferait pas cette musique si on voulait ça. On chanterait en français, on mettrait pas de distos. On essaierait de passer à la radio... C'est cinq groupes sur des milliers qui ont réussi à vendre des disques et passer à la radio et que les mères de famille connaissent les morceaux. Mais nous on s'en fout de ça...
Faez : Faut pas le dire, faut pas le dire.
Patrick : Non mais si c'était ça qu'on voulait, on serait complètement débiles...
Faez : Je partage ton point de vue mais faut pas le dire. (rires)
P : On a compris qu'il y a eu un point pilier de bar (rires)
Patrick : Adeline nous a rejoints il y a 6 mois
Adeline : Il y a plus de 6 mois, le 25 février 2015 mais on a répété pour la première fois début avril.
P : Parce que finalement le groupe c'est formé quand ?
Faez : Le groupe s'est formé en 2005 et j'y étais pas.
Adeline (en fond) : Ouf... Il y a un siècle !
Patrick : Il y avait que moi en fait, je suis comme Axl Rose.
Adeline : En fait il a déposé le nom du groupe à l'office des appellations protégées (rires)
Patrick : Il y avait un autre batteur jusqu'en 2009 et ensuite Faez et donc Adeline (ndc : à la basse) depuis 6 mois.
P : On aurait presque l'impression que tu cherches un backing band pour ton projet solo...
Patrick : Bon c'est pas exactement ça. Le premier batteur est parti vivre à Bordeaux, j'y peux rien, et j'ai rencontré Faez pas longtemps après.
C : Donc ça n'a jamais été un projet solo ?
Patrick : Jamais, ça a toujours été un groupe et c'est juste que les membres ont changé. C'est pas du tout un truc genre "j'ai fait des maquettes chez moi faut que je trouve des gars pour les jouer".
Adeline : Il y a pas de leader (rires). Il y en a un qui écrit les chansons et d'autres qui les jouent mais il y a pas de leader.
Faez : Mais il y a un dealer (rires).
Patrick : On peut dire que la genèse du groupe est un peu compliquée mais que le groupe existe depuis 2005.
P : Du coup le groupe a évolué mais as tu l'impression que le son a évolué également ? Vous vous décrivez comment finalement ?
Patrick : Indie rock. Oui le son a un peu évolué, mais bon les influences que j'avais à l'époque sont les mêmes. Faez bon, même s’il écoute du jazz bizarre et pleins de trucs, on se retrouve sur les influences, et puis Adeline aussi. C'est pas comme si non plus on avait cherché un bassiste reggae et puis rajouté un synthé, donc le son oui, il a évolué mais on reste dans le même style.
P : Après écouter du jazz bizarre c'est pas une tare en soit, il y a pas mal de groupe indie qui ont des influences différentes et notamment jazz bizarre, je pense à Sonic Youth dont un des membres est fan de free jazz et ça se marie bien dans certaines de leurs compos.
Patrick : Nous ça se ressent pas du tout... Je n’écoute pas que du rock indé non plus mais le groupe lui même est toujours resté dans un sillon bien défini. Les groupes des années 90 sont ceux qui font le son du groupe. Même si Faez écoute des trucs bizarres, ce sont les groupes qu'il a écouté quand il avait 15 ans et ce sont les mêmes que moi.
Faez : Il y a une direction, il faut toujours faire gaffe à ce que tu vas faire. Même si pleins de groupes te disent que c'est un peu spontané, il y a toujours un peu de calculs. Il faut filtrer ce qui est jouable, j'écoute de la musique classique, ils en ont rien à foutre et Social Square non plus. Du coup je ne vais pas sortir des plans de reggae ce serait complètement déplacé. Sauf si tu conceptualises et que tu dis que tu vas faire de la fusion mais c'est pas notre démarche. Notre démarche c'est faire des trucs qui nous plaisent, qui font consensus.
C : Oui c'est ce qui vient naturellement
Adeline : Oui qui nous plaisent.
Patrick : Tout le monde nous dit depuis le début "Ah c'est vachement années 90". J'ai jamais voulu faire ça.
P : On sent que c'est votre base musicale commune.
Faez : Pour moi c'est important que ça ne dépareille pas, le plus important ce n’est pas ce que j'écoute mais ce que le groupe écoute en commun et qui a quelque chose à voir avec Social Square.
C : Comme dans beaucoup de groupes il y a des passages où on jam.
Patrick : Nous pas tellement....
C : Comment vous travaillez vos morceaux dans ce cas ? Comment fonctionne une répète classique chez vous ?
