Grant Hart
The Argument |
Label :
Domino |
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À côté des grands retours de David Bowie, My Bloody Valentine, Throwing Muses, Mazzy Star ou encore des Queens of the Stone Age, 2013 aura également été marquée par le comeback d'un de ces héros du rock moderne que l'on a trop souvent tendance à oublier : Grant Hart. Le co-fondateur du cultissime groupe post-hardcore/rock alternatif, Hüsker Dü, signe en effet avec The Argument un véritable tour de force musical : un album concept de vingt morceaux imbriqués les uns aux autres, entre pop, rock, noise et bidouillages divers, et librement inspiré par le poème épique Paradise Lost de John Milton (1608-1674) et par l'écrivain beatnik William Burroughs (1914-1997) avec lequel Hart entretenait une réelle complicité (le nom de son second groupe, Nova Mob, créé au début des 1990s est lui aussi une référence à Burroughs).
Le Grant Hart des années 1980 avait quelque chose de rebelle, voire même de bestial (on se souvient de ses hurlements sur les tonitruants "Girl Who Lives On Heaven Hill" ou "You Can Live At Home"), celui de 2013 a surtout quelque chose de profondément fragile et touchant. Sa voix, hier pleine de fougue et de rage, est aujourd'hui abîmée par l'âge et, on le devine, par une vie marquée par une consommation excessive de psychotropes. Son timbre chevrotant évoque tantôt celui d'un vieillard (il n'a "que" 53 ans pourtant), tantôt, et c'est assez surprenant, celui de David Bowie.
Si la voix a un peu fané, le talent du natif du Minnesota, lui, n'a pas flétri. Avec The Argument, il montre qu'il est encore plein de sève. Certains morceaux issus de ce très long disque quasi-encyclopédique font, en effet, partie de ce que Grant Hart a proposé de mieux dans sa carrière solo. "Morningstar", le second titre de l'opus, qui suit une relativement courte introduction mêlant spoken word et expérimentations soniques, est de ceux-là : il s'agit d'une très jolie pop song sous tension électrique. Quant à "I Will Never See My Home" et son synthé mystique et "Is The Sky The Limit ?", ils font revivre avec émotion la beauté de certaines des plus belles ballades du rock alternatif du début des 1990s. Les morceaux plus pêchus que sont "It Isn't Love", "Glorious" et "(It Was A) Most Disturbing Dream" lorgnent avec brio sur le glam rock et "Letting Me Out" sonne comme un bon vieux rock'n'roll. "Underneath The Apple Tree", ensuite, fait vaguement penser à une pop vintage pas très éloignée de McCartney et de son "When I'm Sixty-Four". Enfin, le final doux-amer "For Those Too High Aspiring" et son harmonica finissent d'achever l'auditeur. L'ensemble, qui à la lecture peut sembler particulièrement disparate, forme pourtant un tout cohérent : les bidouillages qui relient la majorité des chansons entre elles et les morceaux plus expérimentaux qui jalonnent The Argument ("War In Heaven", "The Argument", "Awake, Arise!") participent à l'homogénéité du récit musical.
En conclusion, The Argument est un très bon album, certainement le meilleur de l'artiste en solo depuis Intolerance (1989), voire peut-être le meilleur de sa carrière tout simplement. La densité et la richesse de l'ensemble peuvent se révéler être un frein à l'appréciation de l'opus à la première écoute – un peu comme une forêt touffue et dangereuse dans laquelle il est difficile de pénétrer – mais c'est également cet aspect-là qui fait la beauté du disque. La réussite de ce projet grandiloquent, sur lequel beaucoup se seraient casser les dents, apporte une nouvelle fois la preuve que Grant Hart est un talent cruellement sous-estimé.
Le Grant Hart des années 1980 avait quelque chose de rebelle, voire même de bestial (on se souvient de ses hurlements sur les tonitruants "Girl Who Lives On Heaven Hill" ou "You Can Live At Home"), celui de 2013 a surtout quelque chose de profondément fragile et touchant. Sa voix, hier pleine de fougue et de rage, est aujourd'hui abîmée par l'âge et, on le devine, par une vie marquée par une consommation excessive de psychotropes. Son timbre chevrotant évoque tantôt celui d'un vieillard (il n'a "que" 53 ans pourtant), tantôt, et c'est assez surprenant, celui de David Bowie.
Si la voix a un peu fané, le talent du natif du Minnesota, lui, n'a pas flétri. Avec The Argument, il montre qu'il est encore plein de sève. Certains morceaux issus de ce très long disque quasi-encyclopédique font, en effet, partie de ce que Grant Hart a proposé de mieux dans sa carrière solo. "Morningstar", le second titre de l'opus, qui suit une relativement courte introduction mêlant spoken word et expérimentations soniques, est de ceux-là : il s'agit d'une très jolie pop song sous tension électrique. Quant à "I Will Never See My Home" et son synthé mystique et "Is The Sky The Limit ?", ils font revivre avec émotion la beauté de certaines des plus belles ballades du rock alternatif du début des 1990s. Les morceaux plus pêchus que sont "It Isn't Love", "Glorious" et "(It Was A) Most Disturbing Dream" lorgnent avec brio sur le glam rock et "Letting Me Out" sonne comme un bon vieux rock'n'roll. "Underneath The Apple Tree", ensuite, fait vaguement penser à une pop vintage pas très éloignée de McCartney et de son "When I'm Sixty-Four". Enfin, le final doux-amer "For Those Too High Aspiring" et son harmonica finissent d'achever l'auditeur. L'ensemble, qui à la lecture peut sembler particulièrement disparate, forme pourtant un tout cohérent : les bidouillages qui relient la majorité des chansons entre elles et les morceaux plus expérimentaux qui jalonnent The Argument ("War In Heaven", "The Argument", "Awake, Arise!") participent à l'homogénéité du récit musical.
En conclusion, The Argument est un très bon album, certainement le meilleur de l'artiste en solo depuis Intolerance (1989), voire peut-être le meilleur de sa carrière tout simplement. La densité et la richesse de l'ensemble peuvent se révéler être un frein à l'appréciation de l'opus à la première écoute – un peu comme une forêt touffue et dangereuse dans laquelle il est difficile de pénétrer – mais c'est également cet aspect-là qui fait la beauté du disque. La réussite de ce projet grandiloquent, sur lequel beaucoup se seraient casser les dents, apporte une nouvelle fois la preuve que Grant Hart est un talent cruellement sous-estimé.
Très bon 16/20 | par Rebecca Carlson |
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