Lowercase

Kill The Lights

Kill The Lights

 Label :     Amphetamine Reptile 
 Sortie :    mardi 08 juillet 1997 
 Format :  Album / CD  Vinyle   

Pour leur second LP le fameux duo de San Francisco, Imaad Wasif (guitare, chant) / Brian Girgus (Batterie) se sont offert les soins d'un bassiste: Justin Halterlein.
La production quant à elle en est toujours confiée à Amphetamine Reptile Records.
C'est un album d'une intensité rare et le meilleur album qu'ils n'aient jamais composé.
Il est en effet, le juste pendant entre le premier et le troisième et dernier album.
Véritable pierre angulaire de l'édifice Lowercasien, miroir fidèle de son oeuvre qu'il porte à son apogée.
Si le premier album All Destructive Urges Seem So Protect était plus minimaliste encore et plus noise peut-être aussi, le son n'était pas si clair avec une production plus crue. Quant au dernier The Going Away Present, c'est également une petite perle, et de surcroît, celui qui bénéficie de la plus grosse production. En revanche, les compositions sont légèrement plus pop, bien qu'avec des titres très accrocheurs et non moins passionnés. Une première approche donc plus abordable pour découvrir le groupe.
Si je lui préfère Kill The Lights sur la longueur, c'est aussi parce qu'il adopte un parti pris plus radical et quand bien même il sache se montrer fragile aussi.
Du moins, en tout état de cause, il se refuse toujours aux fastes d'une quelconque ornementation. Aucune sensiblerie n'est de bon aloi ici, on lui préfère, et de loin, l'énergie brute, l'émotivité pure qui affleure le coeur à fleur de peau.
Comparativement au premier album, les nouvelles compositions gagnent en profondeur autant qu'en maturité. La basse donne plus de densité à l'ensemble en soulignant les nuances, tant à la batterie que sur les guitares, et selon, accentue ou amenuise l'atmosphère préalablement choisie. La guitare, le chant et la batterie flirtent incessamment avec les deux extrèmes, et évoluent dans un style qui confond souvent slowcore et post-rock, émocore et lo-fi, noisy-pop et hardcore.
On rapproche communément leur style à celui de groupes comme Unwound, Chokebore, Slint , Sonic Youth, ou encore les Distorted Pony, bien qu'ils aient une forte et singulière personnalité, dont à l'écoute on ne saurait douter.
Des pièces sombres et sensibles, émotives et passionnées, mais non sans quelques véhémences singulières. Un calme tourmenté préludant bien souvent de spectaculaires explosions d'une rage effrénée. Comme en témoignent, si ce n'est le nom du groupe, du moins le caractère existentialiste de ses textes, la douleur semblerait avoir précédé l'éclosion de ce pur joyau. Il lui arrive tantôt encore ici et là de parcourir l'album mais de manière confuse et masquée sous d'autres apparats. Elle ne s'étale jamais longtemps et rarement de manière complaisante, la rage a tôt fait de s'en éprendre et de ravaler les maux de ses cris. Subtil mariage de la force à la faiblesse mêlé.
Ainsi l'humeur générale oscille entre les haleurs de l'abnégation neurasthénique,
et les blasphèmes les plus virulents.
Le premier morceau "She Takes Me" est un beau morceau simple et efficace où la mélodie est réduite à son essence même, dans un minimalisme lo-fi pop qui frise l'émocore. La rythmique assez envolée et progressive joue beaucoup avec la répétition et une suite de montées avortées comme pour souligner l'hésitation et la déroute du protagoniste dans la quête de son impossible identité (et au refrain de reprendre :
" I can't find myself anyway, so she takes me there. I can't be myself anyway , still she takes me there" ), le ton monte un peu mais sans réelle explosion.
En revanche le suivant, "Slightly Dazed" un des plus aggressifs de l'album, jouxte davantage avec la folie. Le récit relate la crise schizophrénique d'une personne qui progressivement perd la raison et lutte devant cet assaut. Wasif illustre le dialogue qui oppose le personnage à ses voix intérieures, en faisant deux chants distincts, l'un rageur et l'autre sur le ton de la lamentation. Un grand moment !
Viennent alors "Severance Denied" et "Neurasthenia", le premier est un morceau à deux visages, car s'il débute sur un air lo-fi pop, finit sur un ton railleur des plus virulents, tel un dernier sursaut avant de basculer dans la neurasthénie. Le second est le morceau le plus calme de l'album mais aussi le plus désabusé. Puis "Stairways", (le seul instrumental de l'album) compose un intermède musclé dont la fin avortée laisse enchaîner le beau et long "A Rare Anger". Un morceau, doté d'une construction post-rock, certes classique, mais avec une fin apocalyptique d'une intensité peu commune. Puis l'opus s'achève avec le plus minimaliste et le plus long morceau de l'album, qui sonne comme un défi si l'on considère les deux uniques phrases qui composent son récit : "Girl, you're king ! Waive your rights !"
Une composition étrange qui évolue de manière cyclique sur un rythme funéraire, qui deviendra vite plus véhément et martial, et qui n'est pas sans rappeler quelques incantations chamaniques. Ces transes où l‘on conjure le mauvais sort en dansant. Telle une vision moderne d'un "The End" échaudé par la colère et d'une effervescence des plus débridées.
De son écoute on ne ressort certes pas indemne mais en aucun cas non plus, nous ne serions abattus, car une telle énergie à tôt fait de nous revigorer et de purger les plus funestes passions. A l'instar de Dionysos qui n'était que douleur en lui-même et l'écho même de cette douleur, mais avec la rage pour exutoire cette fois, dans une catharsis des plus réussies.
Une certaine hybris encore que cet album enfanté dans la douleur mais présenté avec la plus grande ferveur et la plus vive émotion.
Ce groupe a vraiment une âme, une sincérité à toute épreuve.
Une formation incontournable à découvrir de toute urgence !


Excellent !   18/20
par Artemys


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