Patrick : Une répète classique c'est quand même beaucoup répéter nos morceaux existant.
Adeline : Surtout que je viens d'arriver et qu'il fallait que j'apprenne les morceaux déjà existant.
Patrick : Oui mais même.
Faez : Au delà de ça c'est souvent Patrick qui ramène le squelette.
Adeline : Oui il arrive avec des riffs.
Faez : Il a déjà une idée de l'ambiance du morceau et là on brode. On a un morceau qu'on a composé depuis qu'Adeline nous a rejoint, donc on peut déjà parler de la manière dont le lineup fonctionne. En fait c'est assez banal, mais ça veut pas dire que c'est mauvais en soit. Chacun apporte sa pierre à l'édifice, chacun son territoire.
Patrick : J'ai toujours joué dans des groupes à 4 avant et quand j'ai voulu faire un trio, c'était justement pour ça, pour que chacun ai son territoire bien défini, que personne ne se marche sur les pieds. Moi je vais pas dire au bassiste, ni au batteur tu joues telle note, en tout cas pas tout le temps (rires). Il faut que chacun ait son espace.
Adeline : Moi je suis plus sur les structures du morceau, savoir quelle partie mettre après l'autre. Je suis ingénieur structure.
P : Il y a tout de même eu une vraie volonté de monter un trio ?
Patrick : Oui, depuis 10 ans on aurait pu rajouter un claviériste, un deuxième guitariste. Et puis moins il y a de gens plus c'est simple, ne serait ce que pour les horaires de répètes. Après deux c'est bien, les Whites Stripes, les Black Keys ils font des trucs sympa mais personnellement, trois c'est le minimum pour pas t'ennuyer et le max pour pas te marcher sur les pieds.
C : Donc pas de Social Square à 4 dans un futur proche.
Patrick : Il y a pas de projets dans ce sens. Par contre des collaborations ponctuelles, c'est bien.
P : Au niveau de votre discographie, je me suis arrêté sur l'EP que j'avais acheté à une soirée Influenza.
Patrick : Kaiju Quick Fix ?
P : Non le précèdent Carry On, d'ailleurs on s'est posé la question, doit-on le considérer comme un album ou un EP ?
Patrick : A la base c'était un EP qui avait six morceaux, puis on a enregistré trois autres titres et on s'est dit qu'on allait les greffer aux précédents.
P : Et comment s'est passé l'enregistrement, vous étiez auto produit ? Vous avez cherché à vous rapprocher d'un label à ce moment la ?
Faez : On a pas cherché de label, c'est Influenza via Santiago (membre de Wonderflu aussi sur le label) qui est venu nous chercher.
Patrick : Avant même qu'on le sache, ils avaient déjà jeté leur dévolu sur nous. On avait joué ensemble à La Gare Aux Gorilles, et j'ai appris récemment que c'est eux qui ont proposé que nous fassions parti de la prog, avec d'autres groupes qu'ils avaient aussi embarqués. Et quelques temps plus tard, ils nous ont recontacté pour nous dire qu'ils aimeraient bien monté un truc avec plusieurs groupes.
P : Finalement le droit de passage pour entrer dans la secte c'est Santiago, qui doit vous choper, qui a réussi à vous découvrir.
Patrick : Parce que lui il est très fort, il passe beaucoup de temps à découvrir de nouveaux groupes.
P : Il vous a montré sa petite technique pour découvrir d'autres groupes ?
Patrick : Bah il a carrément créé un site ( http://www.influenza-records.com/find/ ) En tout cas il dévoue beaucoup de son temps à ça et j'imagine que c'est comme ça qu'il nous a trouvé.
P : Et du coup qu'est ce qui vous a poussé à rentrer chez Influenza vu que vous aviez l'air d'être contre le fait de rentrer dans ce type de structure ?
Patrick : Bah c'est surtout le fait de les connaitre, quand ils nous ont parlé de ça on avait déjà joué avec eux.
Faez : La vibe était bonne, la musique qu'il proposait était bonne, les influences collaient et on ramait un peu tout seul. Leur logique de regrouper des groupes surtout sur Paris nous paraissait bonne.
C : Justement qu'est ce que vous pensez de la scène parisienne ?
Faez et Patrick : Bah il y en a pas !
Faez : Il y en a eu peut être dans les années 80...
Patrick : Il y avait les alternos.
Faez : Avant les alternos, il y avait aussi les Daho, Eudeline, Lili Drop. On était gamin, on serait menteur de dire qu'on adorait ce qu'ils faisaient. Les mecs comme Jad Wio, tout le monde trouvait ça génial à l'époque car il y avait rien d'autres. Je ne suis pas en train de dire que c'était pourri mais c'était le début, je respecte. Pour revenir à la question il y a pas de scène. Les bébés rockeurs ils viennent pas de Paris, il y a pas de scène parisienne.
Patrick : A Paris, il y a du rap et de la techno... Enfin de la musique électronique. Pour le rock, il y a Rennes et Bordeaux en France.
Faez : Et vous qui êtes de l'autre coté de la barrière vous en pensez quoi ?
P : Je pense qu'on est globalement sur la même longueur d'onde
Faez : Il y a des bons groupes mais il n'y a pas de scène.
Patrick : Wonderflu sont venus avec ce même constat, il y a des bons groupes mais chacun fait son truc dans son coin sans jamais s'entraider. Sans jamais se connaitre vraiment.
P : Il y a une vraie volonté chez Influenza de recruter des groupes dans cette mouvance ?
Patrick : Oui mais le problème que l'on rencontre c'est de trouver des groupes où la musique et l'état d'esprit sont en accords avec nos valeurs. Et c'est plutôt dur à trouver. Santiago est bien placé pour le dire lui qui scrute en permanence.
C : Influenza est exigeant !
Patrick : C'est compliqué de se lancer avec des gens avec lesquels tu sens que ça colle pas et pareil, on ne pense pas agrandir Influenza avec des groupes de Bordeaux ou de Lyon, parce qu'on fera un concert ensemble une fois et puis c'est tout.
C : C'est donc quoi l'état d'esprit ?
Patrick : Flyer pour des concerts mutuels, pas trop se prendre la tête, ne pas porter de rayban quand tu arrives sur scène.
Faez : De manière globale, avoir une vision collective.
Adeline : Pas trop être prétentieux ou snob.
Patrick : C'est un rapport à la musique en fait, pourquoi est ce que tu fais ça ? Il y a pleins de groupe où tu te dis quand ils ont eu 25 ans ils avaient juste envie de porter des santiags et de peloter des minettes. Bon évidemment on force un peu le trait, mais tu en as plein des groupes qui te parlent de leurs œuvres en se prenant un peu trop au sérieux et on est pas comme ça.
Faez : Les mecs qui utilisent le mot opus pour parler d'albums (rires)
C : Ils vivent dans le passé ces gens là (rires)
Faez : Opus et le verbe lorgner, qui lorgne du coté de...
Patrick : C'est vos tics de journalistes musicaux (rires). Indépendamment de ça, il y a pleins de groupes qui sont très sympa et dans le même état d'esprit mais dans un style un peu différent, un peu plus vers le métal ou vers le punk et ça, ça nous convient pas. On est dans un créneau très bâtard et donc on est un peu tout seul.
Faez : Tu sais, mine de rien en moins de deux ans d'existence c'est déjà pas mal qu'il y ait trois groupes dans le label. Après on ne cherche pas non plus à être six groupes.
Patrick : C'est aussi l'intérêt, c'est qu'on se connait tous, on joue souvent ensemble, on se voit souvent et c’est aussi ça l'état d'esprit. Pas question de mettre un tampon Influenza sur tout les groupes avec lesquels on aurait vaguement joué.
C : Est ce qu'il y aurait pour vous un début d'influence autour de votre label ?
Patrick : Souvent il y a des gens, dès que tu as un logo ça fait sérieux, donc des groupes nous contactent en nous disant, "Tiens ça m'intéresserait d'être produit par vous !". Et là on leur explique qu'on est juste des groupes comme eux sauf qu'on s'est mis ensemble. Il y a pas de "Tiens coco -avec un gros cigare- viens on va te produire ton album"
P : Indirectement ça veut dire que les gens entendent parler de vous.
Patrick : Oui ça, ça fait plaisir, ça veut dire que les gens ont vu passer du Influenza et se sont dit que c'était un truc sérieux.
P : Parce qu'au final on a appelé Greg (membre de Wonderflu et un des initiateurs du label), pour savoir quand était né le label...
Patrick : Et alors il a dit quoi ?
P : Et bien c'était pas très clair dans sa tête (rire). Il a hésité entre 2011 et 2012, il savait plus trop. Nous il nous semblait que c'était 2011.
Patrick : Eux avaient déjà l'idée de monter le label quand ils nous ont approchés et je sais plus non quand c'était.
Faez : Moi je me souviens, je suis le seul survivant de la première AG et qui était en même temps un espèce de baptême Influenza. On s'était retrouvé tout les groupes ensemble pour prévoir ce qu'on allait faire ensemble et c'était l'été 2013.
P : Donc c'était en 2013 en fait.
Faez : Il y a deux ans a germé l'idée de faire cette compilation notamment.
P : Finalement en deux ans d'existence, vous avez votre label, vous avez sorti des Ep & une compilation, vous organisez votre deuxième festival. Vous réussissez à prendre du recul sur le travail que vous avez abattu en si peu de temps ?
Faez : C'est vrai qu'on en a fait plus que ce qu'on pouvait imaginer.
P : Du coup aucun regret d'être rentré dans ce type de structure ?
Faez : Carrément
Patrick : C'est comme n'importe quel domaine de la vie, si quelqu'un te dit "ok collaborons car on fait la même chose", alors faisons le ensemble. On a pas hésité.
Adeline : C'est beaucoup plus dynamique d'être plusieurs.
Faez : Si tu es tout seul dans ton coin, c'est par exemple comme l'interview avec vous, quand on était seul on avait réussi a décrocher qu'une interview et c'était avec une radio en Seine et Marne et désormais la fréquence a clairement augmentée.
P : Le label se décrit comme un label associatif et c'est vraiment ce qu'on ressent à vous entendre
Patrick : Oui, ça veut aussi dire qu’on n’a pas d'argent et que les mecs qui disent "On veut être produit par vous", ils ont pas compris que l'on avait pas un budget pour produire les groupes, c'est pas comme ça que ça marche. On est plus des petits producteurs qui nous mettons ensemble pour faire la même chose dans de meilleurs conditions.
C : Je sais que Santiago apprécie beaucoup le bouquin Our Band Could Be Your Life, et quand je pense au début d'Influenza ça me fait beaucoup penser au début de SST avec Black Flag qui ont aidé d'autres groupes justement.
Patrick : Cette histoire là et d'autres similaires se sont passées dans pleins de ville à pleins d'époques.
Faez : C'est une nécessité, personne ne veut de nous ! Donc si on se met ensemble on arrivera sûrement à se faire entendre, à se créer un réseau pour s'auto-distribuer.
Patrick : Finalement en France ça s'est déjà fait dans d'autres villes, il y a une scène bordelaise, une scène lyonnaise sauf qu'a Paris ça se fait pas, et il y a pas de raisons.
Faez : Si il y a deux raisons, je ne te connais pas je ne t'aime pas, et, tu écoutes pas la même musique que moi, donc t'es pas sympa.
Patrick : Il y a des causes mais il y a pas de raisons. Et puis il y a trop de monde, il y a tellement de groupes et tellement de concurrence que les groupes se demandent ce qu'ils doivent faire pour sortir du lot donc il y a pas d'entraide. Alors que nous on s'est posé la question, qu'est ce qu'on peut faire pour faire entendre parler de nous ? Car on sait bien que si les gens parlent de Wonderflu ou de Polarbird, il y a des chances que l'on soit mentionné aussi et vice versa. Donc on a tous intérêt à faire tourner le moulin.
P : Vous dites qu'il y a finalement beaucoup de groupes sur Paris, mais pourtant des groupes typés 90 il y en a pas tant que ça. De plus ces dernières années, on a vécu un mini revival de années 90 et on a vu qu'il y avait un public pour ces groupes là.
Patrick : Tu veux dire des groupes étrangers ?
C : Oui, des groupes comme Cloud Nothing ou Yuck typés très 90 ou même des groupes historique comme Yo La Tengo.
Patrick : Et tu vas au concert et tu te dis qu'il y a plein de gens qui écoutent cette musique là. Après, est ce que ces gens-là vont aller voir des petits groupes de la scène parisienne ?
Faez : Je sais même pas si c'est un problème de rock indé ou pas. Je discutais avec des mecs du flyage, notamment avec un mec qui fait ça depuis 30 ans et qui était mon ancien manager quand j'étais dans un groupe. Quand il a commencé, c'était pas encore sursaturé de concerts, il y a des salles cultes, 40 ou 50 maximum. Le Lylo n'existait pas, il n'y avait pas internet. Quand tu ouvres un Lylo tu sais presque pas où aller tellement tu as du choix.
Patrick : Enfin ça c'est le problème à Paris. Sur Bordeaux ou à Rennes je pense qu'il y a moins de choses qui se passent.
P : Mais j'ai l'impression comme vous que le problème est assez multiple, c'est assez intéressant je discutais d'un sujet avec un ami autour de la musique et c'est un peu le même constat, il y a beaucoup trop de choix parce que finalement c'est devenu plus accessible d'en écouter et d'en produire. Ce qui n'était pas le cas il y a pas mal d'années. Il me disait avant il y avait des références, ce qui permettait de faire émerger des gens. Et donc la communication se faisait naturellement parce que les grands journaux étaient bien plus fan de musique. Il y avait des dénicheurs qui allaient chercher dans les scènes locales, faire monter les artistes... Ce qui a été perdu dans les années 80/90 ou la musique avait des visées bien plus commerciales... Est-ce que ce ne serait pas ça qui manquerait aujourd'hui, que ce soit un journal ou des personnes qui font la programmation tout simplement ? Parce que le public est là... N'y aurait-il pas dans toute l'industrie musicale, des personnes qui n'arrivent plus à faire émerger de talents, du moins à mettre en avant les artistes d'un domaine musical avec leur public ?
Faez: J'ai une petite idée de départ qui peut constituer une réponse. De quelle industrie musicale tu me parles ? Parce que tu en as plusieurs. Je pense qu'aujourd'hui la musique est le parent pauvre de la culture. Ça se vend beaucoup moins que le cinéma ou les jeux vidéos. Regarde en termes de vente, les skeuds que tu achètes, et je ne parle pas de ceux piratés, c'est moins que les ventes réalisées par les jeux vidéos ou les dvd et le cinéma. Ensuite je suis persuadé que la situation est bien pire aujourd'hui qu'il n'y a 30 ans en ce qui concerne le degré d'amour de la musique des gens qui travaillent dans l'industrie musicale. Le peu de gens que j'ai rencontré dans cette industrie avant d'être avec Social Square, c'était des gens qui étaient pro mais qui n'en avait rien à foutre de la musique ; franchement ça les emmerdait d'être dans la musique. C'était une espèce de tare, de punition, avant de trouver mieux. Quel que soit la position qu'ils occupaient...
C : Un job intermédiaire quoi...
Faez : C'était un job intermédiaire. C'était une espèce de truc non pas par défaut, mais en attendant de pouvoir faire mieux dans la culture..
C : Dans le cinéma...
Patrick : Ou dans le marketing...
Faez : C'était une punition et c'étaient des espèces de gros beaufs. Enfin des faux beaufs, des mecs instruits mais qui n'en avaient rien à foutre de l'industrie musicale.
Patrick : Noircis un peu le tableau (rires). C'est venu avec la professionnalisation de l'industrie musicale. Ils ont des diplômes reconnus et...
Faez : Attention, alors attention, ils sortent, ils vont à tous les concerts parce qu'il faut y aller de toute façon c'est leur taf. D'ailleurs ce qui est dégueulasse c'est que nous quand on avait nos entrées limités pour inviter du monde, 10 places par musicien. Bah y'en avait 8 qui partaient pour ces enfoirés. Et nos potes, y'en avait que deux qui pouvaient rentrer. Avec des gens invités qui des fois ne se pointaient même pas à nos concerts...
(Interruption par le barman qui nous fait changer de place, le fond du bar ayant été réservé pour 19h)
Faez : Là je vous racontais un peu les cuisines. Mais pour écourter l'histoire, c'est pas avec des gars comme ça que l'indie rock 90's, qui est un marché de niche si on parle en terme de marché, mais... ça n'intéressera jamais ces gens-là. Donc on revient au départ. Si on veut se faire entendre, créer un mouvement, c'est ce que vous disiez c'est le Do It Yourself parce que ces gens là ne s'intéresseront jamais à ce que l'on fait. Ces gens-là ils n'aiment pas la musique, notre musique. Ils vont aux concerts, et à l'époque je peux te citer les groupes fashions, ils allaient voir les Vampire Weekend, ils allaient voir les groupes qui venaient de sortir... Mais ils aimaient ça parce qu'il fallait aimer ça.
Patrick : Moi j'aime bien Vampire Weekend
Faez : Oui moi aussi mais à l'époque, tu vois... C'était à l'époque même les gens qui n'aimaient pas ça disaient qu'ils aiment bien quand même.
Patrick : Si on peut revenir sur le fait qu'on est dans une niche, et le problème c’est qu'on est aussi pas assez dans une niche. Parce que si on faisait du reggae ou du doom ou de la musique expérimental ou des trucs comme ça très très précis... y'a une scène, y'a un réseau, quelques dizaines de personnes dans chaque ville mais y'en a. Et à chaque fois une salle de concert ou à chaque fois des soirées dédiées à ça. Mais pour le rock indé y'en a pas. Ça n'existe pas. Mais plein de fois j'ai constaté ça, comme dans le punk, y'a un réseau punk. Quand t'es bien intégré dans ce réseau tu montes une tournée sans peine. C'est pas comme ça pour le rock indé, on est trop généraliste. Tout en étant pas assez généraliste, parce qu'on fait pas non plus du Pascal Obispo. On a un peu le cul entre deux chaises avec le rock indé. C'est peut être pour ça aussi qu'on a autant de mal à trouver des groupes qui ont le même état d'esprit que nous. Parce que les mecs ils sont trop dans leur truc trop précis - que ce soit funk reggae ou n'importe - bah on colle pas trop. Et des groupes qui soient trop pop grand public ou variétoche ça le fait pas trop, déjà ils chantent en français - à ce moment c'est mal barré. Et nous on se situe au milieu, dans un espèce de creux là et c'est dommage puisque c'est la musique qu'on aime. Mais bon c'est comme ça.
C : Parlons un peu du Freakscene qui va se passer dans deux semaines. La seconde édition du festival. La première avait eu lieu en 2013 dans un boulodrome à Charenton.
Faez : Patrick y était...
Patrick : Ouais
Faez : Moi j'y étais pas.
Patrick : C'était déjà une belle réussite d'avoir réussi à faire venir tout ce monde et d'avoir organisé tout ça. Mais c'était vraiment avec des bouts de ficelles...
Adeline : C'était en plein air en fait ?
Patrick : La scène était couverte. La plupart des trucs était en plein air mais les concerts étaient sous une halle. Mais de toute façon il a pas plu. Enfin je crois pas...
C : Non non
Patrick : Mais excellente question. Mais là ils ont réussi à convaincre la Flèche d'Or quand même. Forcément y'aura moins de possibilités de faire des trucs annexes rigolos (de nombreux stands annexes étaient disponible lors de la première édition du festival).
C : Oui compte tenu de la Flèche d'Or...
Patrick : Parce que contraindre une salle, voilà y'a déjà un bar sur place.
Adeline : Le barbecue peut se faire en terrasse...
Patrick : Tout à fait ils vont faire le barbeuq dehors c'est déjà bien. Mais c'est très bien parce que c'est une vrai salle, avec une vrai scène, de vrais équipements, des lumières et tout.
Adeline : Du vrai matos ouais...
Patrick : Et puis surtout la Flèche d'or a dit ok, on vous fait confiance et on va essayer... Plutôt que juste une connexion de connexion qui a fait qu'ils ont pu emprunter le boulodrome. C'est quand même un ton au-dessus.
Adeline : Parce que souvent ça se passe comme ça, les salles c'est "Ouais filez moi 1800 balles et démerdez vous".
Patrick : Oui mais il faut quand même qu'ils disent oui.
P : Oui, en fait je pense que c'est ça qui est intéressant.
Patrick : Evidemment la Flèche d'or ils vont pas perdre d'argent. Au pire ça va leur revenir à zéro donc ils sont pas inquiets. Mais ça veut dire que ce soir-là ils font rien d'autre. Il faut qu'ils disent oui, qu'ils s'engagent quand même.
C : Et du coup en 2013 vous n'avez pas joué à la première édition. Pourquoi ?
Faez : C'est une tournante...
Patrick : Parce que Wonderflu a joué. Tout simplement. Parce qu'ils voulaient pas faire un festival ou y a que les groupes Influenza qui jouent. Donc Wonderflu a joué la première. Vous constaterez qu'ils ne jouent pas cette fois ci. Et donc ils voulaient que ce soit un des trois groupes qui jouent, donc pas eux et bien il reste Polarbird et nous. Et bah c'est nous voilà, et la prochaine fois ce sera Polarbird.
P : Et ça se passe comment justement, y'a une battle royal entre groupes, c'est tiré à pile ou face ? (rires)
Patrick : Non c'est c'est...
C : Suivant la disponibilité ?
Patrick : Ouais, c'est une décision qui n'a pas été prise par nous.
Faez : De toute façon on a pas été partie prenante de ça. On nous a notifié qu'on...
Patrick : Qu'on était invité, et on a dit ok.
P : Le festival se passe désormais à la Flèche d'or. La programmation pour la seconde édition est aussi plus internationale. C'est intéressant de noter la transition. Et c'est là qu'on commence à sentir qu'il y a quelque chose autour de ce label. J'ai l'impression que ça s'est fait aux aléas de concerts ou de concerts communs que vous avez faits avec les groupes.
Patrick : Tu veux dire avec Disco Doom et...
C : We Insist ?
Patrick : Bah non We Insist ils sont de Paris. Ya pas des belges ?
Adeline : Non ils sont suisses Disco Doom.
Patrick : Oui mais y a pas de belges ? Bon bref c'est déjà bien...
Adeline : Et y a Appletop qui vient de...
Patrick : De Bordeaux
Adeline : Non du Var.
Patrick : Du Var. Quelque part au sud de la Loire.
P : Et du coup vous avez participé à la programmation ? Ça s’est passé comment ?
Patrick : On a reçu des ordres du festival... (sourire). On a donné des idées.
Adeline : On a proposé des groupes qu'on aimait bien, ils vont revenir vers nous normalement…
Faez : Y'avait aucun des groupes dispo parmi ceux qu'on aimait bien...
Patrick : Ouais ils ont demandé a beaucoup de groupes quand même, dont des gens plus connus encore. Voilà question d'agenda et d'argent ils font le tri rapidement...
P : D'accord. Parce que finalement c'est pas un festival Do It Yourself ?
Patrick : Bah si parce que y'a pas de sponsors... Y'a pas de gros chèques... C'est vraiment bonne volonté. C'est DIY dans la mesure où y'a pas un rond.
P : Et y a combien de personnes derrière au final ? Comment vous organisez ce genre choses ? Est-ce que y a du matos à ramener... ?
Patrick : On le fait entre nous. On s'est échangé des mails déjà. Faez va prêter sa batterie. Alors scoop de behind the scenes ! (rires) Ce sera la batterie de Social Square sur laquelle joueront tous les groupes. Y compris des We Insist ou des suisses qui jouent dans des festivals ou tout ça. Donc là aussi on s'entraide quoi. Ce qui me parait la moindre des choses.
Faez : Et de toute façon, encore une fois... Relis le bouquin de Michael Azerrad. Il est question de ça aussi. Un type qui prête sa batterie pour tous les groupes, dans SST... Tu as Sacharrine Trust qui joue sur la même batterie que Black Flag et puis... C'était comme ça et c'est pareil pour les groupes de jazz qui faisaient ça aussi. Saturne Records aussi...
Patrick : Jusque maintenant je m'étais pas posé ce genre de questions mais, dans le fond, genre les bébés rockeurs je pense pas qu'ils accepteraient tous de se prêter une batterie. C'est juste une question d'état d'esprit pour tous. Alors que nous ça nous parait juste normal. Évidemment qu'on va jouer sur la batterie de quelqu'un, que ce soit la nôtre ou celle de quelqu'un d'autre.
Faez : On va pas ramener sept batteries...
Patrick : Mais c'est normal aussi que ce soit pas Influenza qui loue une batterie par exemple. Enfin tout ça me parait...
C : C'est du bon sens.
Patrick : C'est du bon sens. Mais pour nous. Je connais un tas d'autres gens qui ne voient pas les choses comme ça.
C : Ouais mais ça complique la relation au point où à un moment donnée le festival tombe... Enfin que ça ne se fasse plus quoi
Patrick : Mais parfaitement. Des gens qui disent "Ah mais non hors de question". Et à cause de ça rien ne se fait. Ça arrive tout le temps. Et pourtant des mecs qui n'ont pas objectivement la carrure financière pour se permettre d'être des divas. Mais ça arrive tout le temps. Maintenant que vous nous posez la question c'est vrai que c'est pas évident pour tout le monde, mais pour nous oui.
C : Est-ce que les autres groupes comme DiscoDoom ou Appletop participent eux aussi à l'organisation ?
Patrick : Là tu viens de citer les deux qui viennent de loin. Donc on peut pas leur demander d'apporter plus que leurs guitares. Parce qu'ils vont être payés trois francs six sous donc c'est normal qu'ils jouent sur notre matos. Les autres groupes ils sont de Paris, donc certains vont apporter leurs amplis. Tout le monde a dit "y'a pas de problèmes vous jouez dessus si vous voulez". En même temps y'a aussi le matos de la Flèche d'Or. Pour une fois on est plutôt bien lotis.
P : Et il vous reste encore des choses à gérer dans l’organisation du festival ? Tout est déjà carré, tout est déjà réglé ou il reste encore des choses ? Le cas de la batterie j'ai l'impression ça vient de se régler. Mais du coup...
Adeline : Il reste à acheter de la viande pour le barbecue... Des gobelets en plastique... Des fourchettes couteaux, des assiettes en cartons (rires)
Faez : On va tirer à la courte paille l'ouvreuse... Je sais pas qui va faire l'ouvreuse ?
Patrick : Le principal c'est bon. On a la date, on a la salle, on a le matos, on a l'affiche, on a le prix d'entrée... C'est bon.
Faez : Une salle de bains ? (rires)
P : Mais c'est vrai qu'on retrouve aussi cet esprit... Ou finalement petit à petit on sent que vous créez ce réseau en fait. Parce que finalement Influenza c'est de la musique, mais à part les collaborations musicales, il y a aussi une collaboration artistique avec Half Bob. D’ailleurs Halfbob ne sera pas le seul dessinateur sur place.
Patrick : Oui y'en aura pleins d'autres...
Adeline : Shyle Zalewski...
Patrick : Oui c'est l'idée de départ, faire autre chose que juste des groupes qui se succèdent sur scène. Qu'il y ait autre chose. Alors on a pensé à pleins de choses, des trucs comiques. Voilà Halfbob c'était normal, il fait partie de Influenza Records. Et la logique voulait que d'autres dessinateurs soient présents aussi. Pour que ce soit un peu plus original, un peu plus rigolo. Mais ce sera un peu un test de faire le truc... Pour nous déjà en tant que groupe et pour Influenza surtout...
C : Ouais ça passe ou ça casse quoi
Patrick : Ouais si c'est un succès, la Flèche d'or voire d'autres peuvent avoir envie d'organiser des trucs comme ça avec nous dans le futur. Et puis les observateurs extérieures, à commencer par les privilégiés comme vous, puisque vous êtes les plus proches se diront "oh putain la scène parisienne nouvelle naissance", papier dans les Inrocks et tout. Ou alors y'aura pas beaucoup de monde et puis bof et puis ça sera aussi vite oublié. C'est un pari...
C : On fera une after au boulodrome, on mettra une tente (rires)
Faez : Ce sera bien, ce sera bien...
Patrick : Au moins lui il est là, on peut compter dessus. Ou alors dans deux ans y'aura une scène Influenza Records à Rock En Seine, une autre possibilité avec Heineken et Coca Cola (rires)
Adeline : Oui enfin bon Rock en Seine...
P : Aïe, aïe, aïe...
Patrick : On dira non de toute façon. Y'a Pepsi qui va nous appeler, mais non, gardez votre chèque.
C : On préfère Coca.
Patrick : Oui voilà déjà
Faez : Le gars à Rock en Seine, c'est un nouveau concept. Le festivalier parisien à quoi il ressemble ? Il ressemble à grosso modo ce que faisait Franck Dubosc dans Camping.
Patrick : Ils ressemblent tous à ça, c'est ce que j'avais vu.
P : De manière globale dans tout ce qui touche à l'artistique ou du divertissement, on a souvent tendance ces derniers temps à faire la comparaison entre un public de supporters, des gens qui apprécient vraiment ce domaine, et un public de spectateurs. C'est comme ça que vous le ressentez au final ?
Patrick : Euh tu veux dire le spectateur il va voir des gens connus ?
P : Ça veut dire que le spectateur finalement ne s’intéresse pas vraiment à l'art. Il est juste là en tant que... spectateur.
Patrick : Mais il n’ira pas voir un festival de groupes pas connus à la Flèche d’ Or le spectateur, ou alors... c'est triste pour lui-même.
Adeline : Tu veux dire les gens qui discutent pendant les concerts, et qui se prennent en selfie et les postent sur Facebook en direct live et tout.
C : Au Nouveau Casino, il y en a plein qui font ça. Et ils y vont et n'ont rien à foutre des groupes. Pendant les morceaux ils parlent super forts. Tu ne sais pas pourquoi ils sont là. Je suis sûr ils s'en foutent du groupe.
Patrick : Ils viennent juste parce que le groupe est connu. En fait ils bossent pour les maisons de disques.
Faez : C'est les huit que t'étais forcé d'inviter sur les dix.
Patrick : Je pense qu'on fait pas de la musique qui a pour vocation à intéresser un grand public. Tant mieux si plein de gens se mettent à écouter mon groupe. Mais c'est pas le cas, et c'est pas grave c'est pas le propos. De toute façon on ferait pas cette musique si on voulait ça. On chanterait en français, on mettrait pas de distos. On essaierait de passer à la radio... C'est cinq groupes sur des milliers qui ont réussi à vendre des disques et passer à la radio et que les mères de famille connaissent les morceaux. Mais nous on s'en fout de ça...
Faez : Faut pas le dire, faut pas le dire.
Patrick : Non mais si c'était ça qu'on voulait, on serait complètement débiles...
Faez : Je partage ton point de vue mais faut pas le dire. (rires)
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